4ème dimanche de Carême / A
2 mars 2008
Jean 9, 1-41 (page 164)
Il y a au moins un point commun entre l’Evangile de dimanche dernier (la Samaritaine) et celui de cette liturgie : la question concernant l’identité de Jésus.
Si nous regardons de près le long récit que donne saint Jean de la guérison de l’aveugle-né, nous constatons que l’évangéliste ne consacre que quelques versets à la guérison en elle-même. Ce qui semble l’intéresser bien davantage, c’est la polémique que ce geste de Jésus a suscité dans l’entourage du miraculé.
L’aveugle de naissance témoigne très simplement du miracle dont il est le bénéficiaire. Jean insiste sur la difficulté que les personnes de son entourage ont à accepter ce simple et constant témoignage. Et c’est ainsi que la polémique va naître dans trois groupes différents : les voisins, les pharisiens et les parents. Ceux qui refusent d’accueillir le témoignage de l’aveugle-né refusent en fait de reconnaître Jésus dans sa véritable identité d’envoyé du Père. Ce signe de Jésus, la guérison de l’aveugle de naissance, divise autant les voisins que les pharisiens. Dans ces deux groupes il y a ceux qui refusent de se rendre à l’évidence. Les pharisiens ont en outre un motif religieux : Jésus a guéri cet homme le jour du sabbat ! Quant aux parents du miraculé ils adoptent une attitude neutre par peur des Juifs.
La question centrale est finalement celle de l’identité de Jésus. Les voisins la formulent d’une manière qui semble anodine : « Et lui, où est-il ? » En nous référant au premier chapitre du même Evangile, nous pouvons comprendre toute la portée de cette question. En effet les deux disciples demandent à Jésus : « Maître, où demeures-tu ? » Ce qui, chez saint Jean, va plus loin que la simple localisation géographique. Les pharisiens, quant à eux, affirment leur ignorance au sujet de l’identité de Jésus : « Quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est ». Confrontés au raisonnement plein de bon sens du miraculé, ces hommes savants se mettent en colère et l’injurient. Jean souligne à quel point leur cœur est habité de mépris pour cet homme simple, cet homme du peuple : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fait la leçon ? » En contraste avec l’ignorance peccamineuse des pharisiens, nous trouvons le beau chemin de foi de l’homme auquel Jésus a rendu la vue. Lui aussi part de l’ignorance : « Je ne sais pas », mais au fur et à mesure, un peu comme la femme de Samarie, son cœur va s’ouvrir à la lumière de la foi, par paliers. Il reconnaît d’abord en Jésus un prophète puis le Seigneur : « Je crois, Seigneur ».
Cette page évangélique est autant l’histoire de ceux qui se laissent toucher par la grâce que celle de ceux qui lui résistent et refusent de croire : « Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle ». Bref ils refusent le signe de peur d’être amenés à la foi en Jésus. C’est véritablement l’endurcissement du cœur devant l’évidence des signes de Dieu. Ce grave péché n’est pas seulement l’affaire de certains incroyants ou athées, mais il peut, de manière paradoxale, concerner aussi certains croyants. Nous vivons de la foi en Jésus, mais rien ne nous empêche de nous rendre inaccessibles aux appels de sa grâce. Rien ne nous empêche de fermer les yeux aux signes qu’il nous donne pour nous conduire parfois là où nous ne voudrions pas aller…
Ce sont deux paroles du Seigneur, paroles encadrant tout le récit, qui nous donnent la fine pointe de cet Evangile. Au début : « Je suis la lumière du monde » ; et à la fin : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles ». Il y a bien sûr un va et vient entre le sens physique et le sens spirituel de la vision. La source d’aveuglement pour les pharisiens, c’est bien leur orgueil religieux, leur autosatisfaction. Ils n’ont pas besoin de la lumière qu’est Jésus. A l’opposé l’aveugle de naissance, bien que physiquement aveugle, va accéder à une double vision parce qu’il est humble. Il va recouvrer la vue et dans la foulée accéder à la lumière de la foi. Il va reconnaître Jésus comme son Sauveur.
Cet Evangile est un appel à cultiver et à retrouver, si nous les avons perdues, la simplicité et l’humilité dans nos rapports avec le Seigneur. Soyons convaincus avec Pascal qu’ « il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire ».
Amen
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