dimanche 27 avril 2025

Deuxième dimanche de Pâques / année C / DILEXIT NOS

 

27/04/2025

Le pape François a publié le 24 octobre 2024 une lettre encyclique sur l’amour humain et divin du Cœur de Jésus-Christ, Dilexit nos /Il nous a aimés. Pendant ce temps pascal je vous proposerai chaque dimanche une méditation ayant pour but de vous faire connaître le contenu de ce document, ce sera en quelque sorte une catéchèse sur le Sacré-Cœur de Jésus que nous célébrerons cette année le 27 juin. Dilexit nos comprend 5 parties qu’il est bon d’avoir à l’esprit dès le départ de ce cycle de méditations :

I.           L’importance du cœur

II.        Des gestes et des paroles d’amour

III.     Voici le cœur qui a tant aimé

IV.       L’amour qui donne à boire

V.           Amour pour amour

Ecoutons l’introduction biblique que le pape donne à sa lettre :

1. « Il nous a aimés » dit saint Paul, en parlant du Christ (Rm 8, 37), nous faisant découvrir que rien « ne pourra nous séparer » (Rm 8, 39) de son amour. Il l’affirme avec certitude car le Christ l’a dit lui-même à ses disciples : « Je vous ai aimés » (Jn 15, 9.12). Il a dit aussi : « Je vous appelle amis » (Jn 15, 15). Son cœur ouvert nous précède et nous attend inconditionnellement, sans exiger de préalable pour nous aimer et nous offrir son amitié : « Il nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Grâce à Jésus, « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru » (1 Jn 4, 16). 

A présent entrons dans la première partie intitulée « l’importance du cœur », partie que l’on peut qualifier de philosophique et d’anthropologique, et qui prépare l’exposé de la révélation biblique et théologique. En ce dimanche je me limiterai à la première section de cette première partie dans laquelle le pape nous pose la question suivante : « Quelle compréhension avons-nous du cœur ? » Il s’agit bien avant toute chose de se mettre d’accord sur la définition du concept de « cœur ». Que voulons-nous dire lorsque nous parlons de « cœur » ? Le n°2 introduit cette réflexion :

2. On utilise souvent le symbole du cœur pour parler de l’amour de Jésus-Christ. Certains se demandent si cela a encore un sens aujourd’hui. Or, lorsque nous sommes tentés de naviguer en surface, de vivre à la hâte sans savoir pourquoi, de nous transformer en consommateurs insatiables, asservis aux rouages d’un marché qui ne s’intéresse pas au sens de l’existence, nous devons redécouvrir l’importance du cœur.

A partir de l’antiquité grecque (Homère et Platon) et de la Bible le pape François résume la riche réflexion des hommes sur cette réalité que nous nommons le cœur. Le mot grec kardia est d’une grande richesse du point de vue de sa signification : il désigne « le tréfonds des êtres humains, le centre émotionnel et spirituel de l’homme, le centre du désir et le lieu où se prennent les décisions importantes de la personne ». Dans la Bible le cœur est compris comme le centre de la personne, un centre « qui se trouve derrière toute apparence, même derrière les pensées superficielles qui nous trompent ». Le cœur est « le lieu de la sincérité où l’on ne peut ni tromper ni dissimuler ». Il indique la vérité la plus profonde de notre être, « la vérité nue » : « Il s’agit de ce qui est authentique, réel, vraiment à soi, ce qui n’est ni apparence ni mensonge ». Au n°6 le pape constate que cette vérité de notre cœur, propre à toute personne, est souvent cachée sous beaucoup de feuilles mortes, au point qu’il est difficile de se connaître soi-même et plus difficile encore de connaître l’autre : « Le cœur est rusé plus que tout, et pervers, qui peut le pénétrer ? » (Jr 17, 9) … L’apparence, la dissimulation et la supercherie abîment et pervertissent le cœur. Nombreuses sont nos tentatives pour montrer ou exprimer ce que nous ne sommes pas… Nous comprenons ainsi dès le départ que le cœur n’est pas seulement du côté du sentiment mais aussi du côté de la pensée. Il constitue une synthèse de l’amour et de la vérité. C’est la raison pour laquelle le pape peut dire que « tout se joue dans le cœur ». Pour conclure cette introduction écoutons à nouveau le pape au n°8 de l’encyclique :

