Marc 8, 27-35
12/09/2021
Chemin faisant, il interrogeait ses disciples
: « Au dire des gens, qui suis-je ? »
Dans
l’Evangile de ce dimanche, Jésus fait en quelque sorte un sondage d’opinion.
Comment est-il perçu en Israël ? La société de son époque est très
différente de la nôtre du point de vue religieux. En Israël tout le monde croit
au Dieu unique et les Juifs se passionnent pour des débats religieux comme en
témoignent les Evangiles. Dans le vaste empire romain tous les hommes sont
religieux et adorent une multitude de dieux. Contrairement à notre époque on
pourrait caractériser le temps de Jésus par une surabondance de dieux… pas
question d’athéisme même pour ceux qui peuvent avoir des doutes. Pas
d’indifférence religieuse non plus. La religion et le culte font partie du
quotidien de la vie. On est alors très éloigné de la formule de Nietzche
annonçant la mort de Dieu. Un épisode rapporté par les Actes des apôtres
témoigne de cette religiosité omniprésente. C’est Paul qui parle alors qu’il se
trouve à Athènes :
Athéniens, je peux observer que vous êtes, en
toutes choses, des hommes particulièrement religieux. En effet, en me promenant
et en observant vos monuments sacrés, j’ai même trouvé un autel avec cette
inscription : “Au dieu inconnu.” Or, ce que vous vénérez sans le connaître,
voilà ce que, moi, je viens vous annoncer.
Les
athéniens comme tous les habitants de l’Empire pensaient qu’il y avait
tellement de dieux qu’il était préférable de prendre des précautions en dédiant
un autel au dieu inconnu afin de n’en
oublier aucun dans leurs dévotions…
C’est la
raison pour laquelle la question posée autrefois par Jésus résonne d’une
manière totalement différente dans notre société sécularisée car Dieu n’est
plus une question, il est tout simplement considéré comme inintéressant,
inutile ou inexistant par la plupart de nos contemporains. C’est l’indifférence
à son égard qui domine. Le sacré a quitté le domaine du religieux et il est
descendu sur terre investissant des domaines profanes comme le sport, la
musique etc. Les dieux ont changé de visage et se sont résorbés dans la
réussite matérielle, la gloire, le succès, l’ambition, les richesses, les
plaisirs sensuels… tels sont les dieux de notre polythéisme contemporain. Saint
Jean les trouvaient déjà présents comme concurrents du Dieu d’Israël, comme
obstacles essentiels à l’accueil de l’Evangile du Christ, confessé par Pierre
dans notre Evangile :
Tout ce qu’il y a dans le monde – la
convoitise de la chair, la convoitise des yeux, l’arrogance de la richesse –,
tout cela ne vient pas du Père, mais du monde.
Et Paul
déjà se lamentait du matérialisme grossier dans lequel certains se
complaisaient :
Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur
ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent
qu’aux choses de la terre.
Depuis la
mort de Dieu prophétisée par Nietzsche, il semblerait bien que les nouveaux
dieux, les idoles, ne soient plus en concurrence avec Dieu, comme s’ils avaient
acquis le monopole des cœurs, la majorité dans les sondages d’opinion…
C’est
dire si l’annonce de la foi chrétienne et du Christ crucifié et ressuscité se
fait aujourd’hui dans un contexte très différent de celui de l’époque de Pierre
et de Paul ! Le reproche adressé par Jésus à son apôtre, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais
celles des hommes, a une résonance bien spécifique 2000 ans plus tard. La
grande difficulté de nos contemporains et même de certains d’entre nous, les
croyants, consiste bien à s’extraire de la pensée humaine pour accueillir la
révélation divine venant bouleverser nos vies par le mystère de l’incarnation,
par la présence au milieu de nous du Christ qui est Seigneur. Il était déjà
intolérable pour Pierre d’entendre son maître annoncer sa Passion et sa mort en
croix. A plus forte raison de nos jours, le message du Christ nous choque
profondément et nous indispose :
Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il
renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Nos
contemporains pensent généralement du bien de Jésus… ou encore de son message
d’amour fraternel et de paix… mais de là à le reconnaître comme la Parole de
Dieu faite chair, il y un abime qui leur semble impossible à franchir !
C’est le saut de la foi dans la nouveauté et l’inconnu des pensées de
Dieu ! S’il est pour nous essentiel de vivre la foi qui agit par la charité, comme
nous le rappellent à la fois Paul et Jacques, nos contemporains ont besoin du
témoignage de chrétiens qui prient et qui développent une vie spirituelle
intense, témoignant par-là que le Christ est vraiment le Vivant avec lequel ils
désirent vivre la communion. D’où l’importance de la vie religieuse et
consacrée ainsi que de la vie spirituelle de chaque chrétien, personnelle et
communautaire. Rendons grâce pour le don de la foi et demandons pour nos frères
et sœurs indifférents la grâce d’accueillir la révélation du Christ et les
pensées de Dieu :
Jésus lui dit : « Heureux
es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont
révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
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