18ème dimanche du TO/C
1er août 2010
Luc 12, 13-21 (p.269)
Au cœur de notre été la liturgie de la Parole nous entretient du sens de notre vie. Question usée, pourrait-on penser, par les philosophies comme par les mythes et les religions… Mais question essentielle parce qu’éternelle, jamais démodée finalement.
La petite parabole de l’Evangile, celle de l’homme riche, est à lire en lien avec la première lecture, un court extrait du livre de Qohélet ou Ecclésiaste. Dans le contexte de la révélation biblique ce livre de sagesse, dans l’Ancien Testament, se démarque par son originalité et son étonnante modernité. Il prend ses distances avec l’optimisme des théologiens traditionnels. Notre première lecture nous en donne le début, assez célèbre, et en sautant de très nombreux versets, presque deux chapitres, nous fait entendre quelques versets de la fin du chapitre deux. Tout cela pour dire qu’il faudrait lire ces chapitres, et même ce livre bref et dense, dans leur intégralité. Je vous invite donc à faire cette lecture du livre de Qohélet dans votre Bible. Pour résumer le contenu des deux premiers chapitres, imaginons-nous un homme présenté comme un roi. Il a tout ce qu’il faut pour être heureux matériellement, il est comblé, il a parfaitement réussi sa vie du point de vue humain. Et même c’est un sage, un intellectuel. Malgré sa sagesse ou peut-être grâce à sa sagesse, il n’est pas satisfait. Il se met à réfléchir sur sa vie et en fait le bilan : « On ne tient rien, on court après le vent ; il n’y a rien à gagner sous le soleil ! […] Et j’ai trouvé la vie détestable : pour moi, tout ce qui se fait sous le soleil est une mauvaise affaire, tout nous échappe, on court après le vent ». Voilà le sens du dicton « Vanité des vanités, tout est vanité ! » que la Bible des Peuples traduit : « Rien qui tienne, on n’a de prise sur rien ! » Qohélet peut être perçu comme un pessimiste. Mais lui se définit comme un réaliste. La vanité de notre vie humaine, c’est-à-dire son vide, son néant, son inconsistance, ne provient pas seulement du fait qu’elle est limitée dans le temps par la mort, comme nous le rappelle le psaume 89. Elle provient aussi de ce qui semble être une injustice permanente : non seulement la mort réduit à néant toute une vie de labeur et d’activité, mais un homme juste et travailleur peut laisser son héritage à un fils fainéant et injuste… La question posée par Qohélet et par Jésus dans l’Evangile est donc la suivante : qu’est-ce qui offre à notre vie un fondement solide ? Ou bien que signifie réussir sa vie ? Au sein même de cette inconsistance comment vivre sans se décourager et finalement désespérer ? Jésus traite de « fou » l’homme riche de la parabole, celui qui à l’opposé de Qohélet, est parfaitement satisfait de sa réussite sociale et matérielle sans se poser aucune question. Sa folie tient d’abord à ce qu’il oublie le terme inévitable de sa vie terrestre. Le psaume demande au Seigneur : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours : que nos cœurs pénètrent la sagesse ». Le sage c’est celui qui sait qu’il retournera à la poussière, et que comme une simple herbe des champs, il peut en un seul jour se faner, se dessécher. La pensée de la mort n’est pas forcément source de désespoir, comme dans le livre de Qohélet. Elle permet à celui qui est sage de la sagesse du Christ de donner au contraire à sa vie tout son poids et toute sa valeur. C’est bien parce que notre vie est limitée temporellement que nos activités revêtent dans leur « vanité » apparente un poids d’éternité. La folie de cette homme consiste surtout en sa cupidité : « Gardez-vous bien de toute âpreté au gain ». Saint Paul résumera l’enseignement de Jésus sur le danger des richesses en une formule saisissante : « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux ». Les désordres et les déséquilibres de notre monde viennent très souvent de la course au profit alliée à l’orgueil et au désir de dominer. Désordres économiques c’est évident, mais aussi politiques, sociaux. Dans de nombreux conflits armés l’aspect financier est non négligeable. Le Seigneur nous met donc en garde pour nous éviter l’idolâtrie de l’argent et dans le même mouvement pour que nous soyons riches « en vue de Dieu ». L’homme nouveau, celui qui est uni au Christ par le baptême et par la foi, échappe à la vanité de la vie dans la mesure où il s’enrichit en vue de Dieu. Au sein de la fragilité et de l’inconsistance de tout ce qui est humain, nous pouvons fonder notre vie et ses activités sur la parole du Christ, roc inébranlable. C’est cette parole qui nous enseigne comment nous enrichir en vue de Dieu. Jésus ne nous demande pas d’être de tristes jansénistes refusant les plaisirs et les joies de l’existence humaine. Les accepter c’est aussi accepter humblement sa condition de créature charnelle, comme nous l’enseigne l’Ecclésiaste. Le chrétien sait être reconnaissant pour les bienfaits de la Création. Il sait surtout que c’est par l’amour, donc par le refus de l’égoïsme, qu’il fait entrer déjà un peu d’éternité dans la « vanité » de cette vie. Pour reprendre une expression de saint Paul, « seule vaut la foi qui agit grâce à l’amour ». Demandons au Seigneur Jésus sa force et sa lumière pour prendre ce chemin de vie qui seul peut nous conduire à la vie éternelle !
1 commentaire:
Tout d'abord, je suis heureux de constater que ce blog reprend vie...
Ensuite, en tant que lecteur de l'ouvrage sur le Metal, je m'aperçoit que Quohélet a en commun avec les Métaleux, le fait d'être "réaliste".
Et d'accord avec toi, l'amour de l'argent n'est pas le véritable amour ; le bien matériel est nécessaire (imposé?) de nos jours, mais ne devrait-il pas s'appeler le "mal" matériel?
Enregistrer un commentaire