8. Au lieu de rechercher des satisfactions superficielles et de jouer un rôle devant les autres, il vaut mieux laisser surgir les questions décisives : qui suis-je vraiment, qu’est-ce que je cherche ? Quel sens je veux donner à ma vie, à mes choix ou à mes actions ? Pourquoi et dans quel but suis-je dans ce monde ? Comment est-ce que je veux donner de la valeur à mon existence lorsqu’elle s’achèvera ? Quel sens je veux donner à tout ce que je vis ? Qui est-ce que je veux être devant les autres ? Qui suis-je devant Dieu ? Ces questions me ramènent à mon cœur.

dimanche 20 avril 2025

Pâques 2025

 

Le mystère de Pâques ne peut pas nous laisser indifférents. En raison de la vérité de l’incarnation du Fils de Dieu, le mystère pascal nous touche au cœur même de ce qui constitue notre existence humaine. Ce mystère de rejet, de souffrance, d’abandon, de mort et de résurrection est résumé par une formule saisissante de la lettre aux Hébreux :

Nous voyons Jésus couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, au profit de tous.

Certains parmi nous sont naturellement optimistes, d’autres pessimistes et peu enclins à l’espérance ou se disent tout simplement réalistes. Quel que soit le fond de notre caractère la mort et la vie éternelle ne sauraient être du point de vue existentiel placées sur le même plan. Notre condition mortelle, la certitude de notre mort et l’expérience de la mort de nos proches, s’impose à nous avec une évidence irrécusable. Nul ne peut nier la dure réalité de la mort et de ce qui la précède. Comme le constate saint Paul l’homme extérieur va vers sa ruine… Il n’en va pas de même lorsque nous considérons la vie éternelle et la résurrection. De ces réalités nous n’avons aucune expérience concrète, si ce n’est par et dans la foi. Ce qui permet à saint Paul d’affirmer : C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. La foi en la résurrection n’a rien d’évident comme le montrent les récits de Pâques dans les Evangiles. Cette nuit (lors de la vigile pascale / en ce jour) nous avons entendu le récit que donne saint Luc de la visite des femmes au tombeau de Jésus. Dès que le sabbat est terminé, à la pointe de l’aurore, ces femmes fidèles se rendent au tombeau du Seigneur pour y parachever les rites funéraires. Elles ne sont pas des pèlerines de l’espérance à ce moment-là. Et voici que deux hommes se tinrent devant elles en habit éblouissant. Ces envoyés célestes posent la question essentielle : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Ils ne nomment pas Jésus, celui dont le corps devrait être dans la tombe, mais ils parlent du Vivant, de celui qui par l’offrande de sa vie est devenu prêtre par la puissance d’une vie indestructible. Voici l’incroyable bonne nouvelle : un homme nommé Jésus, notre frère en humanité, vit d’une vie indestructible ; un mortel, un crucifié, vit de la vie même qui est celle de Dieu. C’est le message de Paul aux Romains : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui. Ce message pascal se heurte à l’incrédulité des apôtres : ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas. Et Pierre qui constate que le tombeau est en effet vide ne croit pas pour autant immédiatement : il est tout étonné de ce qui était arrivé. Oui, l’annonce de Pâques est littéralement incroyable et étonnante. Sans le don de la foi, sans la lumière de l’Esprit Saint, il nous est impossible d’entrer dans l’espérance de la vie éternelle à la suite de Jésus. Et notre foi comporte parfois aussi le doute.

