30/03/2014
Jean 9,
1-41
La magnifique page d’Evangile de
ce dimanche nous parle de la foi et de son contraire : le refus de croire.
Saint Jean joue en permanence sur le double sens du verbe voir : la vue
qui vient des yeux et celle qui vient du cœur. De la même manière il y a un double
aveuglement : celui des yeux et celui du cœur. Ainsi l’aveugle de
naissance passe, grâce à Jésus, de la cécité à la vue matérielle, puis de la
vue à la vision spirituelle, celle que lui donne sa foi.
Notons bien que cet aveugle de
naissance n’a rien demandé à Jésus. C’est le Seigneur qui prend l’initiative de
le guérir. Il est important de considérer la question des disciples :
« Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? » Cette question
est celle du mal physique qui touche des innocents. L’interrogation sur le mal
moral (la guerre par exemple) est facile à résoudre : l’homme étant créé
libre, il peut en effet choisir de commettre le mal. Mais la question du mal
physique nous tourmente parce qu’il est impossible d’obtenir une réponse
rationnelle à ce scandale. Pourquoi des bébés naissent-ils aveugles ?
Pourquoi les tremblements de terre, les tsunamis, les cyclones etc. ? Le
mal physique semble frapper au hasard, sans aucune logique, des innocents, des
bons comme des méchants, des justes comme des injustes. C’est un mal aveugle et
arbitraire. De nombreux philosophes ont affronté cette redoutable question du
mal physique. Nous nous souvenons de Voltaire qui raille Leibniz dans Candide, Leibniz selon lequel Dieu ne
pouvait pas créer de monde plus parfait que le nôtre. Ce à quoi Voltaire oppose
le tremblement de terre de Lisbonne. Il y a aussi Diderot qui dans sa Lettre sur les aveugles pose une
question classique : Si Dieu est tout-puissant et bon, pourquoi permet-il
que des bébés innocents naissent aveugles ? Cette question lui a valu
quelques mois de prison à Vincennes. Notre esprit a bien du mal à accepter le
hasard, l’arbitraire et l’injustice. D’où notre désir de comprendre le pourquoi
du mal. Il doit donc bien y avoir une raison, une explication… Les disciples de
Jésus proposent l’explication traditionnelle : « Est-ce lui qui a
péché, ou bien ses parents ? » L’origine de cette théorie se trouve
dans certains passages de la Bible. Voici un exemple dans le livre de
l’Exode : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et
miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité, qui garde sa
fidélité jusqu’à la millième génération, supporte faute, transgression et
péché, mais ne laisse rien passer, car il punit la faute des pères sur les fils
et les petits-fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération. » Bien
avant Jésus le livre de Job avait remis en cause cette tradition en nous
racontant l’histoire d’un homme juste accablé par tous les malheurs possibles.
Les pharisiens qui refusent de croire malgré la guérison s’en tiennent à
l’explication traditionnelle : « Tu es tout entier plongé dans le
péché depuis ta naissance ». La réponse de Jésus est libératrice :
personne n’a péché, « ni lui, ni ses parents ». Le handicap qui
frappe un bébé dès sa naissance n’a rien à voir avec une quelconque faute
morale. Avouons-le, la réponse de Jésus est mystérieuse et il est difficile de
l’interpréter correctement : « L’action de Dieu devait se manifester
en lui ». Nous devons accepter de ne pas avoir d’explication rationnelle
face au mal physique plutôt que de donner de mauvaises explications. La
conclusion de notre page d’Evangile est un commentaire sur l’endurcissement de
cœur des pharisiens : « Je suis venu en ce monde pour une remise en
question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui
voient deviennent aveugles. » Cela nous rappelle un autre avertissement de
Jésus : « Beaucoup qui sont parmi les premiers seront derniers,
et d’autres qui sont derniers seront premiers ». Le
Seigneur oppose ici la foi de l’aveugle à l’incrédulité des pharisiens. En
raison de leur mauvaise foi et de leur orgueil les pharisiens sont de fait
aveuglés spirituellement. Mais là n’est pas le plus grave, nous avertit
Jésus : «Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais
du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure. » Le plus
grave c’est le manque d’humilité : c’est de s’estimer clairvoyant alors
qu’on est aveugle. Face à la question du mal et aux signes de Dieu dans notre
vie Jésus nous indique le bon chemin, celui de l’humilité :
« Père, Seigneur du ciel et de la
terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu
l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta
bienveillance. »
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