26ème
dimanche du TO/C
29/09/2013
Luc 16,
19-31
En ce dimanche nous continuons
notre lecture du chapitre 16 de l’évangile selon saint Luc, chapitre consacré
au bon usage des richesses et de l’argent. [La version liturgique saute un
passage entre l’évangile entendu dimanche dernier et la parabole du riche et de
Lazare : Les pharisiens, eux qui aimaient l'argent, entendaient tout cela, et ils
ricanaient à son sujet. Il leur dit alors : « Vous êtes, vous, ceux qui se
présentent comme des justes aux yeux des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs,
car ce qui est prestigieux chez les hommes est une chose abominable aux yeux de
Dieu.]
L’enseignement
délivré par la parabole du riche et de Lazare est très clair et ne demande pas
beaucoup d’explications pour être compris. Je partirai donc de la parabole pour
vous proposer trois points de réflexion.
Le premier sera
bref. Face à la mort, destinée commune de tous les hommes, nous sommes
égaux : « Or le pauvre mourut, et les anges l’emportèrent auprès
d’Abraham. Le riche mourut aussi, et on l’enterra ». Il est intéressant de
voir comment la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 envisage
l’égalité entre les hommes : Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées
que sur l'utilité commune. Il s’agit bien d’une égalité en droits devant la
loi, et pas d’une égalité de fait. Dans la perspective de Dieu Créateur et
Père, oui, nous sommes tous égaux dès le moment où nous venons au monde parce
que nous appartenons tous à l’unique nature humaine. Du point de vue concret il
est évident que nous ne naissons pas tous avec les mêmes chances de développement
personnel. On peut naître dans une famille pauvre ou aisée, à Montréal ou à
Lagos, dans un quartier défavorisé ou au contraire dans un quartier chic etc.
Bref nous pouvons naître favorisés ou défavorisés. Seule la mort vient rétablir
l’égalité fondamentale entre les hommes. Et seul le jugement de Dieu vient
rétablir la justice véritable dans un monde dominé par l’injustice et les
inégalités. C’est ce que le riche apprend à ses dépens. Mais il est maintenant
trop tard pour changer de conduite : « Un grand abîme a été mis entre
vous et nous ».
Un deuxième point de réflexion
m’amène à considérer le bonheur de ceux qui sont riches. Le vrai bonheur du
riche ne consiste pas à vivre dans le luxe et l’indifférence vis-à-vis de son
prochain. Son vrai bonheur réside dans le fait qu’il a entre ses mains un
immense et merveilleux pouvoir : celui de faire le bien autour de lui. Par
le partage de ses biens et un cœur généreux et ouvert il peut en effet soulager
bien des misères. Utiliser de cette manière son capital c’est le faire vraiment
fructifier et recevoir la bénédiction du Seigneur ainsi que sa joie.
Un troisième point de réflexion
tourne autour de la nourriture : Lazare « aurait bien voulu se
rassasier de ce qui tombait de la table du riche ». Dans la prière de
l’offertoire le prêtre dit : « Tu es béni Dieu de l’univers toi qui
nous donnes ce pain fruit de la terre et du travail des hommes ». Tout y
est dit sur l’origine de notre nourriture et donc sur ce qui nous permet de
nous maintenir en vie et en bonne santé. Notre système alimentaire mondial est
en crise. La « révolution verte » avec l’usage toujours plus grand de
la chimie, des pesticides et des OGM a recherché la productivité et la rentabilité.
Elle échoue pourtant à nourrir la population mondiale. Non seulement elle a
pollué les sols et les eaux mais elle a créé du chômage, de la misère et du
désespoir. En 1945 il y avait 10 millions de paysans en France, il en reste
aujourd’hui 1 million. Un paysan français se suicide chaque jour dans
l’indifférence la plus totale. Un pays qui ne respecte plus ses agriculteurs
est un pays en grand danger. La révolution verte a transformé l’alliance de la
terre et du travail des hommes en un ensemble de techniques mises au service de
profits colossaux dans l’industrie agro-alimentaire et les supermarchés. On ne
parle plus de paysans, on parle d’exploitant agricole. Malgré les résultats
négatifs pour l’environnement et la santé de cette agriculture et de cet
élevage intensifs on s’obstine dans cette orientation. Dans la Somme il y a en
ce moment un projet d’une ferme-usine de 1000 vaches ! Notre système
alimentaire repose malheureusement en grande partie sur le gaspillage
(50 000 fruits et légumes vont à la poubelle chaque jour) et sur la
malbouffe avec 15% de français atteints d’obésité. Pourquoi donc ce système
fou, néfaste et immoral n’est-il pas remplacé par un autre ? Parce que
nous avons perdu notre relation à Dieu Créateur. En perdant ce sens de Dieu,
nous avons aussi perdu le respect de la vie sous toutes ses formes, y compris
la vie animale, et le respect pour notre terre nourricière. Nous payons déjà
très cher ce manque de sagesse et d’humilité. Finalement ces considérations
nous ramènent à l’évangile de dimanche dernier : Nous ne pouvons pas
servir à la fois Dieu et l’Argent. Le respect de la création est incompatible
avec la course effrénée au profit. Et cet appât du gain est incompatible avec
le partage équitable des ressources de notre terre.
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