Pâques
2024
Le sabbat terminé, Marie
Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller
embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine,
elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. Elles se disaient entre
elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? »
Levant les yeux, elles s’aperçoivent qu’on a roulé la pierre, qui était
pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite,
un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de frayeur. Mais il
leur dit : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez
Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici.
Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples
et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a
dit.” » Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes
tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car
elles avaient peur. (Marc 16, 1-8)
La
solennité de Pâques, célébration de la résurrection du Seigneur, inaugure le
temps pascal. Elle ne doit donc pas être séparée des autres mystères que sont
l’Ascension du Seigneur et la Pentecôte. Ce n’est que dans la lumière de
l’Esprit de Pentecôte que la première génération de chrétiens a pu confesser le
Christ ressuscité. Le temps pascal représente en quelque sorte le temps qui a
été nécessaire entre Pâques et la Pentecôte pour que les disciples passent de
la peur et du doute à la foi. En cette année B au cours de laquelle la liturgie
nous fait lire et écouter l’Evangile selon saint Marc, nous venons d’entendre (nous
avons entendu lors de la vigile pascale) les premiers versets du chapitre
16, versets très étonnants si nous les méditons avec attention. Ces versets de
Pâques témoignent en effet de la grande difficulté avec laquelle les premiers
disciples ont accepté la réalité bouleversante de la résurrection du crucifié.
C’est la conclusion que Jean donne à l’Evangile du jour de Pâques : Jusque-là,
en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait
que Jésus ressuscite d’entre les morts. Les premiers disciples n’étaient
donc pas des illuminés qui s’échauffaient l’esprit avec l’idée de la
résurrection mais au contraire des femmes et des hommes abasourdis par le choc
et la déception que fut pour eux la mort de leur Maître et Seigneur en croix.
D’ailleurs la plupart des hommes avaient abandonné Jésus, seules quelques
femmes lui étaient restés héroïquement fidèles jusqu’au bout. Ce sont ces mêmes
femmes, avec Marie Madeleine comme témoin privilégié, que nous retrouvons au
matin de Pâques. Selon Marc et Luc elles viennent au tombeau pour embaumer le
corps de Jésus. Autant dire que le matin de Pâques fut pour ces femmes
l’occasion d’un pèlerinage funéraire et non pas l’expression de leur désir
joyeux de rencontrer Jésus vivant. L’Evangile de Marc nous montre au contraire
que la découverte du tombeau ouvert et vide les laisse dans la peur, toutes
tremblantes et hors d’elles-mêmes. Ces femmes aimaient Jésus d’un amour fidèle
et fort sans que cet amour ne leur permette à l’aube de Pâques de faire
l’expérience de la joie de la résurrection. Il leur faudra du temps, beaucoup
de temps, et surtout le don de l’Esprit Saint, pour qu’elles puissent aimer
Jésus non pas comme un défunt regretté mais comme le Vivant, celui qui a vaincu
la mort à jamais par la puissance du salut divin. Le message pascal adressé aux
femmes dans l’Evangile selon saint Marc est d’une grande et belle
simplicité : Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est
ressuscité : il n’est pas ici. Ce n’est pas parmi les tombes que l’on peut
rencontrer Jésus, il n’est pas dans les cimetières, il est ailleurs. Et voilà
que ces femmes remplies de peur sont chargées du message pascal à l’intention
des hommes, en particulier de Pierre, donc de ceux qui ont renié ou abandonné
le Christ dans le temps de sa Passion : Il vous précède en Galilée. Là
vous le verrez, comme il vous l’a dit. Message à nouveau extrêmement simple
et sobre. Le Ressuscité a toujours de l’avance sur ses disciples paralysés par
la peur et le doute : il les précède dans le lieu de leur premier appel,
dans le lieu de leur compagnonnage avec le Christ d’avant Pâques. La
résurrection n’efface pas l’incarnation : Marc dans son Evangile pascal
parle bien de Jésus de Nazareth et de la Galilée. L’expérience fondatrice des
femmes et des apôtres nous permet de comprendre que nous avons nous aussi
besoin de temps pour entrer pleinement dans le mystère de la résurrection. Nous
le faisons sous la conduite de l’Esprit de Jésus et par la grâce des sacrements
de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation et eucharistie. La joie
et la paix, fruits de la résurrection du Seigneur, fruits qui nous libèrent de
la peur et nous font entrer dans la confiance, nous les recevons dans la mesure
où nous ne cherchons pas le Christ là où il n’est pas mais bien là où il nous
précède et nous attend. La Galilée des premiers disciples représente pour
chacun d’entre nous son chemin de foi avec le Christ. La nouveauté
extraordinaire et bouleversante de la résurrection et de la vie nouvelle
qu’elle nous offre ne fait pas table rase de notre histoire personnelle et
unique, bien au contraire. En cette fête de Pâques faisons mémoire avec
gratitude du don de la foi, du premier appel que nous avons entendu au plus
intime de nous-mêmes pour pouvoir avancer dans la communion avec le Vivant. La
résurrection nous permet en effet de vivre cette communion avec le Christ dans
les sacrements, la prière, mais aussi dans notre désir de vivre du commandement
de l’amour qu’il nous a laissé comme promesse de bonheur dès ici-bas et gage de
la vie éternelle. Gardons dans notre cœur tout au long de ce temps pascal
l’enseignement si lumineux de saint Jean :
Nous,
nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons
nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort.
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