Noël 2013
Messe du
jour (Jean 1, 1-18)
Dans la prière du rosaire la
naissance de Jésus fait partie des mystères joyeux. Spontanément lorsque nous
pensons à Noël nous associons cette fête à la joie et à l’action de grâce. Et
nous avons bien raison. Cet événement est unique dans l’histoire de notre
humanité. La naissance de l’enfant dans la crèche sépare notre temps en deux ères :
avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ. Comme l’affirme la deuxième lecture
nous sommes désormais « dans les derniers temps ». Nous sommes dans
l’ère de la grâce et de la vérité, dons du Messie à notre terre. Pour tout
cela nous nous réjouissons et nous remercions le Père pour le plus grand cadeau
qu’il pouvait nous faire : la venue de son Fils bien-aimé parmi nous.
L’évènement de la nuit de Noël est passé inaperçu au regard de la grande
histoire. C’est dans une extrême discrétion, presque dans le secret, que le
Sauveur a voulu naître. Seuls quelques bergers et des mages venus d’Orient se
sont déplacés pour adorer l’enfant. Le magnifique prologue de saint Jean nous
montre que la joie de Noël comporte un aspect dramatique. La joie de Noël n’est
pas superficielle. Elle est tellement profonde qu’elle est capable d’assumer en
elle la dure réalité de notre condition humaine. Si Jean note que nos ténèbres
n’ont pas été capables d’arrêter la lumière du Verbe, il relève aussi à deux
reprises le refus de la part des hommes d’accueillir dans leur vie cette
lumière : « Mais le monde ne l’a pas reconnu… Et les siens ne l’ont
pas reçu ». Plus de deux millénaires après cet événement bouleversant nous
pouvons nous poser la question suivante : Où va notre histoire humaine en
ces temps qui sont les derniers ? L’année prochaine nous ferons mémoire du
début de la première guerre mondiale. 1914-2014 : ce siècle aura été un
siècle si souvent opposé au message de paix, de justice et d’amour qui a
commencé à se répandre avec la naissance d’un bébé à Bethléem. Car après la
première guerre mondiale est venue la seconde, puis l’utilisation de bombes
atomiques, le napalm de la guerre du Vietnam, le massacre de l’environnement,
la pollution, la surexploitation de nos ressources, le gaspillage institué au
rang de norme économique, la banalisation de la torture, la croissance des
inégalités et de l’injustice etc. Je pourrais facilement prolonger cette liste.
Le siècle qui vient de s’écouler sous des apparences de progrès a été
finalement barbare et cruel. En 1965 le concile Vatican II constatait déjà que
« le progrès, grand bien pour l’homme, entraîne aussi avec lui une
sérieuse tentation… Le monde ne se présente pas encore comme le lieu d’une
réelle fraternité, tandis que le pouvoir accru de l’homme menace de détruire le
genre humain lui-même ». Nous pourrions donc facilement succomber au
désespoir : la lumière du Verbe semble si faible et les ténèbres si puissantes.
Mais n’oublions pas que Dieu a choisi de nous sauver par la faiblesse de son
Fils : du bébé de la crèche incapable de parler au jeune homme torturé sur
la croix et criant sa souffrance à Dieu. Ce trésor de la lumière de la Parole
de Dieu nous est confié comme une force. Il nous est donc interdit de
désespérer. Nous comprenons pourquoi notre joie en ce jour est dramatique. Nous
célébrons l’amour extrême de Dieu et en même temps nous savons à quel point
l’amour n’est pas aimé. Je terminerai cette réflexion en citant un magnifique
passage du Concile Vatican II qui nous invite à faire rayonner là où nous
sommes la lumière de l'Evangile :
Le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, s’est lui-même
fait chair et est venu habiter la terre des hommes. Homme parfait, il est entré
dans l’histoire du monde, l’assumant et la récapitulant en lui. C’est lui qui
nous révèle que « Dieu est charité » et qui nous enseigne en même temps
que la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation
du monde, est le commandement nouveau de l’amour. À ceux qui croient à la
divine charité, il apporte ainsi la certitude que la voie de l’amour est
ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer une fraternité
universelle n’est pas vain. Il nous avertit aussi que cette charité ne doit pas
seulement s’exercer dans des actions d’éclat, mais, et avant tout, dans le
quotidien de la vie. En acceptant de mourir pour nous tous, pécheurs, il nous
apprend, par son exemple, que nous devons aussi porter cette croix que la chair
et le monde font peser sur les épaules de ceux qui poursuivent la justice et la
paix... Assurément les dons de l’Esprit sont divers : tandis qu’il appelle
certains à témoigner ouvertement du désir de la demeure céleste et à garder vivant
ce témoignage dans la famille humaine, il appelle les autres à se vouer au
service terrestre des hommes, préparant par ce ministère la matière du Royaume
des cieux. Mais de tous il fait des hommes libres pour que, renonçant à
l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies terrestres pour la vie
humaine, ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps où l’humanité elle-même
deviendra une offrande agréable à Dieu.
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