samedi 1 octobre 2016

27ème dimanche du temps ordinaire / Messe pour la création


27ème dimanche du temps ordinaire / C
Messe pour la création
2/10/16

Introduction à la célébration :

Nous célébrons en ce dimanche une messe pour la création. De nombreuses motivations nous poussent à le faire. Tout d’abord le pape François a décidé le 6 août 2015 que les catholiques, en communion avec leurs frères orthodoxes, célébreraient chaque premier septembre une journée mondiale de prière pour la création. J’ai repoussé pour notre communauté cette célébration au 2 octobre pour des raisons pratiques mais aussi parce que ce dimanche est proche de la fête de saint François d’Assise, le saint patron des écologistes. Une autre motivation vient du fait que notre paroisse avec ses trois communautés (danoise, anglophone et francophone) fait partie depuis peu du réseau des églises vertes (grøn kirke), ce qui implique une série d’engagements concrets au niveau écologique parmi lesquels une célébration annuelle de la création divine. Le sens de cette messe est à la fois de dire merci au Dieu Trinité pour le don de la création et de nous engager à cultiver la création, à vivre sur cette terre, « notre maison commune », selon le projet du Créateur. Pour citer le pape, « nous ne pouvons pas avoir une spiritualité qui oublie le Dieu tout-puissant et créateur » (Laudato si’[1] 75). J’ai choisi pour la liturgie eucharistique la prière numéro 4 qui met particulièrement en valeur le don de la création et notre place au sein de cette création.
  
Homélie
Dans cette homélie il n’est pas possible de rendre compte de manière exhaustive du message que le pape François nous adresse à travers son encyclique Laudato si’ du 24 mai 2015. Un groupe de lecture et d’étude existe depuis la sortie de ce document dans notre communauté pour ceux qui ont le désir de connaître en profondeur ce document essentiel de l’Eglise. Je vais toutefois tenter une présentation synthétique de l’encyclique pour nourrir notre réflexion, notre prière, mais aussi afin de nous engager concrètement dans la conversion écologique.

Un fil rouge caractérise la pensée du pape : tout est lié dans le monde (LS 16). Pour le dire autrement, il est impossible de séparer la préoccupation pour la sauvegarde de la maison commune du souci pour la justice sociale, d’une vision de l’homme et de sa place dans le monde, ainsi que des questions politiques, économiques et financières. Il s’agit donc d’écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres (LS 49). Notre terre souffre de ce que nous en avons fait un immense dépotoir (LS 21) et aussi parce que nous avons oublié que toutes les créatures sont liées. Chacune doit être valorisée avec affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns des autres (LS 42).

Le pape François aborde la question centrale de l’anthropocentrisme. C’est la vision selon laquelle l’homme est le centre et le sommet de l’univers créé ; tout a été créé pour lui. La révélation biblique a des accents anthropocentriques mais elle est essentiellement christocentrique, donc théocentrique : la fin ultime des autres créatures, ce n’est pas nous (LS 83). Le pape reconnaît que dans la tradition chrétienne s’est développée une interprétation inexacte des récits de la création dans la Genèse, une interprétation aboutissant à un anthropocentrisme despotique qui se désintéresserait des autres créatures (LS 68) et niant que les autres êtres vivants ont une valeur propre devant Dieu (LS 69). Or nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée (LS 67). Le chrétien, conscient de cela, ne peut donc que rejeter toute domination despotique et irresponsable de l’être humain sur les autres créatures (LS 83).

Confrontés à un système mondial insoutenable (LS 61), les chrétiens sont appelés à remettre en question l’idée d’une croissance infinie ou illimitée, qui a enthousiasmé beaucoup d’économistes, de financiers et de technologues (LS 106). Tout simplement parce que cette idée suppose le mensonge de la disponibilité infinie des biens de la planète, qui conduit à la « presser » jusqu’aux limites et même au-delà des limites  (LS 106). A une époque où le politique a renoncé à sa fonction de régulation et d’orientation de l’économie et de la finance au nom des règles du libre marché[2], il n’est pas étonnant que l’engagement écologique soit si faible et inefficace : pendant que les uns sont obnubilés uniquement par le profit économique et que d’autres ont pour seule obsession la conservation ou l’accroissement de leur pouvoir, ce que nous avons ce sont des guerres, ou bien des accords fallacieux où préserver l’environnement et protéger les plus faibles est ce qui intéresse le moins les deux parties (LS 198). D’où l’audace du pape qui, d’un côté, appelle certaines parties du monde, les plus riches, à une certaine décroissance (LS 193) et, de l’autre, dénonce le mirage de la croissance durable comme un moyen de distraction et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie ; la responsabilité sociale et environnementale des entreprises se réduisant d’ordinaire à une série d’action de marketing et d’image (LS 194).

Quelles indications pratiques le pape nous donne-t-il pour vivre notre conversion écologique[3] ? Il est tout d’abord essentiel de mettre en œuvre un nouveau style de vie, se détachant toujours davantage de la surconsommation et du gaspillage car le monde de la consommation exacerbée est en même temps le monde du mauvais traitement de la vie sous toutes ses formes (LS 230). Nous devons prendre conscience de notre pouvoir en tant que consommateurs. La responsabilité sociale des consommateurs repose sur le fait qu’acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral (LS 206). Un changement dans notre manière de consommer, dans nos styles de vie, pourrait réussir à exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique et social (LS 206). En tant que chrétiens nous sommes aussi responsables de l’éducation environnementale qui suppose une critique des mythes de la modernité (individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles), (LS 210). Le pape fait sienne la notion de sobriété heureuse (LS 223-225), inséparable de la redécouverte de la vertu d’humilité. Ainsi la spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu. C’est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas (LS 222). Pour conclure cette présentation synthétique de l’encyclique, une dernière citation du pape qui nous fait comprendre pourquoi l’engagement écologique est inséparable de notre foi chrétienne, particulièrement lorsque nous affirmons croire en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ; bref il s’agit bien d’une question de cohérence entre notre foi et nos choix de vie :

Vivre la vocation de protecteurs de l’œuvre de Dieu est une part essentielle d’une existence vertueuse : cela n’est pas quelque chose d’optionnel ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne (LS 217).


[1] Dans le texte qui suit : LS.
[2] LS 175
[3] LS 216-221

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