dimanche 27 avril 2014

Deuxième dimanche de Pâques

27/04/14

Jean 20, 19-31

Le dimanche dans l’octave de Pâques, dimanche de la divine miséricorde, nous fait entendre chaque année le même évangile, celui de la double manifestation du Ressuscité à ses apôtres puis à Thomas.

Regardons d’abord quelle est la situation des disciples le soir de Pâques. Nous nous souvenons que Pierre et Jean, avertis par Marie Madeleine, sont allés au tombeau et l’ont trouvé ouvert et vide. Jean en voyant ce signe ainsi que les linges funéraires a cru. Ensuite Marie Madeleine a annoncé aux apôtres la résurrection du Seigneur : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit ». Malgré tout cela les apôtres, dont le nom signifie « envoyés », restent chez eux, paralysés par la peur de connaître un sort semblable à celui de Jésus. Nous le constatons les disciples n’étaient pas des personnes crédules ou faciles à convaincre. D’où la nécessité pour eux de voir Jésus vivant. Celui-ci leur montre ses mains et son côté : son corps glorieux porte encore les marques de la Passion. Cela est important pour les disciples. Ils auraient pu penser être les victimes d’une illusion : une espèce de fantôme. Mais non, l’homme qui se tient vivant au milieu d’eux est bien celui qu’ils ont connu et vu crucifié. Pour se faire reconnaître d’eux Jésus se montre donc avec les marques de sa Passion. Dès le soir de Pâques il leur communique le fruit le plus précieux de sa mort et de sa résurrection : l’Esprit Saint. Et il les envoie en mission. Leur mission sera le prolongement de la mission de leur Maître, lui-même envoyé par le Père. Dans les autres évangiles Jésus avait donné rendez-vous à ses disciples en Galilée, la région où tout avait commencé pour eux, leur région d’origine. Il s’agit de les faire sortir de Jérusalem, lieu de la peur, pour qu’ils commencent leur mission. Mais huit jours plus tard ils sont toujours enfermés dans le même lieu. Nous voyons que l’Esprit Saint ne les a pas contraints. L’Esprit de Dieu ne peut agir que si librement nous le lui permettons. A la suite de Marie Madeleine ils annoncent à leur tour à Thomas la nouvelle bouleversante, totalement inattendue : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais Thomas a besoin de voir pour croire. D’où la deuxième manifestation du Ressuscité qui lui est particulièrement destinée. Pour Jésus il est en effet essentiel que tous ses apôtres puissent être les témoins de sa résurrection. Nous constatons que Dieu respecte le rythme personnel de chacun de ceux qu’il a choisis pour être les témoins de son Fils. Jean a cru dès le début, les autres ont eu besoin de plus de temps, et Thomas ne peut pas se contenter du témoignage de ses frères. Sa foi doit venir directement de Jésus lui-même. En ce qui nous concerne notre foi en Jésus Ressuscité nous vient de l’Eglise, par l’Eglise qui transmet le témoignage des apôtres depuis les origines. Thomas voulait voir avant de croire. Pour nous c’est l’inverse qui est vrai : nous devons croire afin de voir. Dans les premières pages de l’évangile de Jean nous trouvons une illustration de ce principe. A la question des deux disciples de Jean le baptiste, « Maître, où demeures-tu ? », Jésus répond : « Venez et vous verrez ». C’est en faisant d’abord le pas de la foi que nous verrons, c’est-à-dire que nous comprendrons peu à peu où demeure Jésus, qui il est. Plus loin dans l’entretien avec Nicodème le Seigneur affirme : « Celui qui pratique la vérité vient vers la lumière ». Cela signifie que la foi n’est pas quelque chose de théorique et d’abstrait. La foi est une action, elle est inséparable de ce que saint Jacques appelle les œuvres. C’est dans la mesure où nous essayons jour après jour de mettre en conformité notre vie avec notre foi que nous verrons. Voir cela signifie progresser et grandir dans la vie de foi, être capable de reconnaître la présence et l’action du Seigneur Ressuscité dans son Eglise et dans le monde.

