10ème
dimanche du temps ordinaire / C
Luc 7,
11-17
L’évangéliste saint Luc est le
seul à nous rapporter le récit de la résurrection du fils de la veuve de Naïm.
Un chapitre plus loin il nous rapporte le récit d’une autre résurrection, celle
de la fille de Jaïre. Dans les évangiles nous trouvons le témoignage de trois
résurrections faites par le Christ pendant son ministère public. La troisième
est celle de son ami Lazare dans l’évangile selon saint Jean. Avant de regarder
brièvement l’évangile de ce dimanche j’aimerais faire quelques remarques
d’ordre plus général. Jésus a guéri beaucoup de malades mais n’a pas guéri tous
les malades en Israël. Jésus a redonné la vie terrestre à trois morts mais il
ne l’a pas fait pour tous les morts. Ces actes, en plus d’être des
manifestations concrètes de l’amour du Fils de Dieu pour notre humanité, sont
donc des signes. Dans le passé on utilisait souvent ces miracles pour « prouver »
la divinité de Jésus. Mais la première lecture nous montre que de simples
hommes comme le prophète Elie ont reçu de Dieu un pouvoir semblable. Et dans
les Actes des apôtres Pierre et Paul ont aussi ramené à la vie des morts. Bien
sûr si Elie, Pierre et Paul ont pu faire cela c’est bien grâce à Dieu et à lui
seul. Mais il n’en reste pas moins vrai qu’ils étaient des hommes comme nous.
En redonnant la vie au fils de la veuve Jésus n’a pas voulu prouver sa
divinité. Les témoins de ce miracle ont simplement reconnu en lui un grand
prophète, comme Elie autrefois. Le signe
est donc ailleurs. En faisant cela le Seigneur nous enseigne que Dieu ne se réjouit
pas de la mort de ses créatures. Dieu est du côté de la vie, pas du côté de la
mort. La mort telle que nous la connaissons aujourd’hui, souvent précédée d’une
déchéance plus ou moins longue et accompagnée de souffrances physiques et
morales, est la conséquence du péché et de notre rupture de communion avec
Dieu. Marie, la seule créature préservée du péché originel, n’est pas passée
par ce genre de mort. C’est ce que les orientaux nomment la dormition et nous
l’assomption. C’est par son Fils unique que Dieu a tout créé à partir de rien.
C’est par sa Parole, son Verbe, qu’il a appelé toutes les créatures à
l’existence. L’acte que Jésus pose dans notre évangile marque le commencement
d’une recréation, d’une création nouvelle dans laquelle nous serons enfin
libérés de l’esclavage du mal. Cet acte nous indique le seul et véritable
ennemi du Christ, celui qu’il est venu combattre et vaincre : non pas
l’homme pécheur mais le Mauvais, le tentateur, lui qui rêve de détruire la
création du Père avec notre complicité consciente ou inconsciente. Le Mauvais
qui sait très bien utiliser notre faiblesse, lui qui nous suggère d’utiliser
notre liberté contre Dieu, pour le mal, et finalement pour nous détruire
spirituellement et avec nous toute la création. Il suffit de constater, ce
n’est qu’un exemple, de quelle manière les magnifiques progrès scientifiques de
l’humanité ont été détournés en partie de leur noble fin pour donner la bombe
atomique, les armes chimiques et biologiques, les manipulations génétiques etc.
L’homme devenu fou est désormais capable de provoquer lui-même sa propre apocalypse,
la fin de toute vie sur cette planète terre. Sans parler du fait qu’il est plus
facile de trouver de l’argent, même en temps de soi-disant crise, pour acheter
des armes que pour acheter de la nourriture ou des médicaments ! Sans la
sagesse du Christ l’homme sert plus facilement la mort que la vie ; tuer
lui semble tout aussi normal que guérir. Et à part quelques indignés tout cela
se passe dans une indifférence quasi générale. En ressuscitant le fils de la
veuve Jésus annonce aussi sa propre résurrection et son mystère pascal.
C’est-à-dire sa victoire définitive sur le processus de mort dans lequel notre
humanité s’est engagée depuis des millénaires. Voilà la différence essentielle
entre Elie, Pierre et Paul d’une part et Jésus de l’autre. Tous ont redonné à
des morts la vie de ce monde mais seul le Christ est ressuscité d’entre les
morts. Seul le Christ a fait entrer notre humanité dans la gloire de Dieu.
Quelques mots à propos du signe
rapporté dans notre évangile. Contrairement à la résurrection de Lazare ou à
celle de la fille de Jaïre, c’est Jésus qui, ici, prend l’initiative. La veuve
pleurant son fils unique ne lui a rien demandé. Dans le code de la charité
propre à l’Ancien Testament les veuves avec les orphelins et les étrangers
bénéficiaient d’un statut particulier, prioritaire en quelque sorte. Qu’est-ce
qui pousse le Seigneur à faire de lui-même ce geste ? Sa pitié pour cette
femme. Il veut tout simplement lui exprimer sa compassion et son amour. Le cœur
du Christ est le cœur le plus sensible qui ait jamais existé, le plus
vulnérable aux détresses et aux peines humaines. C’est parce que ce cœur est
parfaitement saint, donc délivré de tout égoïsme et de tout repli sur lui-même.
La résurrection du fils unique de la veuve est une belle et profonde
manifestation de la grâce divine. Dieu en son Fils vient au-devant de nos
besoins avant même que nous ne les lui fassions connaître. Ce que nous n’osons
même pas demander ou imaginer, il peut librement et par amour nous l’accorder.
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