En ce jour de Pâques nous pouvons nous demander comment renforcer notre foi en la résurrection. En comprenant tout d’abord que pour un chrétien la vie éternelle est déjà commencée dans notre vie terrestre bornée par la mort. C’est ce que permettent le baptême et la foi, ainsi que tous les sacrements et la vie de prière personnelle, sans laquelle il est difficile de faire une expérience de la présence du Dieu invisible. François Mauriac se définissait comme un homme « engagé dans les problèmes d’en bas pour des raisons d’en haut ». Ce qui va nous permettre de croire de plus en plus en la promesse de la vie éternelle pour nous, ce sera une foi qui sans cesse cherchera à être ferment de vie dans la société, une foi engagée qui ne se résigne pas à la fatalité du mal et de l’injustice. Jésus a été la victime divine de l’injustice des hommes et du mal qui peut les posséder. Dans la lumière de la résurrection du Seigneur il nous appartient de témoigner par notre vie, nos choix, nos actes, de ce qu’un autre monde est possible et que pour un chrétien la fatalité n’existe pas. Nous ne sommes pas naïfs au point de croire, comme l’ont cru certaines idéologies terrestres, que le paradis est possible sur notre terre peuplée d’hommes pécheurs. Mais humblement et réellement nous avons la possibilité de dire « non » à tout ce qui porte atteinte à la dignité de nos frères en humanité et de promouvoir les petits et grands changements qui nous permettent d’incarner la victoire du Ressuscité ici-bas et maintenant. L’espérance de la résurrection ne nous laisse pas le choix : nous avons à être bons, reflets de la bonté de de Dieu, et même à devenir meilleurs pour nous rapprocher si possible de notre divin modèle. Il s’agit bien de changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair, non pas par nos propres forces mais par la puissance de la vie indestructible du Ressuscité… et cela afin de rendre concrète l’espérance qui nous habite. Car si, selon la parole de Pierre, nous attendons, selon la promesse du Seigneur, un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice, il est nécessaire que cela puisse être visible dans la vie de l’Eglise et des chrétiens que nous sommes. Finalement Pâques nous pose la question de la crédibilité de notre foi, donc du témoignage de notre vie : Sommes-nous crédibles et dignes de confiance ?

dimanche 13 avril 2025

Dimanche des Rameaux et de la Passion 2025

 

13/04/2025

Evangile selon saint Luc, chapitres 22.23

Remettons-nous en mémoire le parcours des Evangiles des dimanches de ce Carême : les trois premiers dimanches nous ont fait entendre l’appel à la conversion ; les deux derniers dimanches avec la parabole du père et de ses deux fils et le récit de la femme adultère nous ont enseigné la grandeur de la miséricorde divine. Dans le récit de la Passion du Seigneur selon saint Luc, c’est à nouveau la miséricorde divine qui est célébrée d’une manière éclatante. Nous atteignons ainsi le sommet du message que Luc veut nous délivrer. La tradition évangélique nous rapporte sept paroles du Christ en croix. Le troisième Evangile nous en rapporte trois. Ecoutons-les :

« Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (23, 34)

« Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » (23, 43)

« Père, entre tes mains je remets mon esprit. » (23, 46)

Nous ne trouvons ces trois paroles que dans la Passion selon saint Luc. Deux d’entre elles sont une célébration de la miséricorde de Jésus pour les pécheurs. Alors qu’à trois reprises les chefs du peuple, les soldats et l’un des malfaiteurs crucifiés avec le Christ se moquent de lui et le défient en lui disant : « Sauve-toi toi-même ! », Jésus ne pense au moment de sa mort qu’à sauver les hommes. Il veut leur exprimer une dernière fois la puissance de son amour et de son pardon. Ceux qui ricanaient au pied de la Croix le mettaient au défi de se sauver lui-même de cette mort infamante et de prouver ainsi qu’il était bien le Messie et le Fils de Dieu. Jésus les exauce mais à sa manière. En effet quelle plus grande preuve de sa divinité que son infinie patience dans les souffrances de sa Passion et son infinie miséricorde à l’égard des pécheurs, et cela jusqu’au bout ? D’ailleurs un soldat romain ne peut s’empêcher de proclamer en étant le témoin de la mort de Jésus :

