Il y a 61 ans les pères du Concile Vatican II donnaient à l’Eglise la constitution dogmatique sur l’Eglise Lumen Gentium. Le chapitre V de ce document traite de l’appel universel à la sainteté dans l’Eglise. Au n°40 nous pouvons lire :
Maître
divin et modèle de toute perfection, le Seigneur Jésus a prêché à tous et
chacun de ses disciples, quelle que soit leur condition, cette sainteté de vie
dont il est à la fois l’initiateur et le consommateur : « Vous donc, soyez
parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48). Et en
effet à tous il a envoyé son Esprit pour les mouvoir de l’intérieur à aimer
Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme, de toute leur intelligence et de
toutes leurs forces (cf. Mc 12, 30), et aussi à s’aimer
mutuellement comme le Christ les a aimés (cf. Jn 13, 34 ; 15,
12). [Appelés par Dieu, non au titre de leurs œuvres mais au titre de son
dessein gracieux, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ
sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants
de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification
qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et
l’achever par leur vie. ]
En 2018 le pape François a voulu actualiser
l’appel du Concile à la sainteté dans son exhortation apostolique Gaudete et
exsultate. Dans le troisième chapitre il commente d’une part les Béatitudes
et de l’autre l’Evangile du jugement dernier en Matthieu 25. Ces paroles de
Jésus sont pour nous des indications claires sur le chemin nous permettant de
demeurer fidèles à la sainteté reçue au baptême et dans la grâce des
sacrements. Le pape nous invite à ne pas séparer la prière et l’action, la foi
et les œuvres. La vraie sainteté chrétienne unifie ces différents aspects de
notre vie et il n’y a pas lieu de les opposer. Chaque saint au cours de
l’histoire de l’Eglise a incarné plus particulièrement un aspect de l’infinie
sainteté de Dieu en communion avec la sainte Eglise. Certains d’entre eux l’ont
fait dans une vie davantage apostolique, d’autres dans une vie surtout
contemplative. Dans tous les cas la profonde réflexion de saint François de
Sales demeure valable pour nous faire comprendre en quoi consiste la sainteté
chrétienne : Il n'y a pas plus de différence entre l'Évangile
écrit et la vie des saints qu'entre une musique notée et une musique chantée. A deux
reprises, et cela dans deux documents différents, le pape François nous met en
garde à propos d’une vie en Eglise qui manquerait de racines spirituelles.
L’Eglise, étant donné qu’elle n’est pas uniquement divine de par son origine et
sa vie mais aussi humaine, a besoin de s’organiser afin de vivre de la grâce et
d’évangéliser dans l’attente de l’accomplissement du Royaume à la fin des
temps. Cette organisation doit rester un moyen. Le risque et la tentation étant
d’oublier notre enracinement spirituel en Dieu et l’annonce de la Parole de
Dieu à tous au profit de structures. Ecoutons le pape au n°88 de son encyclique
consacrée au Sacré-Cœur, Dilexit nos :
Je
voudrais ajouter que le Cœur du Christ nous libère en même temps d’un autre
dualisme : celui des communautés et des pasteurs qui se concentrent uniquement
sur les activités extérieures, les réformes structurelles dépourvues
d’Évangile, les organisations obsessionnelles, les projets mondains, les
réflexions sécularisées, les propositions qui se présentent comme des
prescriptions que l’on veut parfois imposer à tous. Il en résulte souvent un
christianisme qui oublie la tendresse de la foi, la joie du dévouement au
service, la ferveur de la mission de personne à personne, la fascination pour
la beauté du Christ, la gratitude passionnée pour l’amitié qu’Il offre et pour
le sens ultime qu’Il donne à la vie.
Et dans Gaudete et exsultate nous pouvons
lire au n°138 :
L’Église
n’a pas tant besoin de bureaucrates et de fonctionnaires, que de missionnaires
passionnés, dévorés par l’enthousiasme de transmettre la vraie vie. Les saints
surprennent, dérangent, parce que leurs vies nous invitent à sortir de la
médiocrité tranquille et anesthésiante.
Les réunions paroissiales et diocésaines peuvent
être utiles à condition de toujours rappeler la primauté de Dieu et du Christ,
à condition de ne pas phagocyter par leur trop grande fréquence le cœur de la
vie chrétienne : prière et service du prochain. Ces moyens ne doivent
jamais devenir des fins et transformer notre Eglise en une bureaucratie
dépourvue d’Evangile. La recherche et le désir de vivre de la sainteté du
Christ nous rappellent en permanence la ferveur de la mission de personne à
personne, l’importance du témoignage personnel de vie en actes et en paroles.
Chaque fidèle, donc chacun de nous, est appelé à contribuer par son
enracinement en Dieu à la beauté et au rayonnement de la sainteté de l’Eglise
dans le monde de notre temps. Notre Eglise si elle en venait à oublier sa
nature essentiellement mystique et spirituelle ne serait plus apte à témoigner
du Christ. Elle deviendrait une organisation humaine comme une autre avec ses
règlements, son organisation structurelle et ses réformes, en se centrant
finalement sur elle-même, déconnectée de Dieu et de la vie du monde. Cette
Eglise deviendrait ennuyeuse et ennuyante, ayant perdu la joie de l’Evangile.
Or dans l’Eglise issue de la Trinité, c’est toujours la relation personnelle
qui doit avoir la primauté sur l’organisation structurelle. Pas de sainteté
authentique sans une vraie relation à Dieu dans la prière et les sacrements et
sans une relation de charité avec notre prochain, dans et en-dehors de la
communauté, jusqu’aux périphéries dont le pape François nous rappelait souvent
l’importance pour nous catholiques, appelés à être ouverts à l’universalité du
salut de Dieu.
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