LA CROIX GLORIEUSE
14 septembre 2008
Jean 3, 13-17 (p. 1217)
En 326 Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin, fit un pèlerinage à Jérusalem pour y retrouver les reliques de la croix du Christ. Suite à ce pèlerinage et à la découverte des reliques, Constantin fait édifier sur le Golgotha une basilique consacrée sous le nom de l’Anastasie, qui signifie en grec résurrection. Voilà l’origine historique de la fête liturgique que nous célébrons en ce dimanche : la Croix glorieuse.
L’expression « Croix glorieuse » est paradoxale, j’y reviendrai. Pour mieux nous approcher de ce mystère, nous devons dans un premier temps le contempler dans le mystère même du Christ et de son incarnation. Et c’est la liturgie qui nous indique cette voie en proposant à notre méditation le magnifique passage de l’apôtre Paul aux Philippiens. Le Verbe éternel de Dieu, la Parole du Père, à un moment donné de notre histoire, s’incarne. C’est le mystère vertigineux de Noël : Dieu en son Fils unique se fait l’un de nous. Et Paul traduit cette incarnation par des images : dépouillement, abaissement. Dans l’imaginaire biblique Dieu est situé au Ciel, en haut. Il est logique alors de comprendre l’incarnation comme une descente, un abaissement. Mais l’apôtre est un grand théologien. Il nous montre que cet abaissement n’est pas d’ordre physique, dans l’espace, mais qu’il touche à l’être même du Fils de Dieu. Jésus, tout en étant le Fils de Dieu, renonce en quelque sorte à son rang divin pour adopter la condition de serviteur. En épousant notre condition humaine, Jésus l’épouse jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’expérience de la mort, et de la mort sur une croix. C’est ainsi que Jésus a accompli la volonté de son Père : sauver l’humanité abimée par le péché et par le mal, réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux. Et à ce mouvement descendant Paul fait correspondre un mouvement ascendant : en passant par le supplice de la Croix et par la mort, le Fils bien aimé est exalté, élevé au plus haut des cieux. C’est ce que nous fêtons à Pâques et à l’Ascension. Et c’est le début de notre Evangile : « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme. » Mais pourquoi tout cela ? Pourquoi la Croix glorieuse ? « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. »
Je voudrais revenir un instant sur le paradoxe de l’expression « Croix glorieuse ». Paul, encore lui, l’a bien mis en lumière en annonçant aux Corinthiens « un Messie crucifié », scandale pour les Juifs et folie pour les païens. La manière par laquelle Dieu a voulu se révéler pleinement à nous et nous ouvrir les portes de la vie éternelle n’est pas rationnelle, donc totalement imprévisible. Dans le mystère de son amour, Dieu notre Père dépasse les limites de notre raison et surtout remet en cause l’image de Dieu et des divinités forgée dans l’esprit des hommes pendant des siècles. Oui, « les folies de Dieu ont plus de sagesse que les hommes, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les humains. » Croix glorieuse… Paradoxe d’un Dieu tout puissant qui consent à l’extrême faiblesse et qui prend la place du juste condamné ! Un père jésuite affirme à propos du mystère de la Croix glorieuse : « C’est comme si nous disions ‘joyeux échafaud’ ou ‘heureuse guillotine’. La croix, c’est hideux, sale, répugnant. Et pourtant celle du Christ est glorieuse par l’amour qui l’a conduit à vouloir partager notre plus grande détresse, à prendre place parmi ceux que nous punissons, persécutons, éliminons de la communauté des hommes. Beaucoup d’entre nous réclament la vengeance, or toutes nos vengeances s’exercent finalement contre Dieu ; elles sont crucifixion de l’amour. Mais l’amour, Dieu, resurgit là où on l’attendait le moins et le fait que Jésus accepte la croix que nous lui dressons est l’acte d’amour indépassable, plus fort que la mort qu’il accueille. »
Contempler la Croix glorieuse c’est à la fois reconnaître notre misère, tout le mal dont nous sommes capables, et confesser la toute puissance de l’amour divin, sa bonté et sa miséricorde à notre égard. Deux millénaires après cet événement central de notre histoire, nous pourrions être sceptiques et nous demander : à quoi bon ? Notre humanité connaît toujours des atrocités et des injustices à grande échelle comme des coups tordus dans les relations familiales et interpersonnelles. Une chose est certaine : la victoire sur le mal nous est acquise par le Christ, le remède nous est offert. Le problème n’est pas du côté de Dieu, mais du notre : librement nous avons à choisir avec courage le chemin de la vie avec un grand « V », la vie qui peut triompher de la mort, la vie éternelle. Pour cela nous devons nous convertir, changer notre manière de penser et d’agir. Oui, confessons avec saint Paul que le Christ est notre paix. Par notre vie montrons au monde le mystère de la Croix glorieuse agissant aujourd’hui ! Oui, « par la croix le Christ a tué la haine ! » (Ephésiens 2, 16).
1 commentaire:
Hélène et la vraie croix : quelques compléments avec les récits (historiques ou hagiographiques) de la découverte de la Vraie Croix par sainte Hélène.
Enregistrer un commentaire