dimanche 3 novembre 2024

31ème dimanche du temps ordinaire / année B. 2024

 

3/11/2024

Marc 12, 28-34 (Oraison du 25ème dimanche du TO)

Quel est le premier de tous les commandements ? Telle est la question du scribe. Derrière cette question nous trouvons son désir de connaître ce qui fait le cœur de la Loi, l’essentiel ou encore ce qui est le plus important. Notre scribe est essentialiste dans le sens de la théorie exposée par Greg McKeown dans son livre de 2018 L’essentialisme. Le scribe recherche probablement le moyen de simplifier et d’unifier sa propre vie religieuse et spirituelle. Or la religion Juive pouvait sembler compliquée et difficile avec sa multitude de préceptes et de commandements. Jésus dans sa réponse effectue cette synthèse qui permet d’aller en effet à l’essentiel et de simplifier la vie du croyant. Il donne le cœur de toute la Loi et ce qui en constitue l’esprit. Saint Paul a parfaitement saisi la portée de la réponse de Jésus lorsqu’il écrit dans sa lettre aux Romains : N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. La Loi dit : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour. Dans la version que saint Matthieu donne de l’Evangile sur le plus grand des commandements, c’est Jésus lui-même qui affirme ce que Paul reprend dans sa lettre aux Romains de manière plus développée : De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes.

Le scribe se réjouit de la réponse du Seigneur et se permet de faire un commentaire qui est au niveau de la réponse qui lui a été donnée : Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices.

Avant même la destruction du temple de Jérusalem et la fin du culte centré sur les sacrifices, Jésus et le scribe annoncent le culte nouveau en esprit et en vérité. Un culte meilleur, supérieur à l’ancien, et surtout bien plus exigeant, un culte qui lie de manière indissoluble la piété à ce que nous appelons la morale et qui rappelle surtout la priorité du cœur dans notre relation avec Dieu, donc l’intériorité et la vie spirituelle authentique à laquelle nous sommes tous appelés. Cet accomplissement de la Loi dans l’Esprit avait déjà été préparé et annoncé par les prophètes à de nombreuses reprises. Le livre d’Isaïe s’ouvre par une critique de la religion sacrificielle et par un appel pressant à la conversion morale : Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien : recherchez le droit, mettez au pas l’oppresseur, rendez justice à l’orphelin, défendez la cause de la veuve. Il est plus facile pour nous de sacrifier un animal dans un temple que de renoncer au mal et d’éteindre la flamme du péché dans le sanctuaire de notre cœur. Un autre prophète, Michée, a bien entrevu la simplification exigeante de la religion proclamée par Jésus avec la loi de l’amour : Comment dois-je me présenter devant le Seigneur ? demande le peuple. Comment m’incliner devant le Très-Haut ? Dois-je me présenter avec de jeunes taureaux pour les offrir en holocaustes ? Prendra-t-il plaisir à recevoir des milliers de béliers, à voir des flots d’huile répandus sur l’autel ? Donnerai-je mon fils aîné pour prix de ma révolte, le fruit de mes entrailles pour mon propre péché ? – Homme, répond le prophète, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu.

En dehors du judéo-christianisme la même exigence de cohérence entre religion et comportement éthique, le même déplacement du sens de l’offrande de l’extérieur vers l’intérieur, se sont faits ressentir comme en témoigne par exemple ce passage d’une satire écrite au 1er siècle par le poète latin Perse : Que ne donnons-nous aux dieux ce que ne pourrait leur donner sur un grand plat la progéniture aux yeux malades du grand Messala : une âme où règne harmonieusement le droit humain et le droit divin, un esprit sanctifié jusque dans ses replis et un cœur trempé d’honnêteté généreuse. Que je puisse apporter cela dans les temples et avec du froment j’apaiserai les dieux[1].

Enfin nous pouvons accueillir à nouveau la parole du prophète Osée devenue Evangile dans la bouche du Christ :

Je veux la fidélité, non le sacrifice, oracle du Seigneur, la connaissance de Dieu plus que les holocaustes.

 



[1] Traduction de Bernard Pautrat : Hélas, que n’offrons-nous à ceux d’en-haut cela que ne pourrait donner sur un plateau la race aux yeux pourris de vice de Messala le grand : une âme présentant un bel agencement de probe et de pieux, un esprit vertueux jusque dans ses recoins, et un cœur tout imbu d’honnête généreux. Ça, qu’il me soit donné de l’apporter aux temples, et la faveur des dieux se nourrira de grain.

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