Épiphanie 2020
Saint
Matthieu est le seul parmi les évangélistes à nous rapporter l’épisode de la
visite des mages orientaux à Bethléem. Tandis que saint Luc nous parle de la
crèche, saint Matthieu mentionne la maison dans laquelle Marie se tient avec
son fils nouveau-né. Probablement qu’après la naissance de Jésus dans la
crèche, ses parents sont restés à Bethléem un certain temps et ont pu ainsi
trouver une maison, une fois le recensement terminé. Si nous poursuivons notre
comparaison entre les deux récits, il est aussi intéressant de relever qu’aux
bergers de Luc correspondent les mages de Matthieu. Un parallélisme peut ainsi
s’établir entre la pauvreté et l’ignorance des bergers et la richesse et la
science des mages. L’une des significations de l’Epiphanie est l’universalité
du salut apporté par la naissance de l’enfant Jésus. Dieu se fait en son Fils
notre frère pour dire la proximité de son amour pour tous les hommes, pauvres
et riches, savants et ignorants. Cependant les bergers et les mages ont un
point en commun : ils appartiennent à des catégories mal considérées dans
le Judaïsme. N’oublions pas que les mages devaient être en même temps des
scientifiques et des astrologues… La frontière entre astronomie et astrologie
étant ténue à cette époque. Or l’astrologie est condamnée et ridiculisée dans
certains passages de l’Ancien Testament.
Ces mages
ont donc en quelque sorte tout contre eux : astrologues et païens. Cela
n’empêche pas Dieu de les guider par l’étoile jusqu’à Jésus. Dans l’Evangile de
cette solennité, nous voyons la diversité des moyens adaptés que Dieu utilise
pour guider les hommes et les conduire vers le salut. L’étoile pour les mages,
les Ecritures pour les Juifs et enfin le songe pour les mages. L’étoile peut
aussi bien représenter la création, la nature que la science puisque seuls les
astronomes peuvent en déchiffrer le message. Les Ecritures représentent la
révélation et la foi. Le mystère de l’Epiphanie nous montre de manière concrète
comment foi et science peuvent mener à Dieu ou pour le dire autrement comment
le livre de la nature complète le livre de la révélation. S’il y a eu au cours
de l’histoire de l’humanité des scientifiques athées, de nombreux exemples nous
montrent qu’il est tout à fait possible d’être un grand scientifique et un
grand croyant, pour n’en citer qu’un pensons à Blaise Pascal.
Un
dernier élément de méditation nous est donné si nous comparons les mages païens
au Juif Hérode, les savants au roi. Hérode avait tout de son côté pour pouvoir,
lui aussi, se prosterner devant l’enfant de Bethléem : les Ecritures et
l’enseignement des prêtres et des scribes. Mais il laissa son cœur se troubler
et pécha en commettant mensonge et tromperie. Pour un homme de pouvoir comme
lui, entendre ces voyageurs lointains parler du roi des Juifs a dû le
bouleverser profondément. Les mages partaient de loin, dans tous les sens du
terme. Ils arrivent à Jérusalem au terme d’un long voyage qui n’est que l’image
de leur longue recherche spirituelle du salut et de la vérité. Et voilà que
ceux qui étaient loin sont le plus proche de Jésus tandis que celui qui était
prêt s’en éloigne infiniment par son péché et son obsession maladive du
pouvoir. Tel est le paradoxe de l’Epiphanie qui annonce l’enseignement de Jésus
selon lequel bien des premiers seront derniers et bien des derniers seront
premiers.
Ce
paradoxe nous invite à l’humilité en tant que catholiques. Nous qui avons tout
pour connaître le salut apporté par Jésus dans le mystère de l’incarnation,
nous sommes parfois plus éloignés de Jésus que ceux qui sont hors de l’Eglise.
Parce qu’une tentation terrible menace chacun de nous, celle de vivre notre foi
de manière routinière. Les mages orientaux nous rappellent l’importance du
désir spirituel et de la recherche de Dieu. Le croyant authentique est toujours
en chemin, toujours poussé de l’avant par la recherche d’une communion plus forte
et plus intime avec Jésus. Et il n’hésite pas à contempler en même temps le
livre de la création et celui de la révélation, à unir dans son cœur foi et
raison pour atteindre son but.
Paul, le
converti, est un magnifique exemple de ce dynamisme de la foi, d’un homme qui
ne s’est jamais laissé endormir par une pratique religieuse routinière et
automatique :
Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je
n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher
de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, quant à
moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant
ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du
prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.
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