dimanche 20 avril 2014

Dimanche de Pâques



Jean 20, 1-9

L’Evangile du jour de Pâques ne nous montre pas Jésus ressuscité. Ce choix de l’Eglise pourrait nous paraître étrange. Mais l’Eglise veut nous faire revivre pas à pas les différentes étapes qui ont conduit les disciples à croire en Jésus ressuscité d’entre les morts. Nous sommes ainsi amenés à partager l’expérience qui fut celle de Marie Madeleine à l’aube du jour de Pâques, le lendemain du sabbat. D’après saint Jean ce sont deux hommes, Joseph d’Arimathie et Nicodème, qui se sont chargés de la mise au tombeau du Christ. Ce tombeau était creusé dans le roc et fermé par une pierre de forme circulaire pouvant donc rouler sur elle-même. Marie en arrivant au tombeau constate qu’il est ouvert et que la pierre a été roulée. Etrangement on ne nous dit pas qu’elle a pénétré à l’intérieur du tombeau. Mais immédiatement elle s’en va porter la nouvelle à Pierre et Jean, demeurés en ville : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ». Nous le constatons Marie n’annonce pas la résurrection aux apôtres mais seulement le fait du tombeau vide : le corps du crucifié a disparu. Les disciples n’étaient pas des personnes crédules. Ils avaient les pieds bien sur terre. Et malgré les annonces de Jésus quant à sa résurrection ils étaient persuadés que tout était désormais fini. La fin de notre évangile nous montre que si le signe du tombeau vide et des linges funéraires a conduit Jean à  croire, Pierre, quant à lui, n’a pas été convaincu. Après leur visite matinale au tombeau les disciples se contentent de rentrer chez eux. Ils ne restent pas sur place dans l’attente d’un nouveau signe, contrairement à Marie Madeleine. La foi pascale ne s’est donc pas imposée aux disciples immédiatement le matin de Pâques. Il leur faudra du temps pour être convaincus de la victoire de Jésus sur la mort. Leur situation est en effet très différente de la nôtre. Si nous sommes nés dans une famille chrétienne nous avons entendu parler de la résurrection de Jésus dès notre enfance à travers le catéchisme et la liturgie. Les premiers chrétiens, Pierre, Jean et Marie, n’avaient pas en main le catéchisme de l’Eglise catholique. C’étaient des Juifs qui sont arrivés à la foi pascale, non pas à travers un enseignement ou une doctrine, mais par une expérience personnelle. Pour eux l’expérience de Jésus vivant est première. Ce n’est qu’après qu’ils ont élaboré une doctrine, un catéchisme, particulièrement grâce au génie de saint Paul, le dernier venu dans le groupe des apôtres. Quant à nous, nous commençons la plupart du temps par un enseignement alors que nous sommes enfants. Et c’est ensuite que nous devons faire l’expérience de Jésus mort et ressuscité pour nous. C’est toute la difficulté de la catéchèse. Comment passer d’un enseignement à une expérience spirituelle ? Comment passer de nos connaissances d’enfant à l’âge adulte de la foi ? Nous avons tous entendu un jour ou l’autre cette expression : « il a perdu la foi ». Beaucoup de parents et de grands-parents se lamentent de ce que les jeunes ne persévèrent pas dans la pratique religieuse après leur première communion ou leur confirmation. En fait il semble impossible de « perdre la foi ». Les adolescents qui s’éloignent de la pratique religieuse avaient des connaissances mais probablement n’étaient-ils pas devenus des croyants. Notre erreur consiste à croire que tous les enfants qui participent au catéchisme sont automatiquement des croyants. L’Eglise peut bien donner un enseignement mais elle est incapable de donner la foi. Seul l’Esprit Saint donne la foi en Jésus mort et ressuscité. Tout cela signifie que nous ne pouvons pas nous dispenser de vivre personnellement ce que les premiers chrétiens ont vécu à partir du jour de Pâques. On ne naît pas chrétien, on le devient. La foi n’est jamais un automatisme. Notre foi en Jésus mort et ressuscité exige bien plus qu’un bon catéchisme. Elle exige une expérience intérieure et spirituelle de la réalité de Jésus vivant dans nos vies et dans l’Eglise. Cette expérience nul ne peut la faire à notre place. L’acte de foi est toujours un acte libre. C’est la raison pour laquelle il nous faut sans cesse, nous aussi, nous rendre au tombeau de grand matin pour y découvrir les signes de la résurrection. Nous avons trois domaines de notre vie chrétienne nous permettant de grandir dans la foi : les sacrements, la prière personnelle et la vie de charité. L’amour concret du prochain est en effet la voie royale pour rencontrer le Christ vivant dans notre quotidien. C’est en nous faisant les serviteurs de la dignité et de la beauté de la vie en tout homme et dans la création que nous ferons à notre tour l’expérience de celui qui est le Vivant.


