Luc 4,
1-13
14/02/16
Le mot danois pour désigner le
temps du carême est fastetiden. Si le
français carême provient des 40 jours
que Jésus passa dans le désert, le danois fastetiden
met l’accent sur le jeûne de Jésus dans le désert. Le carême, c’est en effet le
temps du jeûne. Sous l’inspiration de l’Esprit Saint, immédiatement après son
baptême, Jésus choisit de se retirer dans la solitude pour y jeûner. La
première tentation du démon s’appuie sur la faim de Jésus. C’est sur cette
tentation que je voudrais attirer votre attention au commencement de ce carême.
Si tu es le Fils de Dieu… Le diable
ne s’appuie pas seulement sur la faim du Seigneur. Il fait appel en lui à un
sentiment entièrement spirituel : le besoin que nous avons de prouver aux
autres notre valeur. Il ne nous suffit pas d’être ce que nous sommes, nous
avons besoin de la reconnaissance et de la louange des autres. Jésus affamé
dans le désert est vraiment le Fils de Dieu. Il le sait d’autant mieux que la
voix du Père au moment du baptême le lui a solennellement rappelé : C’est toi, mon Fils, le bien aimé, tu as
toute ma faveur. Alors pourquoi aurait-il donc besoin de le prouver au
démon qui le tente ? Cette tentation ne se comprend bien que si nous la
mettons en relation avec le récit de la chute originelle au chapitre 3 du livre
de la Genèse. L’histoire du serpent, du fruit défendu, d’Adam et Eve représente
en effet la tentation fondamentale et originelle. Que dit donc le serpent à Eve
pour l’inviter à désobéir à Dieu ? Vous
serez comme des dieux… Cette tentation du commencement est bien celle de
l’orgueil. Adam et Eve sont des créatures humaines, le démon leur propose de
s’élever par eux-mêmes au niveau de Dieu. Jésus, lui, est vrai Dieu et vrai
homme, le démon exige de lui une preuve. Il profite de l’état physique de
faiblesse provoqué par le jeûne pour susciter dans le cœur du Messie la
faiblesse spirituelle, celle de l’orgueil. Ordonne
à cette pierre de devenir du pain. Fais donc un tour de magie
extraordinaire pour me prouver que tu es vraiment le Fils de Dieu, montre-moi
donc ton pouvoir divin ! Si la faim pouvait bien affaiblir Jésus, dans son
cœur nulle place pour l’orgueil. C’est en citant le livre du Deutéronome, donc
la parole de Dieu, que Jésus est vainqueur du démon et qu’il déjoue sa
ruse : Ce n’est pas seulement de
pain que l’homme doit vivre. Jésus n’est pas dans une spiritualité
désincarnée. L’adverbe seulement a
son importance. Il reconnaît que le pain est nécessaire à la vie humaine et
c’est pour cela qu’il nous fait demander au Père dans la prière notre pain
quotidien. Nous trouvons dans la réponse de Jésus au démon l’une des
significations spirituelles de notre jeûne, particulièrement chaque vendredi de
carême. Nous ne jeûnons pas pour le plaisir d’avoir faim, mais bien pour
prendre une conscience renouvelée que nous avons besoin d’un autre pain pour
vivre pleinement de manière humaine, pour être les fils de Dieu que nous avons
commencé de devenir par le don du baptême. Et c’est là que la suite du texte du
Deutéronome nous éclaire : l’homme
vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. Le voilà donc l’autre
pain dont nous avons tant besoin ! C’est celui de notre nourriture
spirituelle car nous ne sommes pas seulement corps mais aussi âme. Se priver du
pain du corps, réduire cette nourriture, pour mieux nous disposer à recevoir le
pain de l’âme, c’est bien le sens spirituel du carême et du jeûne. Un appel
pressant à la prière et à la méditation, à la lecture amoureuse de la Parole de
Dieu qui peut bien transformer nos cœurs de pierre en cœur de chair. Si nous
sommes vraiment fils de Dieu, nous n’avons pas à transformer une pierre en
pain, mais, humblement, nous pouvons permettre à la grâce de Dieu de
transformer la pierre de notre cœur, le cœur endurci, dans un cœur qui soit du
pain, ce cœur de chair que le Père veut nous donner. C’est ainsi que nous
serons pour nos frères, dans l’amour, le bon pain de Dieu.
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