13/04/2014
Passion selon saint Matthieu
La célébration du dimanche des
rameaux et de la Passion est l’un des sommets de notre année liturgique. Nous
venons de vivre cette expérience bouleversante de la proclamation de la Passion
du Seigneur dans la version qu’en donne saint Matthieu. Nous percevons
spontanément toute la force de la Parole de Dieu à travers la simplicité et la
sobriété du récit évangélique. Dans la deuxième lecture saint Paul donne un
sens théologique à ces événements tragiques, à ces heures ténébreuses faites de
fanatisme religieux, de violence extrême et finalement de négation totale de
tout ce qui devrait caractériser notre humanité. Jésus en cette heure de la
Passion accomplit dans son être un dépouillement et un abaissement volontaire
que nous ne pouvons approcher que dans la mesure où nous savons que l’amour
qu’il nous porte est de qualité divine. Seul un Dieu est capable de ce genre
d’abaissement. Saint Matthieu n’hésite pas dans son récit à nous montrer le
réalisme de l’incarnation. Le Fils de Dieu n’a pas fait semblant d’être un
homme : il est « devenu semblable aux hommes », et a été « reconnu
comme un homme à son comportement ». Aux deux extrémités de sa Passion son
humanité véritable se révèle dans un contexte tragique. D’abord dans le jardin
des oliviers où il ressent tristesse et angoisse comme chacun de nous face à
l’imminence de sa propre mort ou encore d’une grande épreuve. Ce que Jésus
recherche ce n’est ni la souffrance ni la mort mais uniquement que
s’accomplisse en lui la volonté de Dieu : « Mon Père, s’il est
possible, que cette coupe passe loin de moi ! [...]
Que
ta volonté soit faite ! » Alors qu’il vient de subir dans sa chair et
dans son âme des souffrances d’une extrême violence il crie une parole unique
adressée au Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ? » Parole qu’il emprunte au psaume 21. Du jardin des
oliviers au calvaire le Fils obéissant change sa manière de s’adresser à Dieu.
Il passe de l’expression intime « mon Père » à « mon
Dieu », d’une demande filiale à une interrogation déchirante. Lui le
juste, l’innocent, celui qui est sans péché et n’a jamais eu aucune
compromission avec le mal, supporte sur le bois de la croix tout le poids de
notre déshumanisation. Il concentre en sa personne toutes les violences de
l’histoire humaine, nos violences, pour nous en libérer. Avant de vivre
l’expérience de la mort physique il passe par une expérience autrement plus
redoutable : celle de se sentir abandonné par Dieu alors qu’il est son
Fils unique, son visage et sa présence au milieu de nous. Tel est le sacrifice
auquel il a librement consenti pour donner à chaque homme la possibilité de
renoncer au mal et de devenir fils de Dieu. C’est ainsi qu’il a transformé un
horrible instrument de torture, une invention diabolique, la croix, en signe
d’espérance. Cette espérance qui est celle-là même des béatitudes :
« Heureux les doux, parce
qu’ils hériteront de la terre… Heureux ceux qui font œuvre de paix, parce
qu’ils seront appelés fils de Dieu ».
Si Jésus lui-même a pu ressentir
cet abandon, ne nous étonnons pas si à certains moments de notre vie Dieu nous
semble absent et lointain, comme indifférent. Le Christ nous appelle à marcher
dans la foi et l’espérance, à choisir résolument la vie, le respect
inconditionnel pour la création issue du cœur de Dieu, le refus de mettre notre
intelligence et nos dons au service des œuvres de destruction et de mort. C’est
avec la création tout entière sauvée par l’amour du Christ que nous entrerons
un jour dans la lumière de Pâques.
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