16/04/17
Nous voici parvenus au sommet de
notre année liturgique avec la célébration de la résurrection du Seigneur. Cet
événement que nous ne pouvons accueillir que par la foi est le centre non
seulement de toute notre vie chrétienne mais aussi le centre de l’histoire
humaine et de celle de toute la création. Jésus vainqueur de la mort inaugure
la nouvelle création voulue par Dieu. Si le Christ n’est pas ressuscité d’entre
les morts, alors toute notre foi s’écroule, et le christianisme devient une
sagesse parmi tant d’autres. Cette fête est pour nous l’occasion d’une
conscience renouvelée de notre participation réelle, par le baptême et les
sacrements, au mystère de Jésus mort et ressuscité pour nous. Dans la deuxième
lecture l’apôtre n’hésite pas à dire : vous
êtes ressuscités avec le Christ… vous êtes morts avec le Christ, et votre vie
reste cachée avec lui en Dieu. Si tout cela est vrai, cela signifie que
notre foi est une force capable de nous transformer et, avec nous, le monde que
nous habitons durant le temps de notre brève existence sur cette terre. Si tout
cela est vrai, l’espérance chrétienne et la charité nous poussent à agir et à
faire des choix pour que ce monde soit toujours davantage conforme à la volonté
du Père et Créateur. Dans la première lecture, l’apôtre Pierre dit de Jésus qu’il faisait le bien là où il passait,
consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Un disciple de Jésus
doit forcément se poser la question suivante : au jour de ma mort quel
bilan pourrai-je faire de ma vie sur cette terre ? Comment aurai-je fait
fructifier toutes les grâces de Dieu ? Ma foi aura-t-elle été stérile,
inactive, ou bien, au contraire, m’aura-t-elle permis de faire le bien comme
Jésus ? Le pape François rappelle en permanence le lien existant entre
notre foi en Jésus ressuscité et notre engagement social. Dans un monde qui
semble possédé par les forces du mal, que l’on pense à la famine, aux guerres,
aux inégalités croissantes, au massacre de l’environnement et des espèces
animales, il semble difficile de demeurer dans l’espérance qui nous vient du
Christ ressuscité. Dans son exhortation apostolique de 2013, La joie de l’Evangile, le pape François
nous permet de comprendre la racine de tous ces maux. L’idolâtrie de l’homme
contemporain ne consiste pas à se prosterner devant une statue d’une quelconque
divinité, il s’agit plutôt de l’idolâtrie
de l’argent. Et cette idolâtrie nous coupe de Dieu et des autres. Elle tue
ou avilit chaque jour des millions d’êtres humains, dont de nombreux enfants.
C’est elle aussi qui fait que la nature est perçue uniquement comme une source
de profits que l’on peut piller sans aucune limite, et les animaux comme des
objets privés de leur dignité de créatures de Dieu. Ecoutons une longue
citation du pape à ce sujet :
La
culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché
offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté, tandis que toutes ces
vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui
ne nous trouble en aucune façon. Une des causes de cette situation se trouve
dans la relation que nous avons établie avec l’argent, puisque nous acceptons
paisiblement sa prédominance sur nous et sur nos sociétés. La crise financière
que nous traversons nous fait oublier qu’elle a à son origine une crise
anthropologique profonde : la négation du primat de l’être humain ! Nous avons
créé de nouvelles idoles. L’adoration de l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et
impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de
l’économie sans visage et sans un but véritablement humain. La crise mondiale
qui investit la finance et l’économie manifeste ses propres déséquilibres et,
par-dessus tout, l’absence grave d’une orientation anthropologique qui réduit
l’être humain à un seul de ses besoins : la consommation. Alors que les gains
d’un petit nombre s’accroissent exponentiellement, ceux de la majorité se
situent d’une façon toujours plus éloignée du bien-être de cette heureuse
minorité. Ce déséquilibre procède d’idéologies qui défendent l’autonomie
absolue des marchés et la spéculation financière. Par conséquent, ils nient le
droit de contrôle des États chargés de veiller à la préservation du bien
commun. Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui
impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. De plus, la
dette et ses intérêts éloignent les pays des possibilités praticables par leur
économie et les citoyens de leur pouvoir d’achat réel. S’ajoutent à tout cela
une corruption ramifiée et une évasion fiscale égoïste qui ont atteint des
dimensions mondiales. L’appétit du pouvoir et de l’avoir ne connaît pas de
limites. Dans ce système, qui tend à tout phagocyter dans le but d’accroître
les bénéfices, tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans
défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle
absolue.
Le constat est clair : nous
ne pouvons pas en même temps reconnaître le Christ comme notre Seigneur et
pratiquer l’idolâtrie de l’argent ! Dans son encyclique Laudato si’, le pape nous propose le
chemin d’une vie véritablement chrétienne, vie sobre et vie de partage, ce
chemin est celui d’une rupture avec le système dominant notre monde et il
implique le courage d’une entrée en résistance. Croire en la résurrection du
Christ exige de nous une libération de l’idole argent et de l’égoïsme pour que
le règne du Christ puisse enfin s’instaurer dans les cœurs comme dans les
sociétés. Chacun de nous, seul et avec d’autres, en s’engageant dans des
associations qui promeuvent la doctrine sociale de l’Eglise, et en les
soutenant financièrement, a le pouvoir de faire que sa foi s’incarne dans notre
monde, sans perdre l’espérance. En ce saint jour de Pâques, contemplons avec les
apôtres Paul et Pierre le magnifique projet de Dieu qui, en ressuscitant Jésus,
a fait de lui le chef d’une création nouvelle :
La création attend avec
impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au
pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a
livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi,
libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la
gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout
entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et
elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous
avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et
la rédemption de notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en
espérance ; voir ce qu’on espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on
voit, comment peut-on l’espérer encore ? Mais nous, qui espérons ce que
nous ne voyons pas, nous l’attendons avec persévérance.
Car ce que nous
attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre
nouvelle où résidera la justice.
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