dimanche 30 novembre 2014

Premier dimanche de l'Avent / Année liturgique B

Marc 13, 33-37

30/11/14

Au commencement du temps de l’Avent et de la nouvelle année liturgique les textes bibliques nous redisent des vérités fondamentales. C’est en s’appuyant sur ces vérités que notre vie chrétienne peut grandir et se fortifier tout au long de ce temps de l’Avent.
La première de ces vérités, c’est que Dieu est notre Père et notre créateur. Isaïe utilise une belle image : « Nous sommes l’argile, et tu es le potier : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains ». Notre vie est donc un don de Dieu. Ce miracle de la vie nous pouvons le contempler en chacun de nous mais aussi dans toutes les autres créatures qui, avec nous, peuplent notre planète terre, « la sœur mère terre », comme l’appelait saint François d’Assise, cité par le pape François.
Ensuite les lectures de ce dimanche affirment que Dieu est aussi notre Rédempteur, notre Sauveur. Et c’est l’importance de la vie de la grâce divine en nous qu’il faut alors souligner. Dieu ne nous donne pas seulement la vie humaine mais aussi la vie surnaturelle : c’est-à-dire son amour agissant en nous pour nous sanctifier et faire de nous ses fils bien-aimés. Isaïe nous parle de l’absence de la grâce divine : « Tu nous avais caché ton visage, tu nous avais laissés au pouvoir de nos péchés ». Et Paul se réjouit de la grâce de Dieu accordée aux chrétiens dans le Christ Jésus : « en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu… Aucun don spirituel ne vous manque ». Pensons à ce que l’Esprit Saint réalise en nous par le baptême et la confirmation, par notre participation active à l’eucharistie, par le temps que nous donnons à Dieu dans la prière personnelle et la méditation des Ecritures.
Nous parvenons ainsi à la troisième grande vérité qui concerne notre manière de répondre aux dons que Dieu nous fait. Isaïe nous indique comment nous pouvons demeurer en communion avec Dieu notre Père, auteur de la vie et origine de la grâce : « Tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie, et qui se souvient de toi en suivant ton chemin ». Quant à Jésus il nous demande à trois reprises de veiller dans l’attente de son retour. Notre vigilance est le signe que notre foi est bien vivante. Etre vigilant c’est toujours rechercher la présence du Seigneur dans nos vies. C’est écouter sa Parole dans l’Evangile et nous engager avec toutes nos forces à la mettre en pratique. C’est par notre vigilance que nous pouvons vaincre le découragement et le désespoir, c’est par elle que nous pouvons aussi surmonter la fatigue du poids des jours et des années, surtout quand nous parvenons aux dernières années de notre vie terrestre. Notre réponse libre aux dons du Seigneur, notre attitude de veilleurs, nous la devons à Jésus. Car, comme le dit saint Paul, « c’est lui qui vous fera tenir solidement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ ».

Ce temps de l’Avent exige donc de chacun de nous un renouvellement de notre acte de foi : foi en Dieu créateur et sauveur, foi en sa fidélité à notre égard. Si nous faisons vraiment cet acte de foi de manière personnelle, en particulier dans la prière quotidienne, alors la grâce divine nous transformera et nous fera progresser dans la vie de communion avec la Sainte Trinité. Ayons recours à la prière de la Vierge Marie, et demandons-lui de pouvoir renouveler notre acte de foi tout au long de cet Avent. Elle est « pleine de grâce » et Jésus nous l’a donnée comme Mère.

dimanche 23 novembre 2014

LE CHRIST ROI DE L'UNIVERS / A

23/11/14

Matthieu 25, 31-46

Nous voici parvenus au terme de l’année liturgique avec la solennité du Christ, roi de l’univers.
Nous connaissons bien l’évangile de ce dimanche, cette scène du jugement dernier que Michel-Ange a voulu représenter dans la chapelle Sixtine. Jésus nous parle ici de sa venue à la fin des temps. De ce moment où, pour reprendre les mots de saint Paul, « tout sera sous le pouvoir du Fils », après avoir détruit la mort. Ce sera le temps de l’accomplissement du Royaume de Dieu. Le Christ roi se présente à nous dans cette scène sous la figure du juge et celle du pasteur. Il est le Vivant depuis la victoire de Pâques, il est le Roi de la vie. Et c’est pour cela qu’il a épousé notre condition humaine à Noël, pour que nous ayons la vie, et que nous l’ayons en abondance. Le but ultime de sa mission c’est que Dieu son Père soit « tout en tous ». Il est roi pour se mettre au service de ce grand projet de Dieu : la communion parfaite entre la création, les créatures et leur créateur et Père ou, pour le dire autrement, la réconciliation universelle en Dieu et par Dieu.
Le jugement dernier correspond à une séparation entre les brebis et les chèvres, entre les justes et les maudits. Ce qui signifie que nous avons le pouvoir de nous exclure nous-mêmes de ce grand projet de réconciliation voulu par Dieu et offert à tous dans le Christ. Dans cette mise en scène du jugement dernier quel est le critère de séparation entre les justes et les maudits, les élus et les damnés ? Jésus ne parle ici ni de foi ni de baptême. Alors que beaucoup d’autres textes du Nouveau Testament insistent sur l’importance du baptême et de la foi pour pouvoir être sauvé… Le juge parle des « petits » qui sont ses frères. C’est notre attitude concrète par rapport à ces petits qui nous jugera. Une autre traduction propose à la place de « petits » les « derniers », ce qui nous aide à mieux comprendre qui sont ces petits. Ce ne sont pas les enfants bien sûr, même si les enfants peuvent faire partie de cette catégorie de personnes. Quand nous regardons les exemples donnés (avoir faim et soif, être un étranger, être nu, être malade ou en prison) nous saisissons que le point commun entre toutes ces situations c’est une certaine faiblesse, une vulnérabilité. Les petits qui sont les derniers se distinguent donc des riches et des puissants, qui, eux, n’ont besoin de l’aide de personne. Les petits, eux, ne peuvent pas compter sur un réseau de relations ou sur l’argent pour survivre. Ils sont littéralement dépendants des autres, de leur bonté, de leur générosité et de leur compassion. Finalement le message de cet évangile est très simple. Le roi nous enseigne que si nous désirons entrer dans la vraie vie il nous faut lutter jour après jour contre notre égoïsme et notre indifférence. C’est l’exercice de la vertu de charité vécue de manière personnelle et dans le cadre d’associations qui est la marque de reconnaissance du chrétien. Notre monde dans ses structures mêmes et dans son organisation politique et économique demeure sourd à l’appel du Christ roi. Ce sont les structures de péché, c’est-à-dire une organisation de la société qui favorise l’expansion du mal. Ce qui est mis en avant c’est l’avidité et la concurrence, il faut être le plus fort, le plus gros (pensons aux multinationales), le plus malhonnête, et bien souvent le plus cynique, afin de mieux écraser l’autre et de pouvoir ainsi régner seul sur un champ de ruines. Les rapports qui régissent notre monde ne sont pas des rapports de coopération et de solidarité en vue de ce qui est juste et bon, en vue du bien du plus grand nombre, mais ce sont des rapports de domination, de violence et d’oppression visant à assurer à une infime minorité une richesse indécente au détriment des « petits » en qui Jésus se reconnaît. Tout cela ne doit pas nous décourager d’être sel de la terre et lumière du monde en essayant de mettre en œuvre dans notre vie une autre logique, celle de l’évangile. Que la parole du prophète Michée nous accompagne dans notre désir de nous convertir à cette justice du Royaume des cieux :


« Homme, on t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu. »

mardi 11 novembre 2014

11 novembre 2014 / Centenaire de la première guerre mondiale

Liturgie de la parole à saint Ansgar

11/11/2014

Cette année nous commémorons le centenaire de la première guerre mondiale. A l’occasion de ce temps de prière et de recueillement en mémoire de toutes les victimes des guerres, je voudrais donner la parole à un écrivain français, Romain Rolland (1866-1944), prix Nobel de littérature en 1915. Au moment où le conflit éclata il se trouvait à Genève et c’est dans le Journal de Genève qu’il publia une série d’articles tout au long des années 1914-1915, articles plus tard rassemblés dans un recueil intitulé Au-dessus de la mêlée et qui demeure encore aujourd’hui le plus célèbre manifeste pacifiste de la première guerre mondiale. L’homme de lettres français s’est dévoué corps et âme pendant toute la durée du conflit en faveur des prisonniers de guerre et de leurs familles, en particulier dans le cadre de son engagement au sein de la Croix rouge. Alors que beaucoup d’intellectuels en France comme en Allemagne avaient mis leur talent littéraire au service d’un patriotisme aveugle et avaient glorifié la guerre comme sacrée et nécessaire, Romain Rolland a toujours fait appel à la raison. Du côté allemand le grand écrivain Hermann Hesse, résidant lui aussi en Suisse, s’engagea dans un combat semblable à celui de Romain Rolland. Pour ce dernier il s’agissait avant tout de se défendre de « la haine, qui est plus meurtrière encore que la guerre ». Il avait l’art des formules concises et puissantes :

« Dans la lutte éternelle entre le mal et le bien, la partie n’est pas égale : il faut un siècle pour construire ce qu’un jour suffit à détruire ».

« Je trouve la guerre haïssable, mais haïssables plus ceux qui la chantent sans la faire ».

Et le français Romain Rolland n’hésite pas un instant à citer la lettre d’un soldat allemand :

« Le désir de la paix est intense chez tous, chez tous ceux du moins qui se trouvent sur le front, qui sont obligés d’assassiner et de laisser assassiner… Ils parlent d’une guerre sacrée… Moi, je ne connais pas de guerre sacrée… Mais les enthousiastes de la guerre, qu’ils viennent ! Peut-être qu’ils apprendront à se taire… ».

Si beaucoup d’intellectuels ont failli dans leur mission d’humanistes, emportés qu’ils furent par le flot de la haine, les hommes politiques, ceux qui déclarent les guerres au nom des peuples, portent une responsabilité morale encore plus lourde :

« Ces guerres, je le sais, les chefs d’Etat qui en sont les auteurs criminels n’osent en accepter la responsabilité ; chacun s’efforce sournoisement d’en rejeter la charge sur l’adversaire ».

Mais c’est finalement la soumission des peuples à l’égard de leurs dirigeants bellicistes qui rend la guerre possible:

« Et les peuples qui suivent, dociles, se résignent en disant qu’une puissance plus grande que les hommes a tout conduit. On entend, une fois de plus, le refrain séculaire : ‘Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté’, - le vieux refrain des troupeaux, qui font de leur faiblesse un dieu, et qui l’adorent ».

Pour Romain Rolland ce sont aussi les Eglises chrétiennes (et les chrétiens) qui ont gravement failli au témoignage qu’elles auraient dû rendre en cautionnant le patriotisme aveugle et la haine de l’ennemi :

« Nous avons vu, de notre temps, des hommes d’Eglise chercher, trouver dans l’Evangile la légitimation de la banque ou celle de la guerre ».

Le carburant idéologique de la première guerre mondiale comme de beaucoup d’autres guerres fut bien l’impérialisme dénoncé par Romain Rolland comme « le pire ennemi » :

« Cette volonté d’orgueil et de domination, qui veut tout absorber, ou soumettre, ou briser, qui ne tolère point de grandeur libre, hors d’elle… Chaque peuple, a, plus ou moins, son impérialisme ; quelle qu’en soit la forme, militaire, financier, féodal, républicain, social, intellectuel, il est la pieuvre qui suce le meilleur sang de l’Europe ».

En humaniste authentique il estime qu’en temps de guerre un peuple doit aussi défendre sa raison.

« Les flots de sang, les villes incendiées, toutes les atrocités de l’action et de la pensée n’effaceront jamais dans nos âmes tourmentées le sillage lumineux de la barque de Galilée, ni les vibrations profondes des grandes voix qui, à travers les siècles, proclamèrent la raison patrie de tous les hommes ».

C’est avec une prière écrite par un officier allemand que je conclurai cette évocation de Romain Rolland :

« Toi qui donnes la vie, toi qui la prends, comment te reconnaître ? Dans ces tranchées jonchées de corps mutilés, je ne te trouve pas. Le cri déchirant de ces milliers qu’étouffe l’affreuse étreinte de la mort ne perce-t-il pas jusqu’à toi, ou se perd-il dans l’espace glacé ? Pour qui doit fleurir ton printemps ? Les splendeurs de tes soleils, pour qui ? Oh ! Pour qui, mon Dieu ? Je te le demande au nom de tous ceux à qui le courage et la peur ferment la bouche devant l’horreur de tes ténèbres : quelle chaleur ai-je en moi ? Quelle vérité luit ? Ce massacre peut-il être ta volonté ? Est-ce ta volonté ? »

En fait seule une justice véritable et une démocratie authentique peuvent nous préserver du fléau de la guerre. Dans la France de 2014, patrie des droits de l’homme, dans la France qui a pour devise « liberté, égalité, fraternité », un jeune homme, Rémi Fraisse, vient de perdre la vie, tué par les forces de l’ordre. Son seul crime : être un militant écologiste qui s’opposait à un projet de barrage. Notre époque a le triste privilège de voir naître un nouveau type de guerre : celle des gouvernants contre leur peuple, contre des citoyens qui manifestent légitimement, sans violence, leur opposition à certaines de leurs décisions, contre des citoyens qui estiment que la démocratie ne saurait se réduire à voter une fois tous les cinq ans pour ensuite se contenter d’obéir en attendant passivement le prochain moment « démocratique » nommé élections…

Au niveau de l’Union européenne, de certaines institutions politiques et économiques internationales, on ne cesse de répéter aux peuples qu’il n’y a pas d’alternative à l’organisation actuelle, pourtant catastrophique à bien des égards. A la fatalité de la guerre condamnée par Romain Rolland en 1914 se substitue de nos jours une nouvelle fatalité qui plonge les peuples et les citoyens dans la frustration et le désespoir. Cette situation constitue une grave menace pour la paix. Quand une oligarchie politique et financière ne cesse de s’attaquer à la liberté des citoyens et à la souveraineté des peuples on peut en effet craindre le pire. Le meilleur moyen de promouvoir la paix est de permettre aux citoyens une réelle participation aux décisions politiques et économiques les concernant, en leur assurant aussi le droit fondamental à l’objection de conscience. Car sans liberté véritable la dignité de l’homme est bafouée.

Je terminerai en citant un passage du Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise :

« La personne humaine est le fondement et la fin de la communauté politique… La communauté politique trouve dans la référence au peuple sa dimension authentique… Le peuple n’est pas une multitude amorphe, une masse inerte à manipuler et à exploiter, mais un ensemble de personnes dont chacune – à la place et de la manière qui lui sont propres- a la possibilité de se former une opinion sur la chose publique et la liberté d’exprimer sa sensibilité politique et de la faire valoir en harmonie avec le bien commun… Le sujet de l’autorité politique est le peuple, considéré dans sa totalité comme détenteur de la souveraineté ».


