dimanche 18 octobre 2020

29ème dimanche du temps ordinaire / année A

 

Matthieu 22, 15-21

18/10/20

Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Cette réponse de Jésus à la question-piège des pharisiens fait partie des versets de l’Evangile qui sont connus de tous. Avant d’approfondir le contenu de cette réponse, il est nécessaire de rappeler quelques éléments d’histoire. La question porte sur le paiement de l’impôt à Rome : Est-il permis, oui ou non, de payer l’impôt à César, l’empereur ? Israël, en tant que peuple, s’est perçu comme une théocratie, c’est-à-dire un peuple gouverné directement par Dieu et lui seul. L’établissement de la monarchie vers 1030 avant JC, avec le premier roi Saül, fut compris comme une trahison envers Dieu, le seul roi légitime des 12 tribus. D’où les critiques acerbes contre la monarchie dans certains textes bibliques. En 63 av.JC, Pompée s’empare de Jérusalem au nom de Rome. A partir de cette date le peuple Juif perd son indépendance politique et Israël entre dans la sphère de domination romaine. A l’époque de Jésus, les Juifs étaient divisés par rapport à l’attitude à tenir face à l’occupant romain. Comme souvent en pareil cas, il y avait ceux qui collaboraient volontiers avec Rome, en particulier les grands prêtres et les sadducéens, et il y avait ceux qui voulaient retrouver l’indépendance politique d’Israël, en utilisant la violence et le terrorisme contre l’occupant, en particulier les Zélotes. La question des pharisiens est donc explosive étant donné le contexte politico-religieux de l’époque. Ajoutons que dans certains cas l’impôt imposé par Rome pouvait être très lourd. Il était levé par les publicains, car l’Empire romain n’avait que très peu de fonctionnaires. Il passait donc par les compagnies de publicains pour prélever l’impôt. Lévi, le futur Matthieu, était l’un de ces publicains qui travaillaient pour Rome. Enfin précisons que tous les empereurs romains à partir du premier d’entre eux, Auguste, portaient le titre de César, Auguste ayant été adopté par Jules César. A l’époque de notre débat sur l’impôt, c’était Tibère, le second César, qui régnait sur l’immense empire romain.

Pour ne pas tomber dans le piège qui lui est tendu, Jésus fait faire un exercice pratique aux pharisiens : « Montrez-moi la monnaie de l’impôt ». Ils lui présentèrent une pièce d’un denier. Il leur dit : « Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » Ils répondirent : « De César ». Dans la vie courante, pour le commerce, sauf à l’intérieur de l’enceinte du temple, tout juif utilisait les pièces de monnaie émises par le pouvoir romain. Si l’argent mis en circulation pour permettre le commerce portait l’effigie de Tibère-César, alors il était logique de ne pas refuser de payer l’impôt réclamé par le même César. Les Juifs, faisant partie d’un immense empire, profitaient eux aussi, comme les Gaulois ou d’autres provinciaux, de certains avantages apportés par l’organisation de cet Empire, en particulier les voies de communication et de commerce terrestres et maritimes ainsi que le maintien de l’ordre, la garantie de vivre en paix et dans une relative sécurité sous la tutelle des autorités romaines. La réponse de Jésus fonde la laïcité, c’est-à-dire la distinction entre la sphère religieuse et celle de l’organisation politique de l’Etat. Jusqu’à une époque récente de l’histoire européenne, les Etats, la plupart du temps des royaumes, ont fondé leur autorité sur Dieu. C’était l’alliance du sabre et du goupillon, le roi terrestre étant considéré comme le lieutenant de Dieu. Le pouvoir politique mettait la religion à son service et vice-versa. Cette confusion des pouvoirs est caractéristique de ce que l’on a nommé la chrétienté, à ne pas confondre avec le christianisme. Or Jésus n’a jamais proposé ce modèle, l’instauration d’une théocratie avec un roi représentant de Dieu sur terre. Au contraire, il indique combien il est important de ne pas confondre le domaine politique et le domaine spirituel. Dans cette perspective payer l’impôt à César, l’occupant païen, n’empêche absolument pas le Juif de pratiquer sa religion, de rendre à Dieu ce qui est à Dieu. Il en va de même pour nous aujourd’hui. Aucun gouvernement ne peut nous empêcher d’adorer Dieu en esprit et en vérité. Aucun gouvernement, fut-il le pire, n’a de pouvoir sur notre conscience. 133 ans après la prise de Jérusalem par Pompée, Titus détruisit le temple de Jérusalem, mais il n’a pas pour autant détruit la foi du peuple Juif… En tant que citoyens d’un Etat nous devons payer l’impôt, en tant que chrétiens nous sommes libres d’aimer Dieu et de le servir en suivant l’Evangile de son Fils bien-aimé Jésus-Christ, en incarnant dans la société notre foi, car, dans le Christ Jésus, ce qui a de la valeur, selon saint Paul, c’est la foi, qui agit par la charité.

 

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