dimanche 28 juillet 2024

17ème dimanche du temps ordinaire / année B

 


17ème dimanche du TO/B

28/07/2024

Jean 6, 1-15

Dimanche dernier l’Evangile nous a montré la compassion du Christ à l’égard des foules : En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Dans l’Evangile de ce dimanche c’est cette même compassion qui pousse Jésus à nourrir les foules par le signe de la multiplication des pains. Pour 5 dimanches la liturgie de la Parole nous fait quitter la lecture suivie de l’Evangile selon saint Marc pour nous faire méditer le sixième chapitre de l’Evangile selon saint Jean, à partir d’aujourd’hui et ce jusqu’au 25 août. Ce chapitre 6 qui commence avec la multiplication des pains contient l’enseignement du Seigneur sur le pain de vie, donc sur le sacrement de l’eucharistie.

Au début de ce chapitre Jean nous explique pourquoi de grandes foules suivent Jésus : Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. C’est donc le Jésus guérisseur qui attire les foules. Elles ne viennent pas d’abord pour écouter son enseignement sur le Royaume de Dieu. La motivation de la foule est donc très concrète et peu spirituelle. Il faut se remettre dans le contexte de l’antiquité pour comprendre l’importance des guérisons miraculeuses que ce soit dans le monde juif comme dans le monde païen. La médecine antique était la plupart du temps incapable de soigner les malades. Ceux-ci mettaient donc leur espérance dans les sanctuaires du dieu de la médecine consacrés aux demandes de guérison et qui avaient la fonction de nos hôpitaux. Les dévots qui avaient obtenu une guérison achetaient des ex-voto qu’ils laissaient en témoignage dans le sanctuaire du dieu ou pour demander une guérison. Il faut imaginer le monde antique recouvert de sanctuaires dédiés à Esculape, l’équivalent du sanctuaire de Lourdes pour nous chrétiens. Et chez les païens certains avaient aussi le don de guérir les malades comme en témoigne la vie d’Apollonios. De ce point de vue le monde juif n’était pas différent du monde païen : la bonne santé était un bien précieux pour tous, d’autant plus que l’espérance de vie était très limitée.

Une fois la foule rassasiée, l’évangéliste Jean relève sa réaction au signe accompli par le Christ : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Bizarrement la foule ne reconnaît pas en Jésus le Messie mais le Prophète annoncé, le terme est assez imprécis. Mais pas pour Jésus qui comprend immédiatement ce que cette reconnaissance de la part de la foule signifie : Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul. Contrairement à un gourou qui aurait profité au maximum de son succès auprès des foules, Jésus se retire. Il y a en effet un abime entre sa manière de concevoir sa mission et la perception qu’en a la foule. Pour ne pas entretenir ce malentendu il préfère fuir et se retirer dans la solitude. Lui vient pour prêcher le Royaume de Dieu. Il veut faire naître et développer chez ses auditeurs la vie spirituelle, la vie dans l’Esprit Saint. Il leur enseigne que Dieu est Esprit et que son Royaume n’est pas dans le Ciel mais en eux. Il leur enseigne une religion de l’intériorité et du cœur qui a son fondement dans la foi, c’est-à-dire dans une relation de confiance absolue avec celui qu’il appelle Abba, son Père chéri. Eux ont une vision extérieure de la religion, pire une vision politique : Dieu mis au service du nationalisme et du patriotisme du peuple d’Israël ; Dieu qui ne libère pas d’abord l’homme intérieur de ses esclavages mais qui va frapper les Romains et les expulser de la terre d’Israël. Bref un Dieu qui ressemble davantage à une idole qu’au Dieu Saint tel qu’il se révèle peu à peu avant la venue de Jésus, en particulier par l’enseignement et le témoignage des prophètes. Même les apôtres, les intimes de Jésus, auront besoin de beaucoup de temps pour se débarrasser de cette conception politique de la religion qui met l’Esprit au service de vues purement terrestres. En témoigne la première page du livre des Actes des apôtres, au moment de l’Ascension du Seigneur : Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Cette tentation d’une religion sans spiritualité, d’une religion mise au service de l’homme et de ses ambitions terrestres, a toujours été présente dans l’histoire de notre Eglise et dans le cœur des chrétiens. C’est cette manipulation de la religion qui a éloigné bien des personnes du message évangélique en produisant bon nombre d’athées. A nous de témoigner par notre vie tout entière que nous recherchons le Royaume de Dieu et sa justice et que nous n’avons pas d’autre ambition qu’incarner dans le monde d’aujourd’hui l’esprit des Béatitudes.

