8/03/15
Jean 2,
13-25
Dimanche dernier nous avons
contemplé Jésus transfiguré sur la montagne. La transfiguration était une
merveilleuse annonce de la gloire de la résurrection, le jour de Pâques.
L’Evangile de ce troisième dimanche de Carême est aussi pascal, non seulement
parce qu’il se situe juste avant la fête de la Pâque, mais surtout parce qu’il
annonce, lui aussi, la résurrection du Seigneur : « Détruisez ce
Temple, et en trois jours, je le relèverai… Le Temple dont il parlait, c’était
son corps ».
L’épisode des marchands chassés
du Temple par Jésus peut nous poser un problème de compréhension, donc
d’interprétation. Car c’est le seul moment dans l’Evangile où le Seigneur,
« doux et humble de cœur », se montre violent. D’autant plus que
saint Jean, contrairement aux autres évangélistes, mentionne un fouet fait de
cordes avec lequel Jésus met à la porte les marchands et leurs animaux,
nécessaires aux sacrifices de la Pâque. Bien sûr l’évangéliste ne dit pas que
Jésus les a frappés avec ce fouet, simplement qu’il les a chassés… Mais cela
n’en demeure pas moins un geste violent. Au chapitre 23 de saint Matthieu, nous
pouvons trouver l’équivalent de ce geste en paroles : les sept
malédictions contre les pharisiens font partie des très rares paroles violentes
mises dans la bouche du Seigneur. Non seulement les pharisiens sont traités
d’hypocrites et de guides aveugles, mais Jésus les interpelle avec une sévérité
extrême : « Serpents, race de vipères, comment échapperez-vous au
jugement de l’enfer ? » Ce vocabulaire particulièrement dur rappelle
celui de Jean le baptiste. A propos des marchands chassés du Temple, certains
ont parlé de « sainte colère » de la part de Jésus. Qu’est-ce qui
peut donc expliquer cette colère, unique dans les évangiles ? Le fait que
certains Juifs aient profité du culte et de la fête de Pâque pour faire du
commerce dans l’enceinte de cet édifice sacré. En les mettant à la porte, Jésus
ne remet pas en question le culte ni les sacrifices. Il veut simplement séparer
d’une manière très stricte ce qui relève du commerce de ce qui relève du culte.
C’est à l’aide d’un verset du psaume 69 que les disciples essaient de
comprendre cette scène inhabituelle : « L’amour de ta maison fera mon
tourment ». Nous le constatons, Jésus est attaché au caractère sacré du
Temple de Jérusalem, même si un peu plus loin, dans le même Evangile, il
annonce à la femme de Samarie un nouveau culte : « Femme,
crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à
Jérusalem pour adorer le Père… L’heure vient – et c’est maintenant – où les
vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les
adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est
en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. »
Le chapitre 16 de saint Luc peut
nous aider à comprendre cette colère du Seigneur. Jésus y parle de l’argent
malhonnête et de l’incompatibilité entre le culte divin et l’amour de
l’argent : « Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou
bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et
méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. Quand
ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent,
tournaient Jésus en dérision. » Nous pourrions peut-être nous
poser la question de la quête au cœur de la messe. Cependant la quête n’est pas
assimilable à un acte de commerce, puisque l’on peut très bien participer à la
messe sans rien donner à la quête. Le sens de la quête n’est donc pas celui
d’acheter sa place lors du culte divin mais de participer au sacrifice du
Christ pour la vie matérielle de la communauté. Lui a donné sa vie pour nous,
il a offert son corps en sacrifice, abolissant ainsi le sacrifice des animaux
et le culte du Temple de Jérusalem. Les fidèles, en faisant leur offrande, se
détachent d’une certaine somme d’argent représentant leur travail quotidien
pendant une semaine.
Enfin, en lien avec la première
lecture, nous pourrions évoquer des questions d’actualité qui nous montrent
comment le culte de l’argent a tendance à toujours diminuer la part du sacré
qui demeure dans nos sociétés. « Souviens-toi du jour du sabbat
pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton
ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du
Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta
fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est
dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et
tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est
pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. » En
France, un gouvernement étiqueté « socialiste » n’a de cesse de
promouvoir l’ouverture des magasins le dimanche et donc de réduire le caractère
sacré du repos dominical. Jésus se serait certainement mis dans « une
sainte colère » devant cet empiétement de l’appât du gain et du commerce
sur la sanctification du jour qui est consacré à la célébration de sa
résurrection !
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