Tout au long de l’été, de dimanche en dimanche,
nous avons médité sur l’eucharistie en lisant le chapitre 6 de saint Jean.
Depuis dimanche dernier la liturgie nous fait entendre à nouveau l’évangile
selon saint Marc. Aujourd’hui Jésus guérit un sourd-muet. Cette guérison a été
interprétée tout au long de l’histoire de l’Eglise de manière spirituelle.
Jésus est celui qui nous permet d’écouter la Parole de Dieu et d’annoncer la
bonne nouvelle. Jésus, en nous faisant le don de sa vie et le don de la foi,
nous permet de prier Dieu notre Père et de chanter ses louanges. Ce n’est pas
sur cet aspect du récit que j’insisterai en ce dimanche. Marc note que cette
guérison a été accomplie « en plein territoire de la Décapole », donc
en dehors d’Israël. En plus notre récit est précédé par celui de la guérison
d’une petite fille étrangère. Le
sourd-muet de notre Evangile est très probablement un païen lui aussi, un
étranger, et pourtant Jésus le guérit. Cela nous semble tout à fait naturel
après 2000 ans de christianisme. Cette attitude du Seigneur est pourtant
annonciatrice d’une nouvelle manière de vivre et de comprendre le judaïsme,
manière qui deviendra le christianisme en grande partie grâce à l’apôtre Paul.
La notion de peuple élu est ambigüe dans la mesure où elle pouvait être mal comprise.
Dans le projet de Dieu se choisir un peuple ne voulait pas dire exclure les
autres. Certains passages de l’Ancien Testament montrent en effet la dimension
universelle de la mission confiée à ce petit peuple, choisi par Dieu non pas
parce qu’il était meilleur que les autres, mais par pure grâce. A certains
moments de son histoire Israël n’a pas vécu sa mission selon le plan de Dieu.
Le peuple élu a ainsi été tenté par l’orgueil religieux et nationaliste et a
fini par bien souvent mépriser les autres, c’est-à-dire les païens. En
guérissant le sourd-muet Jésus renverse donc une barrière, un mur entre les
Juifs et les païens. Cela m’amène à faire un lien avec la deuxième lecture. Saint
Jacques est le témoin d’autres barrières, cette fois au sein de la première
Eglise. Non plus un mur entre les races et les religions, mais un mur entre les
pauvres et les riches. Le Seigneur Jésus n’a cessé d’enseigner à ses disciples
qu’ils étaient tous frères, jouissant de la même dignité d’enfants de Dieu dans
l’Eglise. Mais c’est bien une tendance humaine que de vouloir séparer, diviser,
plutôt que d’unir et de rassembler. Saint Jacques critique vivement ceux qui
oublient la fraternité dans la communauté et qui, en raison de considérations
de personnes, créent différentes classes de chrétien, ici en fonction de la
richesse. Il n’est pas si éloigné que cela le temps où dans l’Eglise de France
il y avait des enterrements de première classe et de deuxième classe comme dans
le TGV il y a la première classe et la seconde… Les catholiques qui avaient les
moyens pouvaient ainsi payer pour leurs défunts un enterrement de première
classe ! Le concile Vatican II avait bien conscience de ce problème
puisqu’il l’aborde dans la constitution sur la liturgie en ramenant la pratique
de l’Eglise à l’idéal évangélique :
« Dans la liturgie, en
dehors de la distinction qui découle de la fonction liturgique de l’ordre
sacré, et en dehors des honneurs dus aux autorités civiles conformément aux
lois liturgiques, on ne fera aucunement acception des personnes privées ou du
rang social, soit dans les cérémonies soit dans les pompes extérieures. »
Si saint Jacques veut rectifier de mauvaises
attitudes dans la communauté, c’est saint Paul, l’apôtre des païens, qui a le
mieux exprimé dans ses lettres le fondement théologique d’une Eglise comprise
comme une société sans classes. Je me limiterai à citer ici deux passages qui
sont très proches, le premier dans la lettre aux Galates, le second dans celle
aux Colossiens :
« Vous
tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n'y a plus ni juif ni païen, il n'y a plus ni esclave ni
homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme, car tous, vous ne faites plus
qu'un dans le Christ Jésus. »
« Revêtez
l'homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours neuf à son image pour le
conduire à la vraie connaissance. Alors, il
n'y a plus de Grec et de Juif, d'Israélite et de païen, il n'y a pas de
barbare, de sauvage, d'esclave, d'homme libre, il n'y a que le Christ : en
tous, il est tout. » C’est bien le Christ, et lui seul, qui est le principe de
notre unité et donc de notre fraternité.
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