17ème dimanche du temps ordinaire / C
29 juillet 2007
Luc 11, 1-13 (page 218)
Après l’épisode de Jésus chez Marthe et Marie, l’Evangile de ce dimanche nous rapporte la transmission du Notre Père aux premiers disciples. Marie avait choisi la meilleure part, le nécessaire de toute vie humaine : la vie spirituelle, la vie qui se met à l’écoute de la Parole du Seigneur. Et voilà que Jésus va enseigner à ses disciples ce qui deviendra la prière de tous les chrétiens. Si Matthieu nous rapporte aussi la transmission du Notre Père, il y a toutefois quelques différences notables entre Luc et Matthieu. Chez ce dernier le Notre Père prend place dans le sermon sur la montagne, sermon qui commence avec les Béatitudes. L’atmosphère est donc chez le premier évangéliste celle de l’enseignement. Luc situe le Notre Père dans un tout autre contexte. Chez lui tout part de l’expérience de Jésus en prière. C’est en voyant prier leur Maître que les disciples lui ont en quelque sorte demandé une méthode d’oraison : « Un jour, quelque part, Jésus était en prière. » Cette introduction mériterait à elle seule un commentaire approfondi. Jésus était en prière. Pour lui la prière n’est pas seulement une activité. Elle est une composante fondamentale de sa personne. L’imprécision de Luc est aussi intéressante : un jour, quelque part… Comme s’il voulait nous dire que la prière ne dépend ni d’un jour précis ni d’un lieu particulier. Le chrétien qui est avancé dans la voie de la prière sait en effet qu’il faut prier en tout temps et en tout lieu, même si, bien sûr, on ne prie pas de la même manière dans le silence d’un oratoire ou dans le brouhaha du métro.
Entre Matthieu et Luc, il y a plus qu’une différence de contexte. Sans parler des nuances dans les mots mêmes du Pater, nous pouvons relever une insistance différente. Chez Matthieu, le Seigneur met l’accent sur le pardon des offenses en faisant suivre le Pater du commentaire suivant : « Si vous pardonnez aux autres leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux autres, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos offenses. » Chez Luc le Seigneur fait suivre l’enseignement du Pater par une petite parabole, celle de l’ami importun. La leçon est claire : nous devons prier avec insistance et sans nous lasser. Il est relativement facile de commencer dans la voie de la prière. Il est beaucoup plus difficile de persévérer sur ce chemin de vie. La tentation la plus fréquente pour le chrétien qui veut être fidèle à la vie de prière c’est bien celle du découragement. On se décourage car on ne ressent pas la présence paternelle et aimante de Dieu. On se décourage car on a l’impression de ne pas être entendu, de ne pas être exaucé. Le découragement dans la prière, l’abandon de la vie spirituelle régulière proviennent toujours d’un manque de foi de notre part. Nous n’avons pas assez confiance en Dieu et surtout notre amour pour Lui s’est refroidi. La fin de notre Evangile est un appel à la confiance : « Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent ? » Cette conclusion est riche d’enseignements. En transmettant le Pater Jésus insiste sur la bonté de Dieu en tant que Père. Et il nous montre aussi que toutes les demandes du Pater peuvent se résumer en une seule : demander à Dieu notre Père l’Esprit-Saint. Car si nous avons en nous cette présence de l’Esprit-Saint et si nous suivons ses inspirations, non seulement nous éviterons le mal mais nous grandirons de jour en jour sur le chemin de la sainteté. Voilà ce que nous avons à demander en premier : le don de l’Esprit-Saint. Comme le dit le Seigneur dans l’Evangile nous devons rechercher d’abord le Royaume de Dieu et tout le reste nous sera donné par surcroît.
En guise de conclusion je voudrais faire allusion à l’expérience de deux saints espagnols du 16ème siècle. Tout d’abord sainte Thérèse de Jésus, la réformatrice du Carmel. Elle affirme avoir quelquefois passé tout le temps de son oraison à méditer seulement les deux premiers mots du Pater : « Notre Père ». Chaque mot du Pater est en effet d’une profondeur insoupçonnable. Si dans la prière communautaire nous n’avons pas le temps de méditer ces paroles, dans la prière personnelle nous avons tout intérêt à les savourer les unes après les autres, en prenant conscience sous l’action de l’Esprit de toute leur portée. L’autre saint est Ignace de Loyola, le fondateur des Jésuites. Dans ses Exercices spirituels il affirme que « ce n’est pas d’en savoir beaucoup qui rassasie et satisfait l’âme, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement. » Et il donne aux retraitants trois manières de prier, trois méthodes en quelque sorte. La deuxième manière de prier, écrit-il, « se fait en contemplant la signification de chaque mot de la prière. » Nous retrouvons l’expérience de Thérèse d’Avila avec le Pater. Et Ignace donne le détail de cette méthode : « Etant à genoux ou assis, selon qu’on s’y trouve plus disposé et accompagné de plus de dévotion, tenant les yeux fermés ou posés sur un endroit, sans les laisser aller ça et là, on dira : Pater. Et l’on restera dans la considération de ce mot aussi longtemps que l’on trouvera des significations, des comparaisons, du goût et de la consolation dans des considérations qui se rapportent à ce mot. Si celui qui contemple le Pater noster trouve dans un ou deux mots une bonne matière pour la pensée, et du goût et de la consolation, qu’il ne se soucie pas d’aller plus loin, même si l’heure devait se terminer sur ce qu’il trouve. Celle-ci terminée, il dira le reste du Pater noster de la manière habituelle. »
Amen
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