La Sainte Trinité / C
3 juin 2007
Jean 16, 12-15 (page 1168)
Le livre des Proverbes dans l’Ancien Testament appartient aux livres sapientiaux. C’est-à-dire à cette littérature de sagesse qui prépare plus directement l’avènement du Christ. Et cela après la Torah et les livres prophétiques. Dans cet ensemble de sept livres nous avons même un livre qui porte le nom de la Sagesse. Cette littérature de sagesse témoigne de la communication entre la foi juive et la culture hellénistique. Dans le livre des Proverbes nous trouvons un long discours de la Sagesse qui commence au début du chapitre 8. Notre première lecture est extraite de ce discours. Notons tout de suite que la Sagesse est personnifiée. Elle n’existe pas seulement comme une idée, une théorie ou une contemplation comme chez les philosophes grecs. La Sagesse est une réalité bien vivante, c’est un être en lien très étroit avec Dieu, existant avant toute la création. Je cite ici la fin de notre première lecture dans la traduction de la Bible Osty :
« J’étais aux côtés du Seigneur comme un enfant chéri et je faisais ses délices chaque jour, jouant devant lui en tout temps, jouant sur le sol de sa terre et trouvant mes délices avec les fils d’homme. »
Ce texte est pour nous plus que surprenant. Spontanément lorsque nous pensons à la sagesse, nous pensons à quelque chose de sérieux, de solennel, voire d’un peu lointain et compliqué. Nous assimilons généralement la sagesse à l’intelligence et à la raison. Rien de tel dans la présentation que la Sagesse divine fait ici d’elle-même : enfant chéri de Dieu, elle se plaît à jouer et trouve ses délices autant auprès du Seigneur que des créatures humaines. On comprend pourquoi les théologiens chrétiens ont vu dans ce portrait de la Sagesse une annonce du Christ dans le mystère de son Incarnation. Le Christ est à la fois du côté de Dieu et du côté des hommes, vrai Dieu et vrai homme. Et comme le dit saint Jean dans son prologue c’est bien par le Verbe, la Parole, le Logos en grec, que Dieu a créé toutes choses. Ce qui implique que ce Logos existe avant même la création, comme la Sagesse ici préexiste aux œuvres de Dieu.
Pourquoi tant insister sur cette première lecture alors que nous fêtons le mystère central de notre foi, celui de la Sainte Trinité ?
Pour montrer que nous ne devons surtout pas nous limiter à une approche théologique de ce mystère, puisqu’en Dieu il y a le jeu et les délices, puisqu’en Dieu il y a l’enfant.
Les plus grands théologiens chrétiens, je pense à saint Augustin et à saint Thomas d’Aquin, ont consacré toutes les ressources de leur foi et de leur intelligence à mettre en lumière Dieu Trinité. Ils nous ont laissé des œuvres stimulantes et magnifiques. Mais ils sont restés très humbles dans leur approche de ce grand mystère. Augustin avait passé de longues journées et de longues nuits à essayer de comprendre ce mystère d'un Dieu en trois personnes. Puis un jour, alors qu'il se promenait sur une plage, il aperçut un enfant qui avait creusé un trou dans le sable et qui cherchait à y transvaser la mer à l'aide d'un coquillage. Augustin sourit et lui dit : "Comment veux-tu vider cette mer sans fin dans un si petit trou ?" et l'enfant lui répondit alors : "Et toi, comment veux-tu comprendre ce Dieu éternel avec ta si petite raison ?" À son secrétaire qui le pressait de reprendre la dictée, Thomas répondit : « Réginald, je ne peux plus. Devant ce que j'ai vu et qui m'a été révélé, tout ce que j'ai écrit me semble de la paille. » Quant à Boèce, un autre théologien, il affirmait ceci : « Au bout de notre connaissance, nous connaissons Dieu comme inconnu ».
La deuxième lecture nous donne une autre voie pour connaître Dieu Trinité. Cette voie ne s’oppose pas à la réflexion théologique. Elle est simplement plus directe et plus vivante : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » Nous connaissons mieux le mystère trinitaire par l’amour que par la seule intelligence théologique. Car Dieu est Amour, Dieu est communion d’amour, circulation d’amour et de vie entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. La sainte Trinité est un mystère d’amour, et c’est uniquement dans l’amour, donc dans l’expérience vivante de la foi et de la prière, que nous en vivrons. Il ne nous servira à rien de connaître et de comprendre toutes les œuvres de saint Thomas d’Aquin si nous ne sommes pas des mystiques, c’est-à-dire des chrétiens unis à Dieu par la foi, la prière et les sacrements. En Dieu Trinité, c’est la Personne Amour, l’Esprit Saint qui nous initie au mystère même de Dieu, et cela bien mieux que les concepts des grands théologiens.
Le Verbe éternel de Dieu est aussi cette Sagesse enfant jouant en présence de Dieu, jouant sur notre terre. Le Verbe éternel de Dieu réjouit le cœur de Dieu et est attiré depuis toujours par notre humanité, trouvant en nous ses délices. Nous comprenons alors peut-être mieux pourquoi Jésus donne à ses apôtres les enfants en exemple :
« Laissez les enfants venir vers moi, ne les empêchez pas ; car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu. Quiconque n’accueille pas le Royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera pas. » Il est frappant de constater que des siècles plus tard, le philosophe athée Nietzsche reprend ces images bibliques du jeu et de l’enfant : « L’enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, une premier mouvement, un oui sacré. »
Demandons à l’Esprit Saint la force de devenir comme des enfants en présence du mystère de Dieu Trinité ! Que toute notre personne et notre vie soit un « oui sacré » au Père, au Fils et à l’Esprit Saint ! Amen
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