La doctrine sociale de l’Eglise
est au service de la justice et de la paix. En cette année 2015, le pape
François a eu l’occasion de rappeler et d’approfondir à de nombreuses occasions
les principes de cet enseignement en les appliquant aux situations concrètes
qui sont les nôtres aujourd’hui. Pour notre temps de méditation et de prière de
ce 11 novembre, je me référerai principalement au long discours que le pape
François a adressé aux participants de la rencontre mondiale des mouvements
populaires à Santa Cruz, le 9 juillet, en présence d’Evo Morales, président de
la Bolivie. Le pape a souligné avec force la nécessité d’un changement de
structures et a donné trois orientations : 1°/ Mettre l’économie au
service des peuples ; 2°/ Unir nos peuples sur le chemin de la paix et de
la justice ; 3°/ Défendre la Mère Terre (l’écologie). La paix, la justice
et la démocratie vont ensemble. Or, affirme le pape, le système économique
actuel peut être décrit comme une
dictature subtile :
Derrière
tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que saint
Basile de Césarée appelait « le fumier du diable » ; l’ambition sans retenue de
l’argent qui commande. Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan.
Quand le capital est érigé en idole et commande toutes les options des êtres
humains, quand l’avidité pour l’argent oriente tout le système
socio-économique, cela ruine la société, condamne l’homme, le transforme en
esclave, détruit la fraternité entre les hommes, oppose les peuples les uns aux
autres, et comme nous le voyons, met même en danger notre maison commune.
A propos du scandale du commerce
des armes, le pape s’est exprimé clairement à de nombreuses reprises. Écoutons ce qu’il a dit dans son discours au Congrès des Etats-Unis d’Amérique le 24
septembre :
Etre
au service du dialogue et de la paix signifie aussi être vraiment déterminé à
réduire et, sur le long terme, à mettre fin aux nombreux conflits armés dans le
monde. Ici, nous devons nous demander : pourquoi des armes meurtrières
sont-elles vendues à ceux qui planifient d’infliger des souffrances
inqualifiables à des individus et à des sociétés ? Malheureusement, la réponse,
comme nous le savons, est simple : pour de l’argent ; l’argent qui est trempé
dans du sang, souvent du sang innocent. Face à ce honteux et coupable silence,
il est de notre devoir d’affronter le problème et de mettre fin au commerce des
armes.
La diplomatie de la France a été
traditionnellement au service de la défense et de la promotion des droits de
l’homme, sans lesquels aucune paix véritable ne peut s’établir. Il est
regrettable de constater que l’argent l’a emporté sur les beaux idéaux. Comment
les protestations de la France contre les violations des droits de l’homme
peuvent-elles encore être entendues lorsqu’elle commerce, en particulier par la
vente d’armes, avec un pays dans lequel les mêmes droits de l’homme sont violés
de manière grave et quotidienne, l’Arabie Saoudite ? Il est triste de voir
à quel point nos dirigeants se sont transformés en de vulgaires représentants
de commerce.
Dans son discours de Santa Cruz,
le pape François dénonce un nouveau
colonialisme qui menace la coexistence pacifique des peuples en niant la
souveraineté des nations et leur indépendance :
Les
peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent
conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de
tutelles ni d’ingérence où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent
que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses
soient respectés. Aucun pouvoir de fait ou constitué n'a le droit de priver les
pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté et, quand on le fait, nous
voyons de nouvelles formes de colonialisme qui affectent sérieusement les
possibilités de paix et de justice parce que « La paix se fonde non seulement
sur le respect des droits de l’homme, mais aussi sur les droits des peuples
particulièrement le droit à l'indépendance ».
Pour le pape, ce nouveau colonialisme adopte des
visages différents : le pouvoir
anonyme de l’idole argent qui se manifeste en particulier par les traités
dits de libre échange, les monopoles médiatiques, et enfin sous la noble apparence de la lutte contre la
corruption, contre le trafic de stupéfiants ou le terrorisme (…), nous voyons
que l’on impose aux États des mesures qui ont peu à voir avec la résolution de
ces questions et bien des fois aggravent les choses.
La paix ne peut se construire que si l’on unit le respect de
la souveraineté nationale à la coopération internationale : Interaction n’est pas synonyme d’imposition,
ce n’est pas une subordination des uns en fonction des intérêts des autres. Le
plein exercice de la souveraineté des peuples est inséparable de la démocratie
authentique. Ce ne sont pas seulement les peuples des pays pauvres qui sont
privés de leur indépendance, mais aussi les peuples d’Europe en raison d’une
conception dogmatique, technocratique et opaque du fonctionnement de la
communauté européenne. Les décisions prises reflètent davantage la volonté des
lobbies économiques et financiers, donc des intérêts privés, que les
aspirations des peuples. Ce fonctionnement anti-démocratique est une menace
pour la paix et l’entente entre les peuples européens. Ce qui s’est passé en
Grèce récemment le démontre. Et l’Italie a déjà eu son gouvernement
« technique » dirigé par un banquier eurocrate, euphémisme pour
signaler une entorse de plus à la démocratie…
A Santa Cruz, le pape a enfin
redit sa confiance aux mouvements populaires comme porteurs d’espérance et artisans
de paix :
Pour
finir, je voudrais vous dire de nouveau : l’avenir de l’humanité n’est pas
uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des
élites. Il est fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur capacité
à s’organiser et aussi dans vos mains qui arrosent avec humilité et conviction
ce processus de changement.
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