Matthieu
18, 15-20
7/09/14
L’Evangile de ce dimanche nous
parle de la présence du mal à l’intérieur de l’Eglise. L’Eglise est sainte mais
elle rassemble en son sein un peuple de pécheurs en marche vers la sainteté.
Les conseils de Jésus ont pour but de nous rendre solidaires les uns des
autres. Nous devons nous aider à atteindre la sainteté qui est notre vocation
commune. C’est dans ce contexte qu’il nous faut pratiquer la correction
fraternelle. Certaines expressions peuvent nous sembler dures : Si le
pécheur « refuse encore d’écouter l’Eglise, considère-le comme un païen et
un publicain ». J’y reviendrai mais je voudrais dans un premier temps
prendre de la hauteur pour mieux comprendre la portée de cet Evangile. En fait
c’est la relation entre l’Eglise-communauté et la personne qui est au cœur de
cet enseignement de Jésus. La plupart des religions ont un aspect communautaire
et un aspect personnel. Cela signifie que c’est ensemble et de manière
personnelle que l’on recherche Dieu, qu’on le prie, qu’on lui voue un culte. Il
suffit de connaître l’histoire du christianisme pour savoir que l’accent s’est
déplacé au cours des siècles. En schématisant à l’extrême on peut dire que
jusqu’à la Renaissance l’aspect communautaire a prévalu. La pratique de la
religion, soutenue et imposée par l’autorité civile, était une pratique
sociale. Si bien qu’en théorie la grande majorité de la population était
chrétienne. A partir du 16ème siècle et surtout à partir de la
révolution française la religion se privatise au fur et à mesure ou pour le
dire d’une manière plus positive elle s’intériorise : ce qui est mis en
avant c’est la relation personnelle du croyant avec Dieu. Cela correspond bien
sûr à la séparation des Eglises et de l’Etat, à ce que nous appelons la
laïcité. L’un des problèmes essentiels de l’Islam aujourd’hui consiste
précisément dans l’affirmation communautaire de la pratique religieuse aux
dépens de la relation personnelle du croyant avec Dieu. D’où la volonté
d’imposer la théocratie, c’est-à-dire un système dans lequel l’Etat et la
religion se confondent sans laisser aucun espace de liberté à la conscience
personnelle. Comprise ainsi la théocratie n’est en fait qu’une dictature
religieuse utilisant, comme toute dictature, la violence, la contrainte et la
peur pour obtenir de la population un consensus purement extérieur.
Je reviens maintenant à notre
Evangile qui exige que nous le comprenions, comme toujours, en lien avec
d’autres enseignements de Jésus. Il serait facile de voir une contradiction
entre la pratique de la correction fraternelle et l’image de la paille et de la
poutre employée dans le même Evangile :
« Ne jugez
pas, pour ne pas être jugés ; de la manière dont vous jugez, vous serez
jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera. Quoi ! Tu
regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton
œil, tu ne la remarques pas ? Ou encore : Comment vas-tu dire à ton
frère : “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une
poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de
ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil
de ton frère.
Ou encore de
relever le contraste entre la sévérité de Jésus, demandant de considérer le
pécheur refusant de se convertir comme un païen et un publicain, et sa propre
attitude faite de bienveillance et de miséricorde à l’égard des pécheurs :
Comme Jésus
était à table à la maison, voici que beaucoup de publicains et beaucoup de
pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. Voyant cela, les
pharisiens disaient à ses disciples : « Pourquoi votre maître
mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? » Jésus, qui avait
entendu, déclara : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont
besoin du médecin, mais les malades. Allez apprendre ce que signifie : Je
veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler
des justes, mais des pécheurs. »
Cette mise en
perspective des textes les uns avec les autres nous interdit d’emblée d’avoir
une interprétation fanatique de la correction fraternelle. Aider mon prochain à
devenir meilleur et à changer ne peut pas se faire sans amour ni patience, et
encore moins en niant la dignité de sa conscience. Cela suppose en moi une
grande humilité. Le concile Vatican II a donné une belle définition de la
conscience : « Le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où
il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre ». L’Eglise a
justement pour mission d’éclairer et de former la conscience des fidèles en
particulier par l’enseignement de la morale. Jésus ne précise pas de quel type
de péché il s’agit. Mais on peut supposer que la correction fraternelle
concerne surtout les péchés qui portent atteinte à la vie de la communauté, à
sa communion et à son unité. D’où l’utilisation en cas de nécessité absolue de
l’excommunication. Après avoir fait son travail de formation l’Eglise, comme le
confesseur, renvoie toujours le fidèle à sa propre conscience, donc à l’usage
de sa liberté qui est un don de Dieu. L’Eglise en tant que communauté comme le
chrétien de manière personnelle doivent toujours se souvenir de l’exhortation
de saint Paul dans sa lettre aux Romains :
Ne prenez pas
pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon
de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon,
ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.
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