Dimanche
des Rameaux et de la Passion / C
Luc 22,
14- 23,56
24/03/2013
La liturgie de ce dimanche marque
d’une manière solennelle notre entrée dans la semaine sainte. Elle nous fait
passer de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem à sa sortie hors des murs de
la ville en direction du Golgotha. C’est une constante dans l’histoire de notre
humanité : les foules sont changeantes et facilement manipulables.
L’évangéliste Luc reconnaît quant à lui dans l’issue douloureuse et tragique du
ministère public de Jésus l’accomplissement des prophéties. Bref la Passion et
la mort du Seigneur ne sont pas seulement dues aux foules changeantes, à la
jalousie des prêtres et à la lâcheté de Pilate… Derrière tout cela il y a la
volonté du Père en vue de notre salut et de celui de tous les hommes sans
exception.
Je voudrais méditer en
particulier deux aspects de ce récit de la Passion tel que nous venons de
l’entendre en saint Luc.
Tout d’abord à partir de la
figure de Barabbas emprisonné par Pilate pour « un meurtre et pour une
émeute survenue dans la ville ». Ce Barabbas était probablement un zélote,
un de ces Juifs fanatiques et nationalistes n’hésitant pas à recourir à la
violence pour chasser hors du pays la puissance romaine et païenne. Plus
intéressant encore est le sens de son nom. Barabbas signifie en effet « le
fils du père ». Symboliquement cela montre que les chefs religieux (et une
partie du peuple avec eux) ont préféré faire libérer ce faux fils du père qui
est en fait un rebelle Juif, violent et respirant la vengeance, tout en
rejetant Jésus, le vrai et unique Fils du Père, venu nous apporter la paix et
le pardon. On peut aussi comprendre que Barabbas nous représente tous en tant
que pécheurs. Dans la Passion c’est bien Jésus l’innocent qui souffre et meurt
à la place des pécheurs. Dans le récit historique la condamnation de Jésus a
pour effet la libération de Barabbas. Dans l’action de la grâce divine la mort
de Jésus nous obtient le pardon de nos péchés et la réconciliation avec Dieu et
entre nous.
De ce récit infiniment riche en
enseignements je voudrais aussi commenter les insultes et les moqueries
adressées au Seigneur mourant sur la croix. Ecoutons à nouveau cette partie du
récit de la Passion :
Le peuple
restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé
d'autres : qu'il se sauve lui-même, s'il est le Messie de Dieu, l'Élu ! » Les
soldats aussi se moquaient de lui. S'approchant pour lui donner de la boisson
vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même !
» Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des
Juifs. » L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas
le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
Trois catégories de personnes (les chefs du peuple,
les soldats et l’un des malfaiteurs crucifiés avec Jésus) lui adressent en
substance le même message : Sauve-toi toi-même puisque tu es le Messie et
le roi des Juifs ! Nous sommes bel et bien au moment décisif de la
dernière tentation du Christ annoncée par saint Luc après l’épisode des
tentations dans le désert : le diable s’éloigna de Jésus « jusqu’au
moment favorable ». Le moment de la Passion est en effet celui de la
« domination des ténèbres ». Entre le début du ministère public et la
fin le diable n’a pas changé de tactique. Souvenez-vous l’Evangile du premier
dimanche de Carême :
Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain.
Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera
pour toi à ses anges l'ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur
leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre.
Sur la croix Jésus ne cède pas à la tentation de se
sauver lui-même et de faire ainsi un miracle éclatant en descendant de
l’instrument de son supplice. Ce n’est pas de cette manière qu’il veut révéler
sa royauté et sa qualité de Fils unique du Père. Au contraire il exprime sa
confiance absolue envers son Père : « Père, entre tes mains je remets
mon esprit ». C’est en effet le Père qui le ressuscitera d’entre les morts
dans la puissance de l’Esprit. La tentation adressée au Christ dans son humanité
est aussi la nôtre. C’est celle de l’homme orgueilleux qui pense pouvoir se
sauver lui-même par les progrès de la technique et de la science. Or sans la
sagesse qui nous vient de la prise de conscience de notre dépendance vis-à-vis
du Créateur nous allons droit dans une impasse. L’histoire récente nous montre
à quel point le progrès des techniques et des sciences est ambigu et comment il
se retourne souvent contre l’homme se croyant tout-puissant. Plus que jamais
notre monde contemporain gouverné par la seule soif du pouvoir et du profit a
besoin de redécouvrir dans le Christ crucifié la puissance du salut de Dieu.
Pour cela faut-il encore reconnaître dans un acte d’humilité nos faiblesses et
nos limites ainsi que nos propres échecs, tant au niveau personnel que communautaire.
La méditation de la Passion doit nous amener à faire
nôtres les paroles de l’apôtre Paul :
La folie de Dieu est plus
sage que l'homme, et la faiblesse de Dieu est plus forte que l'homme.
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