19/10/14
Matthieu
22, 15-21
En lisant les évangiles nous
trouvons assez souvent des épisodes semblables à celui que nous rapporte saint
Matthieu en ce dimanche. Des pharisiens ou des docteurs de la Loi s’approchent
de Jésus pour lui tendre un piège. Ils lui posent une question non pas parce
qu’ils recherchent la vérité mais pour « prendre en faute Jésus en le
faisant parler ». Nos hommes politiques sont de grands spécialistes de
cette tactique au cours des faux débats auxquels ils participent sur les
plateaux de télévision. Saint Luc est encore plus clair quant au but recherché
ici par les pharisiens : « afin de le livrer à l’autorité et au
pouvoir du gouverneur ». Jésus n’est bien sûr pas dupe : il connaît
la perversité de ses adversaires et n’hésite pas à les traiter d’hypocrites. Sa
prédication les gêne. Il attire à lui le peuple. Il menace donc leur autorité
religieuse et surtout le prestige humain dans lequel ils se complaisent. Il
faut donc en finir au plus vite avec ce prédicateur trop charismatique. Dans le
chapitre suivant le Seigneur se montre particulièrement sévère envers ces
hommes qui pratiquent une religion de façade : ce sont les sept
malédictions contre les pharisiens.
Mais il nous faut être justes.
Même si l’intention est perverse, la question qui est posée n’est pas sans
intérêt : « Est-il permis de payer l’impôt à l’empereur ? »
Remettons-nous dans le contexte du peuple juif au premier siècle : il est
sous occupation romaine, donc sous la domination païenne. Depuis 587 av. JC,
date de la ruine de Jérusalem, Israël a perdu son indépendance politique. On
comprend donc que pour certains Juifs nationalistes payer l’impôt à Rome cela
revient à collaborer avec l’occupant. Cette question morale ne relève pas
seulement d’un antique débat. Elle se pose aussi à nous aujourd’hui même si
nous n’y pensons pas spontanément. Un citoyen français, et un chrétien à plus
forte raison, peut se poser des questions quant au fait de contribuer à travers
son impôt à l’arme nucléaire par exemple. Ou encore de contribuer aux
subventions attribuées par les municipalités du midi aux corridas. On pourrait
multiplier les exemples. Mais on devine derrière cette question un véritable
cas de conscience pour ceux qui se la posent honnêtement.
Comme souvent Jésus ne répond pas
directement à la question. Il évite ainsi de tomber dans le piège qui lui est
tendu. S’il répond « oui », il sera traité de collaborateur. S’il
répond « non », il sera dénoncé comme un révolutionnaire voulant renverser
le pouvoir romain. Il répond donc en posant à son tour une autre
question : « Cette effigie et celle légende, de qui
sont-elles ? » Ou pour le dire autrement : quelle est l’autorité
qui frappe la monnaie que nous utilisons chaque jour pour nos échanges
commerciaux ? C’est bien l’empereur de Rome, en l’occurrence Tibère.
Finalement Jésus répond indirectement « oui » : il est permis de
payer l’impôt à César. Car il ne faut pas confondre les règnes temporels qui se
succèdent les uns aux autres dans l’histoire et le règne de Dieu, son royaume,
qui demeure à jamais. Ce que Jésus veut dire aux pharisiens c’est qu’ils
peuvent être de bons juifs tout en payant l’impôt à César. La qualité de leur
vie religieuse n’est pas diminuée par leur soumission au pouvoir temporel sur
ce point précis. Si Jésus distingue donc la sphère du pouvoir civil du Royaume
de Dieu, les choses se compliqueront tout au long de l’histoire de l’Eglise.
Dans le Nouveau Testament lui-même nous trouvons des accents différents. Saint
Paul recommande aux chrétiens d’obéir aux autorités civiles et il va même
jusqu’à affirmer que leur autorité vient de Dieu. Mais face aux autorités
religieuses Pierre et Jean revendiquent l’objection de conscience, le devoir de
désobéir : « Est-il juste devant Dieu de vous écouter, plutôt que
d’écouter Dieu ? A vous de juger. »
La distinction entre César et
Dieu n’est pas une séparation. Et c’est là toute la difficulté du débat. Jésus
condamne par avance toute vision nationaliste ou patriotique de la foi
religieuse, car ce sont deux domaines différents. Par ailleurs si nous rendons
vraiment à Dieu ce qui est à Dieu nous ne pouvons pas rester indifférents au
cours des affaires terrestres. Notre foi chrétienne est aussi une force
prophétique dans le domaine de César, c’est-à-dire dans la politique. Et c’est
au nom de cette foi que tout au long de l’histoire des chrétiens se sont élevés
contre les diktats des puissants. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant
d’autres on peut penser aux frères Berrigan, deux prêtres catholiques
américains, qui ont organisé des actions de désobéissance civile pour s’opposer
à la poursuite de la guerre du Vietnam et influencer l’opinion publique. Oui,
le chrétien doit participer à la vie civique de son pays en payant l’impôt.
Mais il doit garder sa conscience libre par rapport aux décisions des
autorités. S’il veut être sel de la terre et lumière du monde, il doit demeurer
vigilant et exprimer son désaccord de manière pacifique lorsque cela est
nécessaire.
1 commentaire:
Je pense souvent à cette parabole de Jésus
On peut la voire comme une réponse abile à une question piège
Mais en nous il y a aussi Dieu et Césare et a chaque instant nous choisissons a qui nous donnons nos pensés, nos paroles et nos actes
Soit a notre petit égo ou a notre véritable identité divine
Christian
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