À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste. » Le premier converti de la Passion, après le bon larron, est un soldat païen. La première parole du Christ en croix chez saint Luc est celle du pardon accordé sans condition à ses bourreaux « car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Jésus met ainsi en pratique d’une manière sublime et parfaite l’amour des ennemis qu’il nous a enseigné comme marque du véritable disciple. Quant à la deuxième parole, elle est pourrait-on dire l’acte de canonisation du bon larron « Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis ». Oui, le premier saint de l’ère chrétienne, canonisé par le Seigneur en personne, est un bandit crucifié à ses côtés dont nous ne connaissons même pas le nom et qui, à ma connaissance, n’a aucune église dans le monde catholique qui lui soit dédiée. La tradition à partir du 4ème siècle l’a appelé saint Dismas. Il a suffi au bon larron d’une simple prière et d’un acte de confiance avant sa mort pour entrer dans le Royaume avec Jésus ! « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ».

dimanche 6 avril 2025

Cinquième dimanche de Carême / année C

6/04/2025

Jean 8, 1-11

Il est des Evangiles qui sont tellement beaux, puissants et limpides que l’on aimerait les méditer en silence après les avoir écoutés. C’est le cas de l’Evangile de la femme adultère que nous trouvons seulement chez saint Jean. Mais le devoir de la prédication dominicale s’impose à moi ! Dans la continuité de la parabole du père et de ses deux fils l’Evangile de ce dimanche est un Evangile de la miséricorde divine. Nous ne sommes plus dans une parabole mais dans une scène bien réelle que l’art de saint Jean nous rend tellement vivante que l’on parvient sans peine à se la représenter. Une fois de plus les scribes et les pharisiens veulent tendre un piège à Jésus, connaissant bien sa miséricorde envers les pécheurs. Il s’agit donc de le mettre en contradiction avec la Loi de Moïse telle qu’elle s’exprime dans le Deutéronome : Lorsqu’on trouvera un homme couché avec une femme mariée, ils mourront tous deux, l’homme qui a couché avec la femme, et la femme également. Tu ôteras le mal du milieu d’Israël. (22, 22)

Regardons cette scène : la femme accusée et menacée de lapidation est au milieu. Dans un premier temps elle est entourée par ses accusateurs. Puis, suite à la parole sublime de Jésus (parole qui rappelle la parabole de la paille et de la poutre et par laquelle il déjoue le piège qui lui est tendu), l’évangéliste note : Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. Le récit nous fait passer d’un groupe d’hommes certes religieux, mais remplis de haine et de mauvais sentiments, (l’effet de groupe est rarement positif dans ce genre de situation comme nous le rappellent les circonstances de la condamnation à mort de Jésus…) à un face à face entre Jésus et la femme. Le Seigneur par sa parole lui a sauvé la vie. Le Verbe de Dieu qui a donné à Noé et à Moïse le commandement « Tu ne tueras pas » ne peut pas se contredire en approuvant la Torah qui exige dans plusieurs cas la mise à mort des pécheurs pour « ôter le mal du milieu d’Israël ». Jésus est souverainement libre par rapport à la Loi de Moïse comme le montrent par exemple son attitude le jour du sabbat (il n’hésite pas à faire le bien ce jour-là en guérissant des malades) ou son abolition de la distinction entre aliments purs et impurs. En tant que Fils de Dieu et Fils de l’homme, le Seigneur n’est pas soumis à la Torah. Le Fils de l’homme est maître du sabbat. Saint Paul qui était, avant sa conversion, un partisan fanatique de la Loi de Moïse et un complice de la lapidation de saint Etienne, en tirera toutes les conséquences dans un verset de sa lettre aux Ephésiens : C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Le dialogue final qui conclue cette page évangélique est magnifique : Il se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. » Jésus par son amour et sa compassion est vraiment le Sauveur de cette femme. Il l’arrache aux griffes de ses accusateurs qui se faisaient un plaisir à l’idée de pouvoir la lapider, mais surtout il lui redonne sa dignité de fille de Dieu et l’appelle à l’espérance. Ce qu’elle a fait ne la condamne pas mais peut devenir un nouveau point de départ dans sa vie. Dans l’Evangile selon saint Jean, Jésus affirme : Si quelqu’un entend mes paroles et n’y reste pas fidèle, moi, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver. Le Seigneur a toujours mis en jeu sa vie pour témoigner de ce que le Dieu vivant et vrai n’est pas un Dieu qui veut la mort des pécheurs, un Dieu de condamnation, mais au contraire un Dieu qui aime la vie. Comme le proclame le psaume 102 : Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour.