dimanche 25 janvier 2015

Troisième dimanche du temps ordinaire / B

Marc 1, 14-20

25/01/15


En ce dimanche nous passons des rives du Jourdain au lac de Galilée, du baptême de Jésus à sa première prédication. Après 30 ans de silence à Nazareth, Jésus se met à parler publiquement pour « proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu », cet Evangile qui ne cesse pas, depuis plus de 2000 ans, d’être annoncé par l’Eglise et les chrétiens. Il est frappant de voir que Jésus a conscience de vivre un moment unique dans l’histoire de l’humanité, dans l’histoire de l’alliance entre Dieu et les hommes : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche ». Cela signifie que, malgré les apparences, Dieu dirige l’histoire humaine selon sa providence. Le Père, en nous donnant son Fils, a décidé que les temps seraient accomplis. Une époque s’achève et laisse place à quelque chose de nouveau : Dieu va se rendre présent au milieu des hommes d’une manière nouvelle. C’est déjà le cas à partir du moment où Jésus commence sa mission en Galilée. Mais en parlant du Royaume désormais tout proche, le Seigneur nous fait peut-être comprendre que ce n’est qu’après sa mort et sa résurrection que ce Royaume sera effectivement présent au milieu des péripéties de l’histoire humaine et de celles de l’Eglise. C’est en raison de ce changement d’époque, de cette entrée dans l’ère chrétienne, que Jésus appelle ses contemporains à la conversion et à la foi. Ce n’est pas nouveau. C’est ce qu’avaient déjà fait tous les prophètes de l’ancienne alliance. Mais cette fois cet appel prend un caractère particulier, tout simplement parce que les temps sont accomplis. Cet appel revêt une force unique parce que ce n’est plus seulement un prophète qui le lance mais bien le Messie, le Fils du Dieu vivant. La réponse des quatre premiers disciples à l’appel de Jésus (« Venez derrière moi ») est un exemple de ce que peut signifier la conversion et la foi. Ils abandonnent leur métier de pêcheurs de poissons pour devenir « pêcheurs d’hommes ». Ce détachement immédiat est le signe chez ces hommes d’une foi très forte. Il faut qu’ils soient fermement convaincus que ce Jésus est un homme pas comme les autres, un prophète à part, pour pouvoir tout quitter et se mettre à le suivre dans des chemins inconnus et une vie nouvelle. Dans la deuxième lecture saint Paul adapte ce message à la situation de la première génération chrétienne : « Le temps est limité… Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer ». D’où l’esprit de détachement et de liberté qui caractérise le chrétien. Le disciple de Jésus ne méprise pas le monde dans lequel il vit. Il ne s’en désintéresse pas. Mais il sait bien où se trouve le véritable sens de l’histoire : dans la personne de Jésus, dans sa présence, et dans l’action du Saint Esprit au cœur du monde et de l’Eglise. En apparence rien n’a changé depuis la venue de Jésus. L’histoire continue de nous offrir un spectacle saisissant par ses contrastes : d’un côté les œuvres du génie humain, les fruits de la sainteté chrétienne, et de l’autre les horreurs, les massacres, les guerres, les injustices et les inégalités. Et pourtant les temps sont accomplis, le Règne de Dieu est déjà là, au milieu de nous. Se convertir et croire à la Bonne Nouvelle, ne serait-ce pas pour chacun d’entre nous découvrir à nouveau la jeunesse et la force de notre foi en Jésus-Christ ? Le christianisme peut nous apparaître comme une vieille religion. Mais que sont 2000 ans dans l’histoire de l’humanité ? Et dans notre histoire personnelle que représentent 30, 40 ou 50 ans de vie chrétienne ? Dans ces temps qui sont les derniers le christianisme en est encore peut-être à ses débuts. A l’échelle de notre vie humaine, que nous soyons jeunes ou plus avancés dans la vie, se convertir n’est-ce pas jour après jour faire l’expérience de la fraicheur de l’Évangile, de sa force de transformation en nous et dans la société ? Et si Simon, André, Jacques et Jean étaient un peu chacun d’entre nous ? Répondre vraiment à l’appel de Jésus, aujourd’hui comme hier, c’est faire grandir l’espérance en nos cœurs, pas seulement pour nous, mais pour tous les hommes que nous côtoyons. C’est bien par notre manière de vivre que nous pouvons être des pêcheurs d’hommes.

dimanche 11 janvier 2015

BAPTÊME DU SEIGNEUR

Marc 1, 7-11

11/01/15

Dans le cycle liturgique la fête du baptême du Seigneur nous fait passer du temps de Noël au temps ordinaire. Lorsque Jésus se fait baptiser par Jean dans les eaux du Jourdain, il termine en effet la première partie de sa vie et commence la seconde. Ce geste marque une transition, un passage : de la vie cachée à Nazareth à la vie publique qui le conduira au supplice de la croix à Jérusalem. De la vie cachée, la période la plus longue de l’existence de Jésus, nous ne savons quasiment rien. Par contre les évangélistes nous ont rapporté beaucoup de témoignages concernant ces dernières années qui ont débuté juste après le baptême du Seigneur, ce que l’on appelle souvent son ministère public. D’où l’importance de ce moment. D’où l’importance du geste que Jésus choisit pour se manifester au peuple d’Israël. Après le silence de la vie cachée, il ne choisit pas de se manifester lui-même au peuple. Sa présentation, son entrée en scène, il la confie avec humilité à un homme, Jean. Il se soumet à un geste destiné à des hommes pécheurs, à des hommes qui reconnaissent avoir besoin de la miséricorde et du pardon de Dieu pour pouvoir renaître à une vie nouvelle, à une vie libre et belle, celle des enfants de Dieu. Jésus n’a pas besoin de ce baptême mais il se montre solidaire avec un peuple de pécheurs. Dès le départ il est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, le Sauveur. Et s’il s’humilie en descendant dans les eaux du Jourdain, c’est pour nous indiquer le but de la mission qu’il va commencer : permettre aux hommes de renaître à une vie nouvelle.
« Jésus vit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe ». Lorsque Jésus se manifeste au peuple à travers le geste du baptême, le ciel se déchire. Cela signifie que la communication entre la terre et le ciel est en quelque sorte rétablie. On peut espérer à nouveau la communion entre l’homme et Dieu, Père et créateur. Cet homme venu de Nazareth nous est ainsi présenté comme le médiateur, celui qui va permettre une relation renouvelée entre les hommes et Dieu. La scène du baptême nous rappelle la première page de la Bible, le commencement du premier récit de la création : « L’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux ». Jean avait dit de Jésus : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint ». Saint Marc nous fait comprendre qu’à cet instant précis Dieu commence une recréation, une création nouvelle en nous donnant son Fils et en le consacrant par l’Esprit en vue de sa mission. La venue de l’Esprit révèle qui est cet homme : le Christ, c’est-à-dire précisément celui qui a reçu l’onction spirituelle. Enfin au témoignage de Jean va s’ajouter la voix même du Père : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour ». Entre Jésus de Nazareth et Dieu, c’est une relation unique qui nous est ainsi révélée. Dès le début du ministère public le mystère de la Trinité est manifesté : Jésus dans les eaux du Jourdain, l’Esprit comme une colombe et la voix du Père. Cet homme, nommé Jésus, est rempli, débordant de l’amour même de Dieu. Et c’est cet amour qu’il va répandre sur le peuple pendant les trois années de son ministère public à travers ses paroles et ses gestes, en particulier en faveur des pécheurs.
Tout cela il le vit pour nous, qui sommes ses disciples, comme pour les hommes qui ne le connaissent pas encore. Après la croix et la résurrection, après le don de l’Esprit, Jésus ressuscité baptisera les croyants dans l’Esprit. C’est le baptême que nous avons reçu et duquel nous pouvons vivre chaque jour. Ce que le Père a dit de son Fils autrefois est aussi vrai pour chacun d’entre nous puisque nous sommes véritablement les enfants de Dieu : nous sommes ses bien-aimés, tout l’amour du Père nous est donné. En tant que chrétiens nous sommes appelés à partager ce don reçu avec nos frères, de la même manière que Jésus l’a partagé avec tous les hommes qu’il a rencontrés depuis le jour de son baptême jusqu’à sa mort sur la croix.

« Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. »

dimanche 4 janvier 2015

EPIPHANIE DU SEIGNEUR

Matthieu 2, 1-12

4/01/2015

Lorsque Marie a donné naissance à Jésus, deux catégories de personnes sont venues rendre visite à l’enfant : les bergers et les mages. Saint Luc nous parle des bergers tandis que saint Matthieu nous rapporte la venue à Bethléem des mages venus d’Orient. Entre les bergers et les mages, nous voyons dans un premier temps une grande différence : les premiers sont des personnes simples, probablement analphabètes, tandis que les seconds sont des savants et des sages. On pourrait aussi ajouter : les uns sont Juifs, les autres sont païens. Mais il existe aussi entre eux bien des ressemblances : les bergers comme les mages étaient exclus du salut réservé aux bons juifs, ceux qui observaient fidèlement la Loi de Moïse. Les bergers à cause de leur travail et les mages tout simplement parce qu’ils ignoraient tout de la Loi du Seigneur. Et ce sont précisément ces deux catégories de personnes que Dieu invite à venir à la crèche pour être les témoins privilégiés de la naissance de son Fils. Aux uns Il s’adresse par la voix de l’Ange, aux autres par le signe de l’étoile.
Dans son récit de l’Epiphanie, saint Matthieu souligne le contraste entre l’attitude des mages d’une part et celle des responsables politiques et religieux du peuple de l’autre. Il est amusant de voir que c’est grâce à des étrangers que les élites d’Israël apprennent la nouvelle de la naissance du Messie… Ce jour-là l’orgueil religieux des dirigeants du peuple a été humilié. Eux, qui se considéraient comme l’élite, les meilleurs, étaient en fait des ignorants, ceux qui n’ont rien vu venir de l’accomplissement des promesses ! Ce renversement de l’ordre normal des choses ne pouvait que provoquer inquiétude et interrogations dans la classe dirigeante de Jérusalem. Si les mystérieux mages se sont donnés tant de peine pour voyager jusqu’à Jérusalem, c’est bien pour se prosterner en présence de cet enfant qu’ils nomment le roi des Juifs. Ce geste est au centre du récit de l’Epiphanie. Il peut signifier l’hommage comme l’adoration. Les mages ont-ils reconnu dans l’enfant un être de rang divin ? Difficile de le savoir. Une chose est certaine : ces hommes étaient en recherche de ce qui les dépassait, de ce qui était plus grand qu’eux. Autrement, comment expliquer le long voyage de l’Orient vers la Judée ? Le voyage des bergers fut beaucoup plus court, mais, eux aussi, ont été des hommes curieux, désireux de connaître ce que Dieu suscitait de nouveau dans le secret et le silence de la nuit de Bethléem. Quant aux savants, il est logique qu’ils soient des hommes curieux et en recherche.
L’un des sens spirituels de la fête de l’Epiphanie est donc le suivant : peu importe que l’on soit Juif ou païen, prêtre ou berger, roi ou scientifique, l’essentiel, c’est que notre cœur ne soit pas endormi, qu’il soit au contraire sans cesse en recherche de Dieu, de ses signes, de sa présence au milieu de nous. La foi chrétienne n’est vivante et vraie que si elle suscite cette recherche spirituelle au cœur des croyants. La foi ne peut en aucun cas nous donner l’illusion de connaître Dieu une fois pour toutes à la manière d’une loi scientifique ou d’une langue étrangère. La foi est toujours un chemin, comme celui des bergers et des mages. Dieu ne s’apprend pas dans les livres, même dans les meilleurs catéchismes, Dieu s’apprend dans le déroulement de l’histoire et de notre vie personnelle. Les chefs des prêtres et les scribes pensaient posséder Dieu parce qu’ils connaissaient parfaitement les Ecritures, et c’est ainsi qu’ils l’ont perdu et ont été incapables de le reconnaître en son Fils Jésus. Une belle hymne de la liturgie des Heures nous fait communier à cette recherche de Dieu qui a été celle des mages comme celle de tous les saints et saintes de l’histoire du christianisme. Puissions-nous faire nôtres ces paroles au commencement de l’année nouvelle !
1. À la mesure sans mesure
De ton immensité
Tu nous manques, Seigneur.
Dans le tréfonds de notre cœur
Ta place reste marquée
Comme un grand vide, une blessure.
2. À l'infini de ta présence
Le monde est allusion,
Car tes mains l'ont formé.
Mais il gémit, en exilé,
Et crie sa désolation
De n'éprouver que ton silence.
3. Dans le tourment de ton absence,
C'est toi déjà, Seigneur,
Qui nous a rencontrés.
Tu n'es jamais un étranger,
Mais l'hôte plus intérieur
Qui se révèle en transparence.
4. Cachés au creux de ton mystère,
Nous te reconnaissons
Sans jamais te saisir.
Le pauvre seul peut t'accueillir,
D'un cœur brûlé d'attention,

Les yeux tournés vers ta lumière.