 


dimanche 21 juillet 2024

16ème dimanche du temps ordinaire / année B

 

21/07/2024

Marc 6, 30-34

Jésus fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger.

L’image du berger et des brebis est très utilisée dans la tradition biblique pour nous parler des relations entre Dieu et ses créatures humaines, entre Dieu et l’humanité ou son peuple (l’image du troupeau). Jésus assume pleinement cette image en se présentant dans les Evangiles comme le bon berger ou le bon pasteur. Dans l’Evangile de ce dimanche le cœur de Jésus est rempli de compassion pour ses contemporains qui sont comme des brebis sans berger. Comme toujours l’image n’est qu’une image. Le berger terrestre, lui, ne se soucie de ses brebis que dans son propre intérêt, elles sont son gagne-pain et elles finiront à l’abattoir ! Ce n’est pas le cas évidemment du berger divin qui donne sa vie pour ses brebis. Il ne les exploite pas, il les aime et parce qu’il les aime il veut les sauver des dangers qui les menacent. Les hommes ont besoin de bergers mais pas de n’importe quels bergers ni dans n’importe quelles conditions ! Nous avons besoin de guides et d’exemples qui puissent nous inspirer et nous fortifier sur le chemin de notre vie. Jésus est l’unique berger parce qu’il est à la fois vrai Dieu et vrai homme, chemin qui nous conduit et nous unit à Dieu notre béatitude. Avec le berger divin nous n’avons rien à craindre car nous sommes confiés à l’amour même de Dieu. Les bergers ou les pasteurs dans l’Eglise, tous ceux qui à un titre ou un autre, sont des guides spirituels ne le sont que dans la mesure de leur fidélité au Christ, de leur union avec lui. Ces dernières années notre Eglise a été ébranlée par le scandale des abus sexuels commis par des pasteurs. Il faut bien comprendre que dans la plupart des cas ces abus sexuels n’ont été possible qu’en raison des abus d’autorité de la part de ces mêmes pasteurs. Pour le dire autrement c’est le viol des consciences qui a rendu possible le viol des corps au nom d’une conception dévoyée de l’obéissance. Si nous avons besoin de guides spirituels pour progresser sur le chemin de la foi, nous ne devons jamais renoncer à notre conscience et à notre liberté, fondements de notre dignité humaine. Le vrai pasteur, le guide spirituel authentique, n’asservit pas les personnes en les dominant ou en les subjuguant et cela pour sa propre gloire humaine ou ses propres fins. C’est tout le contraire qui est vrai. Le critère qui nous permet de reconnaître le pasteur et le guide qui agissent selon l’esprit du Christ, c’est qu’en l’écoutant et en le suivant nous grandissons en liberté, nous connaissons la libération apportée par le Christ, nous faisons l’expérience de sa compassion. Le gourou asservit les autres pour lui-même alors que le pasteur leur ouvre un chemin de libération en vue de leur communion avec Dieu. Dieu nous a voulus libres comme en témoigne ce verset du Siracide : C’est lui qui, au commencement, a créé l’homme et l’a laissé à son libre arbitre (15, 14). Si Jésus perçoit bien le besoin que nous avons d’avoir des pasteurs, des guides et des frères qui nous encouragent dans notre vie avec Dieu, il nous invite aussi à utiliser le don de notre liberté humaine. Nous devons être des adultes dans la foi et être capables de prendre par nous-mêmes des décisions pour notre vie comme en témoigne ce passage de l’Evangile selon saint Luc : Hypocrites ! Vous savez interpréter l’aspect de la terre et du ciel ; mais ce moment-ci, pourquoi ne savez-vous pas l’interpréter ? Et pourquoi aussi ne jugez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? Bref nous pouvons consulter nos pasteurs lorsque nous hésitons ou lorsque nous sommes dans le doute, mais n’oublions pas que la décision ultime nous appartient et qu’il s’agit bien de suivre notre conscience éclairée par la prière et par le Saint Esprit. Jésus nous le dit : nous sommes capables de juger par nous-mêmes de ce qui est juste. L’évêque, le prêtre, le supérieur de communauté, l’accompagnateur spirituel ne nous dispensent jamais de l’usage de notre liberté. Ils doivent au contraire nous encourager à faire les bons choix librement.

Pour conclure je citerai le concile Vatican II : La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure (Gaudium et Spes 17).