13/05/18
Jean 17,
11-19
Avant
d’entrer dans sa Passion, Jésus prie le Père pour ses disciples, donc pour
chacun d’entre nous. Depuis le jour de l’Ascension, cette prière du Seigneur
pour son Eglise et pour ses disciples se poursuit et s’amplifie dans l’éternité
de Dieu. Le passage de ce dimanche nous parle particulièrement du rapport entre
les chrétiens et le monde. Chez saint Jean la signification du mot monde n’est pas univoque. Il peut y
avoir derrière ce mot une connotation négative comme positive, sans oublier un
sens neutre. D’où la difficulté de bien comprendre ces passages nous parlant du
monde.
Ils ne sont pas du monde, de même que moi je
ne suis pas du monde. Dans sa prière au Père, Jésus insiste sur ce
point. Ici le monde a le sens neutre de réalité créée, l’univers, mais aussi la
connotation négative d’une réalité qui s’oppose à Dieu. Que Jésus ne soit pas
du monde, c’est compréhensible, vu son origine divine. Il vient de Dieu et il
retourne à Dieu. Les chrétiens, en tant que fils adoptifs de Dieu, ne sont pas
du monde, eux aussi, même si, en tant que créatures, ils appartiennent bien sûr
à ce monde créé. Pour mieux le comprendre, écoutons une partie du prologue de
saint Jean : Mais à tous ceux qui
l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en
son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une
volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. De par notre baptême et notre foi,
nous ne sommes pas du monde, nous ne lui appartenons pas, nous ne sommes pas,
pourrait-on dire, comme tout le monde,
même si, extérieurement rien ne nous distingue des autres hommes qui ne sont
pas chrétiens. Notre baptême et notre confirmation nous ont consacré par la
vérité qui est celle de la Parole de Dieu.
Je ne demande pas que tu les retires du
monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ici le monde est aussi le
lieu de la tentation. Les chrétiens ont comme mission d’être lumière du monde
et sel de la terre, donc il n’est pas question pour eux de fuir ce monde, de
vouloir s’échapper de leur condition humaine. Mais ils doivent y vivre en étant
conscients de tout ce qui, dans ce monde, s’oppose à l’Evangile du Christ. Une
citation de la première lettre de saint Jean nous le fait clairement percevoir,
citation dans laquelle le monde a une connotation négative : N’aimez pas le monde, ni ce qui est dans le
monde. Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui. Tout ce
qu’il y a dans le monde – la convoitise de la chair, la convoitise des yeux,
l’arrogance de la richesse –, tout cela ne vient pas du Père, mais du monde.
Or, le monde passe, et sa convoitise avec lui. Mais celui qui fait la volonté
de Dieu demeure pour toujours.
De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi
aussi, je les ai envoyés dans le monde. Si le chrétien doit être prudent
(comme un serpent) en vivant en ce monde, il est en même temps missionnaire
dans ce monde, envoyé à tous les hommes pour être porteur de la vérité, de la
joie et de la paix qui viennent du Christ ressuscité. Le chrétien est à l’image
du Christ dans son origine comme dans sa mission : né de Dieu pour être
envoyé dans ce monde. Ici le monde a le sens neutre d’univers créé par Dieu.
Même si le monde dans sa connotation négative refuse Dieu et Jésus, le monde
est aimé par Dieu. Le Père ne se résigne jamais en présence de notre refus et
de nos péchés, c’est tout le contraire qui est vrai. Comme le dit saint
Paul : là où le péché s’est
multiplié, la grâce a surabondé. Et la raison de tout cela, c’est que Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne
la vie éternelle.
Nous
constatons que les écrits de saint Jean semblent contradictoires. D’un côté N’aimez pas le monde, et de l’autre Dieu a tellement aimé le monde. La
contradiction disparaît quand nous comprenons que le même mot peut avoir des
sens différents chez saint Jean. Le concile Vatican II a beaucoup insisté pour
que les chrétiens trouvent leur juste place dans un monde, du moins en Europe,
de plus en plus incroyant. Toute la constitution Gaudium et Spes (L’Eglise dans le monde de ce temps) est un
magnifique commentaire de la page d’Evangile que nous venons de méditer. En
tant que chrétiens nous devons éviter deux tentations tout aussi dangereuses
l’une que l’autre : vivre notre foi à la manière d’une secte, nous
réfugiant dans une espèce de ghetto catholique, condamnant ce monde comme
mauvais ou bien vivre en ce monde en y perdant notre spécificité chrétienne…
comme le sel qui perd son goût, incapable de saler. Nous sommes donc du monde
sans être de ce monde, et, pour reprendre une belle citation de Gaudium et Spes, il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans notre cœur.
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