6ème dimanche du TO / B
15/02/09
Marc 1, 40-45 (p. 815)
C’est en 1873 que le norvégien Hansen découvre le bacille responsable de la lèpre. A l’époque de Jésus la médecine en était à ses balbutiements. Dans la religion juive traditionnelle on ne distinguait pas le mal physique (la maladie) du mal moral (le péché). Même si le livre de Job avait déjà remis en question la doctrine traditionnelle sur ce point. C’est Jésus qui opérera cette distinction. Nous pouvons nous référer par exemple au chapitre 9 de l’Evangile selon saint Jean : la guérison de l’aveugle de naissance. Les disciples posent au Maître la question suivante : « Qui a péché pour qu’il soit ainsi aveugle ? Est-ce lui ou ses parents ? » La réponse de Jésus est libératrice : « S’il est ainsi ce n’est pas à cause d’un péché, de lui ou de ses parents, mais pour qu’une œuvre de Dieu et très évidente, se fasse en lui. » Cela nous montre au passage que la doctrine biblique est une doctrine en évolution et non pas une doctrine fixée une fois pour toutes. La Bible corrige la Bible. La Bible est remise en question par la Bible. Le seul qui fixera de manière définitive la vraie doctrine, c’est Jésus lui-même parce qu’il est le Fils de Dieu.
C’est dans ce contexte de transition vers la plénitude de la vérité révélée, qu’il nous faut comprendre l’Evangile de ce dimanche. Saint Marc ne parle pas de la guérison du lépreux mais bien de sa purification. Nous sommes encore dans la conception de l’Ancien Testament qui lie la maladie au péché. La première lecture n’est qu’un bref passage des deux longs chapitres que le livre des Lévites consacre aux lépreux. C’est le prêtre, et non le médecin, qui est chargé dans la loi de Moïse de faire le diagnostic de la lèpre et de prendre les décisions qui s’imposent. Ne pensons pas trop vite être libérés de cette conception ancienne… L’expression populaire « qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter cela ? » témoigne de ce que bien souvent nous faisons le lien entre un malheur qui nous arrive, la maladie en est un exemple, et un péché que nous aurions commis. L’histoire des grands saints devrait suffire à confirmer la révolution opérée par Jésus dans ce domaine : la maladie n’est pas liée à notre péché. Même si l’on peut supposer qu’elle est une conséquence du péché originel… Pensons à sainte Thérèse de Lisieux, à Marthe Robin et à tant d’autres qui ont souffert physiquement sans être de grands pécheurs.
Contemplons maintenant l’attitude du lépreux et celle du Christ. Ce lépreux vient à la rencontre de Jésus. Luc, dans le passage parallèle, précise que cette rencontre a eu lieu dans une ville. Si c’est le cas, le lépreux a désobéi à la loi pour rencontrer le Seigneur. Et c’est là le signe de sa grande foi en Jésus. Cette foi qu’il exprime en actes et en paroles : Il se met à genoux devant le Seigneur. La foi du lépreux est marquée par une grande humilité. Il n’exige pas sa guérison, il supplie humblement, reconnaissant la souveraine liberté de Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Le lépreux sait au fond de lui que sa purification n’est pas un droit mais bien une grâce. L’attitude du Seigneur, quant à elle, est marquée par la compassion : « pris de pitié devant cet homme ». Le cœur de Jésus est le plus sensible de tous les cœurs humains, le moins indifférent de tous, car il est le cœur du Fils de Dieu. Dans le cœur de Jésus nous est pleinement révélé l’amour du Père à notre égard. Si notre péché est bien souvent la conséquence d’un endurcissement du cœur, la miséricorde du Seigneur est au contraire l’expression d’un cœur compatissant. A une époque où la lèpre était réputée extrêmement contagieuse, Jésus touche de sa main le lépreux. En fait la lèpre se transmet par les voies respiratoires ou, parfois, par contact cutané. Le geste de Jésus aura des suites dans l’histoire du christianisme : l’épisode bien connu de saint François embrassant le lépreux, le bienheureux Père Damien mort en 1889 dans une léproserie du Pacifique, Raoul Follereau et son action en faveur des lépreux etc. « Je le veux, sois purifié ». La volonté de Jésus, c’est notre salut. Et la guérison physique immédiate du lépreux est le signe de la purification du péché. Dans le sacrement du pardon, la parole du prêtre suffit à nous purifier immédiatement de notre péché. La fin du récit de saint Marc nous montre que Jésus vient prendre lui-même la place du lépreux : « Il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités. » C’est bien ce que la Loi de Moïse demandait aux lépreux : vivre isolés, dans la solitude, en dehors des villes. C’est aussi en dehors du camp de la communauté, que le prêtre emporte le taureau du sacrifice pour le pardon du péché. Et l’auteur de la lettre aux Hébreux souligne que Jésus « a souffert, lui aussi, hors des portes » de Jérusalem. La loi de Moïse excommuniait les lépreux. La loi de notre péché a fait de Jésus notre Sauveur un excommunié sur le bois de la Croix. Oui, c’est bien Lui, l’Agneau de Dieu qui a pris sur Lui nos péchés et les a consumés dans le feu de son amour hors des murs de Jérusalem. Amen.
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