4ème dimanche du TO/C
31/01/10
Luc 4, 21-30 (p. 508)
En ce temps de notre année chrétienne, après Noël et avant le Carême, les Evangiles du dimanche nous font contempler la personne de Jésus. Et sous la conduite de saint Luc nous nous posons la question : qui est-il ? Bien sûr nous connaissons déjà la réponse à cette question par notre profession de foi puisque nous sommes chrétiens. Mais l’Evangile nous invite à refaire pour nous-mêmes cet itinéraire de redécouverte de Jésus, de son identité et surtout de sa mission. Notre profession de foi nous dit l’essentiel sur la personne du Christ mais n’oublions pas qu’elle est un résumé, et que par conséquent elle ne nous dit pas tout. Certains textes évangéliques ont une telle richesse de contenu que la liturgie nous les propose sur deux dimanches. C’est bien le cas de ce chapitre 4 de saint Luc qui nous présente l’ouverture solennelle du ministère public de Jésus dans la synagogue de la ville où il a grandi : Nazareth. Dimanche dernier nous avons entendu la première partie de ce récit. Jésus a lu un passage du prophète Isaïe et a fait comprendre à ses auditeurs que c’est de Lui qu’Isaïe parlait, il s’est identifié au personnage décrit par le prophète : L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Jésus, sans le dire directement, se révèle donc comme le Messie, un Messie envoyé par Dieu spécialement pour les plus pauvres du peuple, et envoyé pour porter une Bonne Nouvelle. La suite du récit dans la synagogue, notre Evangile de ce dimanche, va compléter le portrait de Jésus. Il n’est pas seulement le Messie, il est aussi Prophète. Une fois encore c’est de manière indirecte qu’il affirme sa mission prophétique : Amen, je vous le dis : aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays. Si l’Eglise nous donne comme première lecture la vocation du prophète Jérémie, c’est bien parce que Jésus s’identifie à toute la tradition prophétique qui l’a précédé. On peut même dire que dans sa personne il récapitule toute la mission des prophètes et la porte à son achèvement car il est lui-même la Parole de Dieu. Il ne se contente pas d’être le messager de la Bonne Nouvelle, il est en lui-même cette Bonne Nouvelle. Alors regardons un peu notre première lecture car ce qui concerne Jérémie nous aide à mieux comprendre la mission du Christ.
Moi, je fais de toi aujourd'hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses chefs, à ses prêtres et à tout le peuple.
La mission de Jérémie est difficile : il doit faire face aux plus hautes autorités de son peuple : politiques et religieuses. Tout prophète souffre car il rappelle la vérité de la Parole de Dieu aux puissants de ce monde comme aux chefs religieux. Jésus, lui aussi, pendant les 3 années de son ministère, aura à affronter les chefs du peuple et les autorités religieuses. Dans le même Evangile selon saint Luc, c’est le Seigneur lui-même qui donne à sa mort en croix un sens prophétique, il meurt comme tous les autres prophètes qui l’ont précédé :
A ce moment-là, quelques pharisiens s'approchèrent de Jésus pour lui dire : « Va-t-en, pars d'ici : Hérode veut te faire mourir. » Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : Aujourd'hui et demain, je chasse les démons et je fais des guérisons ; le troisième jour, je suis au but. Mais il faut que je continue ma route aujourd'hui, demain et le jour suivant, car il n'est pas possible qu'un prophète meure en dehors de Jérusalem. Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes, toi qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n'avez pas voulu !
Dans la synagogue de Nazareth commence ce conflit qui en grandissant ira jusqu’à la Croix. Jérémie était un « prophète pour les peuples ». Et Jésus prend le même chemin en faisant remarquer que sa mission, comme celle d’Elie et d’Elisée autrefois, ne se limite pas au seul peuple Juif et encore moins à ses compatriotes de Nazareth qui veulent lui faire faire quelques miracles. C’est ce refus d’une religion nationaliste, limitée à un seul peuple privilégié au détriment des autres, qui va faire passer l’auditoire de la synagogue de l’admiration à la colère : « Tous devinrent furieux ». Jésus Messie et Prophète nous met donc en garde. Comme les Juifs d’autrefois, nous pourrions reproduire en tant que catholiques cette tentation d’une religion ghetto, « entre nous », ou encore d’une religion nationaliste. Par exemple des chrétiens allemands et français, pendant les conflits qui ont opposé leurs pays, pensaient avoir Dieu de leur côté puisque forcément ils étaient du « bon côté »… Comment est-il possible que des peuples de tradition chrétienne aient pu se faire ainsi la guerre ? Un Jean Jaurès, animé par un idéal politique socialiste, était d’un certain point de vue bien plus chrétien que d’autres dirigeants qui poussaient à la guerre et à la haine… Son pacifisme était bien en conformité avec l’esprit de l’Evangile. Nous ne devons jamais oublier le beau nom de catholique et son sens : universel. Comme à l’époque de Jésus, il est bon aussi que les dirigeants de notre Eglise, pape et évêques, se laissent interpeller par les prophètes que Dieu continue de susciter dans son peuple. La mission prophétique, rappelons-le, est d’abord celle de tout chrétien baptisé. Par le baptême nous sommes devenus prêtres, prophètes et rois. Dans l’unique Corps du Christ, chaque membre doit être reconnu. Dans l’Eglise nous sommes tous frères. Sans le souffle des prophètes, notre Eglise court le risque de devenir une institution figée, trop sûre d’elle-même, trop centrée sur elle-même ! Demandons au Seigneur des prophètes pour notre temps et remercions-le pour un Jean-Paul II, une Mère Teresa, un abbé Pierre, une sœur Emmanuelle, un Nelson Mandela et tant d’autres encore qui ont rendu présente la Parole de Dieu au milieu de nous ! Par l’exemple des prophètes nous percevons concrètement la force de cette Parole, seule capable de changer notre humanité.
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