25ème dimanche du temps ordinaire / A
21/09/08
Matthieu 20, 1-16 (p.598)
L’évangéliste Matthieu a comme encadré la parabole des ouvriers employés à la vigne par un refrain. Nous avons le refrain final dans le texte liturgique : « Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Mais il nous manque celui qui précède la parabole : « Beaucoup qui sont parmi les premiers seront derniers, et d’autres qui sont derniers seront premiers » (19, 30). Cette insistance n’est pas le fait du hasard et elle nous aide vraiment à entrer dans le sens profond de la parabole. Cette parabole fait partie de celles qui choquent notre bon sens humain, d’où la première lecture dans laquelle il nous est rappelé que les pensées de Dieu sont différentes des nôtres…
Spontanément nous nous retrouvons dans le groupe des « premiers » et nous faisons nôtres leurs récriminations contre le maître de la vigne : « Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! » Nous avons notre sens de la justice et de l’injustice. Et nous avons raison, en tant que chrétiens, de nous révolter face à l’injustice. Dans notre parabole non seulement un même salaire est attribué à ceux qui n’ont presque rien fait et à ceux qui ont travaillé toute la journée, mais en plus le paiement du salaire commence par les derniers venus ! La réponse du maître, c’est-à-dire de Dieu, ne se situe pas sur ce registre de la simple justice humaine mais le dépasse. Tout d’abord Dieu remet les pendules à l’heure : « N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? » Dieu est souverainement libre. Et tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons, vient de Lui d’une manière directe ou indirecte. Nous sommes ses créatures. Nous lui devons notre vie et notre existence. C’est là le don fondamental qui nous est fait gratuitement. Qu’avons-nous fait pour naître ? Quel travail avons-nous fourni pour mériter de venir au monde ? Nous arrivons dans ce monde les mains vides et sans mérites. Cette logique de la création nous la retrouvons dans l’ordre du salut, celui du Royaume des cieux. Ce Royaume n’est pas celui du mérite mais bien celui de la grâce. Nous n’avons pas à tirer de cette vérité de foi de fausses conclusions encourageant la paresse et le laisser-aller. Car si nous lisons attentivement la parabole, nous constatons que le maître adresse un reproche aux hommes qu’il rencontre à cinq heures : « Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? » Il n’est pas question pour le maître d’encourager l’oisiveté.
« Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? » Au-dessus de la simple justice humaine Dieu place sa bonté de Père. Cette bonté qui est toujours générosité, abondance de biens dans la création comme dans le salut en Jésus. La jalousie des premiers ouvriers refuse cette bonté de Dieu au nom d’une conception humaine de la justice. C’est une histoire bien connue dans les familles : mon frère a eu ça, je ne l’ai pas eu… donc c’est la preuve que papa et maman m’aiment moins que lui ! Dieu aime autant les premiers ouvriers que les derniers. Simplement l’erreur des premiers ouvriers est de situer la récompense uniquement au niveau d’un bien, du salaire. Alors que la vraie récompense pour les premiers comme pour les derniers c’est d’avoir été embauché dans la vigne. La vraie récompense pour le chrétien, ce ne sont pas d’abord les biens donnés par Dieu, mais Dieu lui-même. La vraie récompense c’est la joie d’appartenir au Royaume des cieux et d’y apporter notre grande ou petite contribution. Si Dieu donne gratuitement, nous sommes appelés, nous aussi, à travailler gratuitement dans sa vigne et pour son Royaume… « Sans attendre d’autre récompense que celle de savoir que nous faisons votre sainte volonté », comme le chantent les scouts.
Nous aurions tout intérêt à méditer cette parabole en lien avec la parabole du fils prodigue chez saint Luc. Souvenez-vous de la récrimination du fils aîné qui ressemble étrangement à celle des premiers ouvriers : « Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à un seul de tes ordres, et à moi tu ne m’as jamais donné un chevreau pour faire la fête avec mes amis. Mais lorsque revient ton fils que voilà, celui qui a mangé toute ta fortune avec des prostituées, tu fais tuer pour lui le veau gras ! » La réponse du père est magnifique : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi. » En nous donnant la parabole des ouvriers employés à la vigne, Notre Seigneur n’a pas l’intention de définir les règles de l’entreprise ou du marché du travail ! Il veut nous parler du type de relation que nous devons entretenir avec Dieu notre Père. Il s’agit bien d’une parabole du Royaume des cieux qui emprunte au monde du travail une image. Notre religion est tout sauf une religion du troc avec Dieu. Nous ne devrions pas aimer Dieu par intérêt, pour avoir un bien. Nous l’aimons par reconnaissance parce qu’il nous donne la vie et nous embauche dans sa vigne sans aucun mérite préalable de notre part. Nous l’aimons parce qu’en lui tout est aimable, parce qu’il est un Père plein de bonté pour tous ses enfants, les derniers comme les premiers ! Amen.
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