dimanche 13 avril 2014

Dimanche des rameaux et de la Passion / année A

13/04/2014

Passion selon saint Matthieu

La célébration du dimanche des rameaux et de la Passion est l’un des sommets de notre année liturgique. Nous venons de vivre cette expérience bouleversante de la proclamation de la Passion du Seigneur dans la version qu’en donne saint Matthieu. Nous percevons spontanément toute la force de la Parole de Dieu à travers la simplicité et la sobriété du récit évangélique. Dans la deuxième lecture saint Paul donne un sens théologique à ces événements tragiques, à ces heures ténébreuses faites de fanatisme religieux, de violence extrême et finalement de négation totale de tout ce qui devrait caractériser notre humanité. Jésus en cette heure de la Passion accomplit dans son être un dépouillement et un abaissement volontaire que nous ne pouvons approcher que dans la mesure où nous savons que l’amour qu’il nous porte est de qualité divine. Seul un Dieu est capable de ce genre d’abaissement. Saint Matthieu n’hésite pas dans son récit à nous montrer le réalisme de l’incarnation. Le Fils de Dieu n’a pas fait semblant d’être un homme : il est « devenu semblable aux hommes », et a été « reconnu comme un homme à son comportement ». Aux deux extrémités de sa Passion son humanité véritable se révèle dans un contexte tragique. D’abord dans le jardin des oliviers où il ressent tristesse et angoisse comme chacun de nous face à l’imminence de sa propre mort ou encore d’une grande épreuve. Ce que Jésus recherche ce n’est ni la souffrance ni la mort mais uniquement que s’accomplisse en lui la volonté de Dieu : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! [...] Que ta volonté soit faite ! » Alors qu’il vient de subir dans sa chair et dans son âme des souffrances d’une extrême violence il crie une parole unique adressée au Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Parole qu’il emprunte au psaume 21. Du jardin des oliviers au calvaire le Fils obéissant change sa manière de s’adresser à Dieu. Il passe de l’expression intime « mon Père » à « mon Dieu », d’une demande filiale à une interrogation déchirante. Lui le juste, l’innocent, celui qui est sans péché et n’a jamais eu aucune compromission avec le mal, supporte sur le bois de la croix tout le poids de notre déshumanisation. Il concentre en sa personne toutes les violences de l’histoire humaine, nos violences, pour nous en libérer. Avant de vivre l’expérience de la mort physique il passe par une expérience autrement plus redoutable : celle de se sentir abandonné par Dieu alors qu’il est son Fils unique, son visage et sa présence au milieu de nous. Tel est le sacrifice auquel il a librement consenti pour donner à chaque homme la possibilité de renoncer au mal et de devenir fils de Dieu. C’est ainsi qu’il a transformé un horrible instrument de torture, une invention diabolique, la croix, en signe d’espérance. Cette espérance qui est celle-là même des béatitudes :
« Heureux les doux, parce qu’ils hériteront de la terre… Heureux ceux qui font œuvre de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu ».
Si Jésus lui-même a pu ressentir cet abandon, ne nous étonnons pas si à certains moments de notre vie Dieu nous semble absent et lointain, comme indifférent. Le Christ nous appelle à marcher dans la foi et l’espérance, à choisir résolument la vie, le respect inconditionnel pour la création issue du cœur de Dieu, le refus de mettre notre intelligence et nos dons au service des œuvres de destruction et de mort. C’est avec la création tout entière sauvée par l’amour du Christ que nous entrerons un jour dans la lumière de Pâques.