dimanche 9 novembre 2014

32ème dimanche du temps ordinaire / A

Matthieu 25, 1-13

9/11/2014

Dans les derniers jours de son ministère public le Seigneur Jésus fait entrevoir à ses disciples sa venue après l’accomplissement du mystère pascal, ce que nous appelons aussi son retour dans la gloire ou son second avènement. Cette venue du Christ correspondra avec l’établissement du Royaume des cieux dans sa plénitude.
L’image utilisée par la parabole des dix jeunes filles (ou des dix vierges) est celle des noces. Le Christ est l’Epoux. La parabole ne nous donne pas beaucoup de détails sur les circonstances de sa venue. Nous savons simplement qu’il tarde à venir et qu’il vient en plein milieu de la nuit, c’est-à-dire au moment où généralement nous dormons. Les premiers chrétiens, et Paul avec eux comme nous le montre la deuxième lecture, pensaient voir la venue du Christ de leur vivant. Or le monde semblait continuer comme avant et le Christ n’était toujours pas revenu dans sa gloire. La déception était grande et le doute grandissant. C’est ce qui explique ce passage de la deuxième lettre de Pierre :
Sachez d’abord que, dans les derniers jours, des moqueurs viendront avec leurs moqueries, allant au gré de leurs convoitises, et disant : « Où en est la promesse de son avènement ? En effet, depuis que les pères se sont endormis dans la mort, tout reste pareil depuis le début de la création. » Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion.

La parabole de ce dimanche s’intéresse davantage à l’attitude des jeunes filles qu’aux circonstances du retour du Christ. Jésus l’a donc prononcée pour nous qui sommes ses disciples, pour nous indiquer quelle doit être notre attitude pendant le temps de l’Eglise qui est aussi celui de l’attente de sa venue comme nous le proclamons au cœur de chaque eucharistie : « Nous attendons ta venue dans la gloire ».

Le chrétien doit en effet prendre pour modèle les jeunes filles prévoyantes, « celles qui étaient prêtes » et qui furent admises aux noces. La lampe et l’huile en réserve sont des éléments essentiels de notre parabole. Nous pouvons donc nous demander ce que représentent ces images dans notre vie chrétienne. Ce que Jésus nous demande c’est la persévérance et la vigilance. Qu’est-ce qui nous permettra, même si nous sommes endormis au moment de la venue de l’époux, de pouvoir l’accueillir comme il se doit et d’entrer avec lui dans la salle des noces ? La lampe pourrait représenter la foi qui nous permet en quelque sorte de voir l’invisible. La lampe c’est probablement aussi l’espérance qui oriente notre regard au-delà de la nuit de notre mort vers le jour lumineux de la rencontre avec le Christ, époux de nos âmes. Mais que sont la foi et l’espérance sans la charité ? Cette huile que les vierges prévoyantes ont prise en réserve n’est-ce pas le feu de l’amour, le feu de l’Esprit Saint ? Si notre amour pour Dieu s’est affaibli ou éteint, comment pourrons-nous persévérer dans la vie chrétienne alors que l’Epoux semble tarder ?
La fin de l’Evangile, le dialogue entre les vierges insensées et l’Epoux, reprend beaucoup d’éléments d’un enseignement donné par Jésus au début de l’Evangile selon saint Matthieu :

Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Ce jour-là, beaucoup me diront : “Seigneur, Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons expulsé les démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?” Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus. Écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal !”

Ce qui nous procurera l’huile en réserve pour la venue du Seigneur ce ne sont pas les marchands mais bien notre fidélité de chaque jour à la volonté du Père. Et comment être fidèle à cette volonté si nous n’avons pas au plus profond de notre cœur l’amour ? Si nous ne nous laissons pas guider par l’Esprit Saint ? Oui, c’est l’amour et lui seul qui nous permet de persévérer dans la vie chrétienne et d’entrer, lorsque le Seigneur le voudra, dans la salle des noces.

Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité.







dimanche 2 novembre 2014

TOUSSAINT

Matthieu 5, 1-12

La sainteté est le propre de Dieu. C’est cette sainteté divine que nous proclamons au cœur de chaque messe par le chant du Sanctus qui s’inspire d’un texte du prophète Isaïe :

« L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. »

