dimanche 28 octobre 2012

30ème dimanche du temps ordinaire


 
Le premier verset de notre Evangile campe un décor sur lequel il est intéressant de jeter un œil attentif. Comme saint Ignace de Loyola le recommande dans ses Exercices spirituels il est bon de contempler une scène évangélique avec notre imagination et pas seulement avec notre raison. Regardons les acteurs de cette scène située sur la route à la sortie de Jéricho. Seules deux personnes sont nommées : Jésus et Bartimée. Les autres, ce sont les disciples et une foule nombreuse. Eux demeurent dans l’anonymat des masses. Dès le départ nous pressentons que ce récit va plus loin que la guérison physique de Bartimée. Car entre lui et Jésus la foule fait obstacle : « Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire ». La traduction de la Bible Osty est plus directe : « Beaucoup le menaçaient pour qu’il se taise ». La relation avec Jésus est toujours une relation personnelle même si elle se vit au sein de la communauté Eglise. Tout simplement parce que ce n’est pas la communauté qui peut faire à notre place l’acte de foi en Jésus Sauveur. Et il a bien fallu au mendiant aveugle une grande foi pour crier de plus belle malgré les menaces de la foule. Son cri et sa prière parviennent aux oreilles du Seigneur qui le fait appeler. Ce verbe ne doit pas être compris de manière banale. Un peu comme dans l’histoire de Zachée, Jésus, en faisant venir Bartimée à lui, lui donne une véritable vocation, il l’appelle à le suivre et à devenir ainsi son disciple. La réponse de l’aveugle est immédiate et, note Marc, il jette même son manteau pour courir plus vite vers Jésus. Pour le mendiant qu’il était ce manteau représentait certainement un objet de grande valeur, probablement le seul qu’il possédait. Contrairement à l’homme riche qui ne put suivre Jésus parce qu’il avait de grands biens, le pauvre Bartimée sacrifie même le peu qu’il a pour répondre sans tarder à l’appel de Jésus. Bien sûr son désir premier est de retrouver la vue. Et le Seigneur va exaucer ce désir en lui disant : « Va, ta foi t’a sauvé ». C’est alors qu’en retrouvant sa vue Bartimée va aussi trouver sa vocation de disciple : « Il suivait Jésus sur la route ». Nous voyons comment, à partir de notre foi et de nos désirs tels qu’ils sont, Dieu peut nous faire avancer sur le chemin de la vie spirituelle et dans la communion personnelle avec lui. Il n’est pas rare que l’on prie pour obtenir un bienfait matériel comme une guérison par exemple et que l’on obtienne un bienfait spirituel avec ou sans la guérison qui l’accompagne. En cette année de la foi voulue par Benoît XVI, cet Evangile peut nous amener à réfléchir à la crise de la foi chrétienne dans nos pays de vieille tradition chrétienne. Comment expliquer cette indifférence massive vis-à-vis de l’Evangile de Jésus-Christ ? Chacun, qu’il soit historien, sociologue ou théologien, peut tenter de trouver des explications à la déchristianisation de nos sociétés européennes. Cet Evangile nous indique peut-être un élément de réponse intéressant. Pendant des siècles, dans un contexte de chrétienté, on a pensé que la foi se transmettait en famille et dans la société comme on transmet une tradition ou une habitude. L’aspect communautaire de la foi a souvent primé sur l’adhésion personnelle. C’est encore dans cette optique que la plupart des musulmans vivent leur foi. Aujourd’hui force est de constater que l’on ne naît pas chrétien mais qu’on le devient. La foi ne peut intéresser les jeunes générations que si elle a ce pouvoir de mettre chacun et chacune personnellement en relation avec Jésus Ressuscité. La foi en Jésus est attractive dans la mesure où elle permet de faire une expérience de changement, de conversion. Si la foi est perçue comme une force, comme une source de paix, de lumière et de joie, alors sans aucun doute elle attirera. Mais si la foi chrétienne est d’abord associée au cadre moral de la société, à une tradition identitaire tournée vers le passé, elle a peu de chances de toucher les cœurs.

dimanche 21 octobre 2012

29ème dimanche du temps ordinaire


L’Evangile de ce dimanche nous parle du Royaume des cieux et du chemin pour y parvenir. Tout part d’une demande des apôtres Jacques et Jean alors que Jésus vient d’annoncer pour la troisième fois sa mort sur le bois de la croix. « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ». Il semble bien que Jacques et Jean aient une conception bien trop humaine du paradis. Leur désir correspond en fait à la mentalité courante de leur temps, tellement courante que Jésus lui-même utilise ce vocabulaire dans l’Evangile selon saint Matthieu : Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : quand viendra le monde nouveau, et que le Fils de l'homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m'avez suivi, vous siégerez vous-mêmes sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël. Dimanche dernier Jésus nous avait déjà parlé de la vie éternelle : « Amen, je vous le dis : personne n'aura quitté, à cause de moi et de l'Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre, sans qu'il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. » Contrairement à Jacques et Jean nous bénéficions de toute la richesse de la tradition chrétienne et nous savons que le paradis ne consiste pas à avoir une place privilégiée ou d’honneur auprès du Christ dans sa gloire. Le Royaume des cieux n’est pas la reproduction des royaumes de cette terre. Il ne s’inspire pas des règles de préséance dans les grandes réceptions données par les puissants de ce monde ou encore des podiums olympiques. En tant que chrétiens nous ne demandons pas au Christ notre Maître un fauteuil confortable à sa droite ou à sa gauche. Nous lui demandons de vivre en communion avec lui, dès ici-bas et pour toujours dans la vie éternelle. Il faudrait se représenter le paradis comme un lieu avec de l’espace et donc des distances pour imaginer que certains pourraient avoir une place privilégiée par rapport à d’autres. Le paradis n’est pas un lieu, il est un état. Dans l’état de la béatitude nous n’aurons plus un corps tel que le nôtre, un corps qui se situe dans l’espace, mais un corps ressuscité et glorieux, d’où l’inutilité des fauteuils et des premiers rangs… Dans l’Evangile selon saint Jean le Seigneur nous donne une représentation plus juste parce que plus spirituelle de notre vocation à la béatitude : Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi…Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant même la création du monde. Le Paradis, c’est donc tout simplement être avec Jésus dans la gloire de la Sainte Trinité. Souvenons-nous de la promesse du Christ en croix au bon larron : « Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis ». Le chemin qui nous mène à cet accomplissement de notre vie humaine et de notre vie de baptisés n’est pas celui de la gloire humaine. Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Si notre idéal de vie consiste à exercer une domination sur les autres ou encore à avoir un grand pouvoir, il est logique que nous ayons une vision du paradis bien trop humaine. Un paradis où nous pourrions fanfaronner aux côtés de Jésus et juger les impies et les pécheurs. Par contre si le paradis c’est être parfaitement unis à Jésus dans une charité divine et universelle alors nous n’avons pas d’autre chemin que Lui pour y parvenir. Ce qui signifie que c’est en imitant notre Maître que nous serons un jour capables de vivre pour toujours avec Lui. Si nous voulons régner dans le sens chrétien du terme nous devons être prêts à servir comme Lui, Jésus, a servi. Parce que l’on ne peut régner dans le Royaume de l’amour divin sans d’abord s’exercer à aimer ici-bas. Et aimer signifie toujours se faire le serviteur du bien et du bonheur de notre prochain. Aimer signifie enfin non seulement désirer de tout notre cœur le bien mais aussi supporter le mal avec patience, et d’abord notre propre péché, sans jamais perdre notre espérance.
Ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux.