24/11/19
Luc 23,
35-43
Pour la
solennité du Christ, roi de l’univers, qui clôt notre année chrétienne,
l’Eglise nous propose pour l’année C comme pour l’année B un extrait de la
Passion du Christ. Ce choix peut paraître paradoxal car il associe la royauté à
la croix. Mais il présente l’intérêt de bien nous faire comprendre que l’image
du roi appliquée à Jésus exige une interprétation pour être comprise
correctement. Le fait de contempler la royauté du Christ au cœur même de sa
Passion indique d’emblée la différence essentielle qui existe entre les rois de
la terre et le Christ. Et dans ce cas la différence est bien plus importante
que la ressemblance.
Dans
l’Evangile selon saint Luc que nous venons d’écouter, alors que Jésus souffre
sur la croix, il est l’objet des moqueries et des insultes. Le message qui lui
est adressé à trois reprises se résume en ces mots : sauve-toi toi-même ! Si tu es bien le Messie, le roi des
Juifs… Or Jésus, dont le nom signifie justement Dieu sauve, n’est pas venu partager notre condition humaine pour se
sauver lui-même mais bien pour nous sauver. C’est la raison pour laquelle il
accepte le supplice de la croix et les injures des hommes. C’est au moment même
où il apparaît comme un Messie faible et impuissant qu’il réalise notre salut.
C’est le scandale de la croix. La puissance des rois terrestres (ou des chefs
d’Etat pour parler un langage plus actuel) se mesure habituellement à leurs
forces armées et à l’influence de leur empire économique. D’où la folle course
aux armements et la guerre économique sans pitié ! C’est une puissance
uniquement matérielle et brutale qui se moque bien de la puissance de Dieu, de
la puissance d’ordre spirituel. La boutade de Staline adressée à Pierre Laval
en 1935 illustre parfaitement le fossé qui existe entre la puissance humaine et
la puissance divine : Le pape !
Combien de divisions ? Dans l’Evangile de ce dimanche un seul homme nomme
Jésus par son nom, et non pas en lui donnant les titres de Messie ou de
roi : c’est le bon larron. Et il le fait dans une attitude d’humilité et
de prière, en confessant le règne de Jésus alors qu’il agonise sur la croix. Ce
malfaiteur condamné au supplice de la croix est le seul à avoir tout compris.
Il pressent que l’échec de Jésus est en fait l’annonce de sa victoire éclatante
puisqu’il viendra après sa mort inaugurer son Règne. Saint Paul dans la
deuxième lecture nous fait contempler l’homme-Dieu comme étant au centre de la
création et de la nouvelle création. Il est à la fois le
premier-né, avant toute créature et le
premier-né d’entre les morts. Tout est créé par lui et pour lui. En regard
de ces vérités, que la gloire des puissants de ce monde est
insignifiante ! Célébrer la fête du Christ Roi est une invitation à revoir
les valeurs qui orientent et dirigent non seulement nos vies mais aussi nos
sociétés et les relations internationales. L’Evangile opère dans ce domaine une
véritable révolution : celle du service et de l’amour. Il n’y a finalement
de véritable puissance que celle de l’Esprit Saint. Le véritable pouvoir humain
ne peut être que dans la ligne de l’humilité et du service, en dépendance du
pouvoir unique qui est celui de Dieu créateur et Sauveur. L’histoire nous
montre comment la puissance de l’Esprit a été capable d’ébranler puis de
renverser les puissances de ce monde qui mettaient leur assurance uniquement
dans les armes et dans l’argent. De grands empires, des dictatures de fer se
sont écroulés, mais l’Eglise, dont le Chef et la Tête est le Christ roi,
subsiste faible et petite en ce monde, mais puissante de la force de l’Esprit.
Contempler le Christ roi, c’est comprendre l’urgence de remplacer les fausses
valeurs agressives et brutales, qu’on les nomme armements, concurrence ou
compétition économique, par un esprit radicalement nouveau : celui de
l’entraide, de la coopération, du partage des richesses matérielles et
humaines, du service désintéressé, de la recherche du bien commun dans le
dialogue. Le Christ meurt sur la croix pour tout réconcilier en sa personne et
faire la paix. Cet événement du Golgotha a eu lieu il y a 2000 ans, mais force
est de constater que les valeurs qui régissent notre monde sont encore celles
de l’homme primitif même si nous prétendons être plus civilisés que nos
ancêtres. De ce point de vue-là l’Evangile n’en est qu’à ses commencements. Il
ne pourra porter tous ses fruits que si nous sommes disposés à changer notre
cœur de pierre en un cœur de chair et à croire réellement en la puissance
transformatrice de l’Esprit de Dieu.
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