Dans l’Ancien Testament la sainteté de Dieu se confond presque avec sa gloire. Dieu est Esprit, Dieu est transcendant : le Créateur est tout autre par rapport à ses créatures. Sa sainteté exprime aussi cette distance entre le Créateur et les créatures. Dans le culte divin mis en place par la Loi de Moïse on distingue le sacré du profane, et dans la vie de chaque jour le pur de l’impur. Ce sont autant de manières pour le juif d’honorer le Dieu saint. La sainteté et la gloire de Dieu sont liées à l’arche d’alliance, lieu privilégié de la présence divine. Arche qui a voyagé avec le peuple à travers le désert et qui était placée sous la tente de la rencontre, arche qui ensuite a été transférée par David dans le premier temple de Jérusalem. Puis est venu le temps de l’accomplissement des promesses avec la nouvelle alliance, une alliance éternelle. Dans le mystère de l’incarnation Dieu qui est Esprit épousait notre humanité en son Fils Jésus. Dieu venait vivre notre condition humaine de l’intérieur pour nous dire son amour et sa proximité. Quand saint Jean nous parle de ce mystère dans le prologue de son évangile, il écrit : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire ». Le texte grec utilise une expression significative : « Il a planté sa tente au milieu de nous », expression qui rappelle la tente de la rencontre. Jésus est donc la nouvelle arche d’alliance, le temple nouveau et éternel, celui qui rayonne la sainteté et la gloire de Dieu. Avec la venue de Jésus la sainteté de Dieu n’est plus localisée dans un temple mais elle se répand dans toute la création et particulièrement dans le cœur des hommes. Tout est appelé à devenir sacré même les réalités les plus humbles et les plus charnelles. Il n’y a plus rien d’impur dans la création si ce n’est le mal qui provient du cœur de l’homme et qui le pousse à pécher. Saint Paul n’hésitera pas à dire que désormais « tout est pur pour les purs ».
La fête de la Toussaint nous rappelle que nous participons à cette sainteté de Dieu par le baptême, la confirmation et tous les autres sacrements mais aussi par la foi et la charité. Nous pouvons avoir parfois une fausse conception de la sainteté chrétienne, comme si cette dernière était réservée aux ermites et aux moines. Jésus en prenant notre condition humaine et en vivant une vie ordinaire au milieu de son peuple nous fait comprendre au contraire que le don de la sainteté est offert à tous et cela dans les conditions de notre vie quotidienne. Dans l’évangile des Béatitudes nous n’avons pas entendu Jésus nous dire : « Heureux ceux qui ont des visions et des extases, heureux ceux qui font des miracles, heureux ceux qui parlent en langues ». Les Béatitudes nous parlent d’abord d’une disposition intérieure, d’une qualité du cœur. Ce n’est pas en nous détournant de notre monde que nous serons saints. Jésus nous demande plutôt de nous sanctifier au cœur de ce monde avec tous ses problèmes et ses défis, et nous savons qu’ils sont nombreux. La sainteté consiste à ne pas perdre l’espérance d’un monde nouveau, d’une création nouvelle, puisque Jésus a voulu tout sanctifier depuis la nuit de Noël. Le trésor de la sainteté nous est particulièrement confié à nous qui sommes chrétiens. Il nous revient de le faire fructifier en nous engageant jour après jour à faire le bien selon l’esprit de l’Evangile. Participer à la sainteté de Dieu c’est une réalité concrète qui doit donc avoir des conséquences visibles dans notre manière d’être, dans notre comportement, nos engagements et nos choix de vie. Diverses associations, chrétiennes ou pas, nous permettent de mettre notre foi en pratique dans divers domaines : la pauvreté et la faim dans le monde, la justice sociale, l’écologie, la lutte contre la torture et la peine de mort, la promotion d’une paix véritable etc. Oui, nous serons heureux de la joie même de Jésus si nous ne laissons pas dormir en nous le don de la sainteté ; oui, nous serons heureux de sa joie si nous sommes prêts à accepter la souffrance en raison de notre engagement pour la paix et la justice sur cette terre.
Recevons en cette fête l’enseignement de l’apôtre Paul :

« Dans le Christ Jésus, ce qui a de la valeur, ce n’est pas que l’on soit circoncis ou non, mais c’est la foi qui agit par la charité… Ne nous lassons pas de faire le bien, car, le moment venu, nous récolterons, si nous ne perdons pas courage. »