Messe de
Requiem pour les défunts des deux guerres mondiales
St.
Ansgar, 12 novembre 2012
Nous voici rassemblés dans la
prière en cette cathédrale saint Ansgar pour faire mémoire de toutes les
victimes militaires et civiles des deux guerres mondiales qui ont ensanglanté
le siècle dernier. Nous le faisons en célébrant la messe qui est le mémorial du
don que Jésus a fait de sa propre vie pour nous réconcilier avec Dieu notre
Père et entre nous. Pour un chrétien les guerres sont la conséquence du péché
originel et de nos péchés personnels. L’orgueil et la cupidité sont à l’origine
de la plupart de nos conflits. En cette année au cours de laquelle l’Eglise
catholique célèbre le 50ème anniversaire du concile Vatican II
comment ne pas rappeler l’enseignement de ce concile sur la sauvegarde de la
paix et la construction de la communauté des nations ? Déjà en 1963 le
bienheureux pape Jean XXIII s’était adressé à tous les hommes de bonne volonté
dans son encyclique Pacem in terris
afin de promouvoir en pleine guerre froide la paix véritable. Dans la
constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps le concile aborde cette
partie de la doctrine sociale de l’Eglise qui sera sans cesse reprise
ultérieurement, en particulier dans le compendium de la doctrine sociale de
l’Eglise publié en 2005. Je relèverai deux points de cet enseignement. Le
premier concerne la condamnation sévère de la guerre totale :
Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la
destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un
crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement
et sans hésitation. Le risque particulier de la guerre moderne consiste en ce
qu’elle fournit pour ainsi dire l’occasion à ceux qui possèdent des armes
scientifiques plus récentes de commettre de tels crimes ; et, par un
enchaînement en quelque sorte inexorable, elle peut pousser la volonté humaine
aux plus atroces décisions. Pour que jamais plus ceci ne se produise, les
évêques du monde entier, rassemblés et ne faisant qu’un, adjurent tous les
hommes, tout particulièrement les chefs d’État et les autorités militaires, de
peser à tout instant une responsabilité aussi immense devant Dieu et devant
toute l’humanité.
Le
second concerne le scandale moral de la course aux armements :
Quoi qu’il en soit de ce procédé de dissuasion,
on doit néanmoins se convaincre que la course aux armements, à laquelle d’assez
nombreuses nations s’en remettent, ne constitue pas une voie sûre pour le ferme
maintien de la paix et que le soi-disant équilibre qui en résulte n’est ni une
paix stable, ni une paix véritable. Bien loin d’éliminer ainsi les causes de
guerre, on risque au contraire de les aggraver peu à peu. Tandis qu’on dépense
des richesses fabuleuses dans la préparation d’armes toujours nouvelles, il
devient impossible de porter suffisamment remède à tant de misères présentes de
l’univers. Au lieu d’apaiser véritablement et radicalement les conflits entre
nations, on en répand plutôt la contagion à d’autres parties du monde. Il
faudra choisir des voies nouvelles en partant de la réforme des esprits pour en
finir avec ce scandale et pour pouvoir ainsi libérer le monde de l’anxiété qui
l’opprime et lui rendre une paix véritable. C’est pourquoi il faut derechef
déclarer : la course aux armements est une plaie extrêmement grave de
l’humanité et lèse les pauvres d’une manière intolérable. Et il est bien à
craindre que, si elle persiste, elle n’enfante un jour les désastres mortels
dont elle préparer déjà les moyens.
Comment
ne pas évoquer aussi la visite du pape Paul VI le 4 octobre 1965 au siège des
Nations Unies à New-York et le discours qu’il fit en français devant les
représentants des Nations ? Le cri du pape est resté dans les
mémoires : « jamais plus la guerre, jamais plus la
guerre ! » Paul VI a alors réaffirmé l’importance d’un organisme
comme l’Organisation des Nations Unies en vue de l’affermissement de la paix et
de la coopération entre les Nations. En terminant son allocution il affirmé
avec force l’importance de la conscience morale de chaque homme :
« Oui, le moment est venu de la conversion, de la transformation
personnelle, du renouvellement intérieur… Le vrai péril se tient dans l’homme,
qui dispose d’instruments toujours plus puissants, aptes aussi bien à la ruine
qu’aux plus hautes conquêtes ». Je terminerai en citant un philosophe,
Fabrice Hadjadj, né dans le Judaïsme et converti à la foi catholique. Sa
réflexion nous appelle à tirer des leçons pour aujourd’hui de la barbarie des
deux guerres mondiales : « Le 20ème siècle, qui crut si
peu au diable, les plus mécréants confessent son diabolisme aigu, mais ils ne
parviennent pas à faire le rapprochement, et ils en restent à une vision
grossière qui leur blanchit les mains. Parce qu’il y eut Hitler et Staline,
bien sûr. Mais il y eut aussi les Alliés, et cette date merveilleuse qui
conviendrait parfaitement à une journée mondiale du Démon : le 8 août
1945. C’est le jour où le tribunal militaire de Nuremberg a juridiquement
codifié la notion de crime contre l’humanité. Le surlendemain d’Hiroshima. La
veille de Nagasaki. En sorte que ceux-là qui dénonçaient le grand crime étaient
aussi ceux qui, ayant sous les yeux les effets de la première, larguaient la
deuxième bombe… ». Ce à quoi il faut ajouter, scandale suprême, qu’un
aumônier militaire américain, le père George Zabelka, a béni l’équipage qui
allait lancer sur Hiroshima la première bombe atomique de notre histoire.
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