La profession de foi de Pierre est au centre de
l’évangile selon saint Marc. C’est donc une étape décisive dans le ministère
public du Seigneur Jésus. Cet événement est bien plus qu’une simple profession
de foi. Il pose en effet la question de l’identité de Jésus. Et c’est le
Seigneur lui-même qui provoque cette question en commençant par un sondage
d’opinion auprès de ses disciples : « Pour les gens, qui
suis-je ? » Nous comprenons immédiatement que la question importante
n’est pas la première. Cette question de type sondage est tellement générale
qu’elle n’engage pas. Or la profession de foi chrétienne est toujours un
engagement personnel parce qu’elle suppose la suite du Christ. Le disciple ce
n’est pas seulement celui qui affirme des choses vraies sur son maître mais
c’est celui qui le suit, celui qui s’efforce de l’imiter. D’où la seconde
question, beaucoup plus personnelle : « Et vous, que
dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » La réponse de Pierre,
« tu es le Messie », est juste. Mais la suite du récit nous montre
qu’il a encore besoin de se convertir car ses pensées ne sont pas celles de
Dieu mais celles des hommes. En tant que croyants nous pouvons en effet
affirmer des choses vraies sur Dieu, conformes au catéchisme, et ne pas être
fidèles au Christ dans notre vie. Etre chrétien c’est en effet marcher derrière
le Christ dans son mystère de mort et de résurrection. Ou pour le dire
autrement notre engagement personnel est tout aussi important que notre
profession de foi.
Il est remarquable que dans l’évangile de Marc le
Seigneur ne commente pas la bonne réponse du premier de ses apôtres si ce n’est
pour interdire à ses disciples de propager cette réponse ! « Il leur
défendit alors vivement de parler de lui à personne ». Consigne
surprenante puisque la mission même des apôtres c’est d’annoncer le Nom de
Jésus Sauveur. Ce secret messianique, comme le nomment les spécialistes de
saint Marc, est valable pour un temps, celui qui précède la Passion, la mort et
la résurrection du Christ. Après Pâques et la Pentecôte les disciples pourront
proclamer que Jésus est le Messie. Si d’un côté le Seigneur interdit que l’on
parle de lui comme Messie, de l’autre il leur annonce « ouvertement »
les souffrances et la mort qu’il devra bientôt endurer. Jésus, nous le savons,
vient accomplir tout l’Ancien Testament. Et aussi par conséquent les prophéties
d’Isaïe sur le serviteur souffrant du Seigneur. Notre première lecture nous en
a donné un extrait. Jésus connaît bien ses apôtres et il connaît ce qu’il y a
dans le cœur de l’homme en général. Il sait qu’ils n’ont retenu de la figure du
Messie que l’aspect triomphant et glorieux. Il sait que le cœur de l’homme
répugne naturellement à la souffrance et à l’humiliation. C’est la raison pour
laquelle il met d’abord en avant l’aspect tragique de sa mission. Pour qu’il
n’y ait pas d’équivoque sur son identité de Messie. Il sera d’abord un Messie
souffrant et humilié pour ensuite entrer dans sa gloire de Fils de Dieu et de
Sauveur. C’est pour cela que la belle profession de foi de Pierre n’est pas
suffisante si elle n’est pas suivie de son engagement à la suite de son Maître.
Ce n’est pas avec notre raison que nous sommes capables d’accepter ce mystère
de souffrance et de mort. Mais c’est en « perdant » notre vie pour le
Christ et pour l’Evangile. Seule la logique du don de nous-mêmes peut nous
faire découvrir la fécondité cachée de ce qui semble intolérable : un
Messie crucifié. Jésus ne nous demande pas d’aimer la souffrance ou de la
rechercher. Par son exemple il nous enseigne que le chemin qui conduit à la vie
en plénitude comporte inévitablement cette dimension de l’échec, de la finitude
et finalement de la mort. La vraie liberté nous permet d’assumer tout cela en
communion avec le Christ. Seule la grâce du Christ peut nous apprendre à nous
détacher de notre vie pour en faire un don jour après jour. Notre amour
passionné de la vie est bon dans la mesure où il comprend que nos petites morts
quotidiennes peuvent devenir semences de vie.
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