25/11/18
Jean 18,
33-37
L’année
liturgique B propose à notre méditation un passage de la Passion pour la
solennité du Christ, roi de l’univers. Dans l’Evangile selon saint Jean, le
procès civil de Jésus est longuement décrit. L’évangéliste nous rapporte cette
rencontre entre deux hommes : le romain Ponce Pilate, représentant le
pouvoir civil, et Jésus, le prophète rejeté par les dirigeants religieux du
peuple d’Israël. Le dialogue entre Pilate et Jésus est d’une haute portée
philosophique. Pilate, procurateur romain de Judée, a bien du mal à comprendre
les querelles religieuses qui agitent régulièrement le peuple d’Israël. La
province de Judée était, pour cette raison, l’une des plus difficiles à
gouverner. En 70 Titus matera une révolte de la population en détruisant le
temple de Jérusalem. Pilate ne comprend pas davantage pourquoi les grands
prêtres veulent la mort de Jésus, car il
est convaincu de son innocence : Je
ne trouve rien à condamner chez cet homme. C’est au cœur de ce que l’on
appellerait aujourd’hui un dialogue inter-religieux que Jésus nous révèle les
caractéristiques de sa royauté.
Ma royauté ne vient pas de ce monde.
Jésus, en
situation de faiblesse extrême, lors de son procès, affirme donc qu’il n’est
pas roi à la manière des rois de ce monde. En face du représentant de
l’empereur de Rome, il affirme une autorité divine qui ne s’appuie pas sur la
force des armes et la puissance des légions. Cela peut nous faire penser à la
réponse ironique de Staline à Pierre Laval qui lui demandait de respecter la
liberté religieuse en Russie : Le Pape, combien de divisions ? Même si l’Eglise est très rapidement tombée dans la tentation
de la théocratie, cela dès le 4ème siècle sous Théodose, donc dans
l’utilisation de moyens non-évangéliques pour asseoir son influence, le message
de Jésus sur ce point est sans ambiguïté : le Royaume des Cieux ne doit
pas être confondu avec celui des Césars, d’où la célèbre formule, Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu
ce qui est à Dieu. Dans la suite du dialogue, Jésus rappelle au païen
Pilate que même son pouvoir vient de Dieu : Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut. Où
se trouve donc la force de la royauté que le Christ affirme au moment de sa
plus grande faiblesse, quelques heures avant de mourir crucifié ? La
royauté du Christ sur l’univers ne provient pas d’une alliance hasardeuse entre
le sabre et le goupillon, mais uniquement de la vérité divine.
Moi, je suis né, je suis venu dans le monde
pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité
écoute ma voix.
La notion
de vérité est très présente dans le quatrième Evangile. Dès le Prologue, Jésus,
le Verbe de Dieu, nous est présenté comme celui qui est plein de grâce et de
vérité : la grâce et la vérité sont
venues par Jésus Christ, et plus loin Jésus lui-même ose affirmer : Je suis le chemin, la vérité et la vie.
Enfin quand le Seigneur annonce le don de l’Esprit Saint, il parle à ses
disciples de l’Esprit de vérité. La
vérité pour Jésus n’a rien à voir avec un concept philosophique abstrait. Elle
ne saurait pas plus se confondre avec nos dogmes, ce que nous appelons les
vérités de foi. Dans la bouche du Seigneur, la vérité est une réalité
existentielle et dynamique, tout le contraire d’une définition dans un
dictionnaire. Trois versets de saint Jean nous montrent ce qu’est la vérité
évangélique, fondement et force de la royauté du Christ.
Celui qui fait la vérité vient à la lumière,
pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.
La
formule utilisée ici par Jésus dans son dialogue avec Nicodème est
révélatrice : il s’agit bien de faire
la vérité, et non pas de l’étudier ou de l’enseigner ! C’est donc dans la
cohérence et l’authenticité de la vie chrétienne, accorder ses actes à sa foi
en Jésus Sauveur, que le Royaume est présent. Dans ce contexte la vérité
devient une mission, un appel, celui de la sainteté. La vérité du Royaume
est sainteté.
Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est
en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer.
Dans son
dialogue avec la samaritaine, Jésus nous montre la vérité comme le milieu
propice à l’adoration du Père. C’est en effet dans la mesure où nous nous
reconnaissons dans notre condition de créatures et d’enfants de Dieu que nous
pouvons adorer le Père en esprit et en vérité. La vérité de notre condition
humaine, c’est que nous sommes dépendants de Dieu dans les racines les plus
profondes de notre être. La vérité du Royaume est humilité et adoration.
Si vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes
disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra
libres.
La royauté du Christ
nous invite en effet à la liberté intérieure, à la liberté des enfants de Dieu.
La vérité n’est pas un concept abstrait qui nous contraint et nous enferme.
C’est au contraire une puissance de vie qui nous libère de l’esclavage du mal
et de l’égoïsme. La vérité du Royaume
est libération.
Enfin,
de même que la Royauté du Christ ne trouvera son accomplissement que lors de
son retour en gloire, de même nous ne connaitrons vraiment la vérité qu’est
Jésus qu’au terme d’une vie consacrée à la recherche de Dieu sous la conduite
de l’Esprit Saint : Quand il
viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière.
Ce que
saint Paul développe dans sa lettre aux Ephésiens : les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient
accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous
parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du
Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa
plénitude.
La vérité du Royaume est
chemin, dynamisme et expérience de vie. Le Christ, notre divin roi, est en effet pour
chacun d’entre nous le chemin, la vérité et la vie.
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