Luc 24, 13-35
30/04/17
En
rapportant l’expérience des disciples d’Emmaüs, saint Luc fait une catéchèse
liturgique sur le sacrement de l’eucharistie. Nous retrouvons en effet dans son
récit la structure de ce sacrement : la première partie avec la liturgie
de la Parole et l’homélie, la seconde partie avec la fraction du pain et la
communion.
Cet
Evangile de Luc nous parle de la présence de Jésus Ressuscité dans son Eglise.
Mais il le fait en lien avec la vie de ces deux disciples qui, accablés par la
tristesse, quittent Jérusalem pour Emmaüs. Jésus ressuscité, pour se révéler à
ces hommes qui ne croient pas en sa résurrection, prend le temps de marcher avec
eux et de dialoguer avec eux. Il les écoute, les interroge et ce n’est que plus
tard qu’il leur apporte sa lumière en partant des Ecritures. Leur cœur est lent
à croire, et le Seigneur respecte leur difficulté. Au lieu de les juger et de
les condamner, il explique pour eux le sens des Ecritures. Jésus aurait pu se
révéler à eux dès le début de la rencontre. Il choisit une autre manière de
faire, plus patiente et remplie de miséricorde à l’égard de ces hommes qui
souffrent parce qu’ils ont été déçus par la mort de Jésus en croix. Nous le
voyons, le Ressuscité n’impose pas sa présence de l’extérieur, mais il respecte
le chemin personnel de ces hommes ainsi que leur liberté. Ce qui les empêche
d’accueillir le témoignage des femmes sur le tombeau vide, c’est bien l’idée
qu’il se faisait du Messie, un Messie libérateur, triomphant et qui ne pouvait
connaître ni la souffrance ni l’échec. L’itinéraire personnel de Jésus ne
correspond pas à la conception qu’il se faisait de Dieu. Tout cela signifie que
ce sont souvent nos préjugés sur Dieu qui nous empêchent de croire en Lui et de
reconnaître sa présence dans nos vies. Or le chrétien ne croit pas en un Dieu
qui correspondrait à ses conceptions et à ses attentes, mais à Dieu tel que
Jésus le révèle et le fait connaître. C’est ce chemin que font les disciples
sur la route grâce à la patience et aux enseignements de l’inconnu qui marche
avec eux.
Ce
n’est qu’une fois arrivés dans l’auberge, au moment de la fraction du pain, que
leurs yeux s’ouvrent et qu’ils reconnaissent enfin dans l’inconnu Jésus Vivant.
Au moment même où ils le reconnaissent, celui-ci disparaît à leurs regards. De
ce paradoxe nous pouvons tirer plusieurs enseignements pour nous. En premier
lieu la présence de Jésus n’est pas d’abord une affaire de connaissance,
fut-elle biblique. C’est à travers l’humble geste de la fraction du pain que
leurs yeux s’ouvrent. Dans tous les sacrements, mais au plus haut point dans la
communion eucharistique, il y a cet aspect matériel et concret qui touche pas
seulement notre raison et notre intelligence mais aussi notre corps et notre
cœur. Et c’est d’ailleurs quand ils mangent le pain donné par Jésus que la
première partie, sur la route, prend tout son sens : Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait
sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ? Si la
compréhension de la Bible nous prépare à la communion, c’est bien la communion
sacramentelle avec Jésus qui permet en retour que l’Ecriture touche notre cœur
et le fasse brûler de l’amour même de Dieu. Le fait que Jésus disparaisse au
moment même où il est reconnu à travers le signe du pain nous enseigne que
l’eucharistie nous donne accès à la présence du Ressuscité mais sans pour
autant l’enfermer à la mesure de nos dimensions humaines. Depuis l’Ascension et
la Pentecôte, Jésus est assis à la droite du Père. Sa présence et son amour
nous sont donnés, en particulier dans la célébration fervente de la messe, mais
il demeure toujours le Fils unique du Père. Ce n’est qu’à travers le voile de
la foi que nous avons accès à sa présence. Le Ressuscité est toujours en même
temps notre frère, notre ami fidèle, notre compagnon sur la route de nos vies
et celui qui dépasse, en tant que Verbe de Dieu et Ressuscité, toutes nos
représentations et nos espérances humaines.
C’est
ce que saint Jean exprime d’une manière magnifique dans le prologue de son
Evangile :
AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le
Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement
auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce
qui s’est fait ne s’est fait sans lui… Et le Verbe s’est fait chair, il a
habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son
Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
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