dimanche 25 mars 2012

Cinquième dimanche de Carême

Avec le dernier dimanche de Carême nous commençons d’une manière plus directe notre préparation aux fêtes pascales. Il nous reste encore deux semaines pour bien profiter de ce temps de grâce qui nous est offert chaque année par la liturgie de l’Eglise. Les vacances scolaires vont arriver et avec elles des déplacements pour beaucoup d’entre vous. Comment faire pour ne pas oublier le Seigneur dans cette ultime période du Carême ? Vacances et rencontres familiales pourraient faire passer la célébration de Pâques bien après tous nos soucis d’organisation ou encore nos divertissements. Le désir de connaître le Seigneur, de l’aimer et de le servir doit sans cesse être renouvelé en nous. A ce titre le début de l’Evangile de ce dimanche est un bon encouragement à ne pas relâcher notre effort alors que la fête de Pâques se fait toute proche. Des Grecs, probablement des païens sympathisants du judaïsme, viennent vers Philippe et lui disent : « Nous voudrions voir Jésus ». Ces hommes ont compris que s’il y avait un Dieu il ne pouvait être qu’unique et c’est le monothéisme de la foi juive qui les a attirés à Jérusalem pour la grande fête de la Pâque. Leur demande nous rappelle une autre demande au début du même Evangile. Deux disciples de Jean le baptiste se mettent à suivre Jésus et lui posent la question suivante : « Maître, où demeures-tu ? » Notons dans notre Evangile l’importance de Philippe et ensuite d’André qui servent d’intermédiaires entre ces hommes venus de Grèce et Jésus. C’est déjà le rôle de l’Eglise qui se met en place. Et donc notre rôle en tant que membres de l’Eglise. L’Eglise a comme vocation d’écouter les questions des hommes de notre temps, qu’ils soient chrétiens ou pas, et de conduire ces hommes en présence de Jésus. L’Eglise par sa vie et le témoignage qu’elle donne doit permettre aux hommes en recherche spirituelle de voir Jésus. Et nous aussi comme les apôtres Philippe et André nous sommes des intermédiaires si nous avons conscience de notre mission de baptisés. Je parlais de raviver notre désir de communion avec le Christ. Sommes-nous comme ces Grecs désireux de voir Jésus ? C’est-à-dire de mieux le connaître pour mieux l’aimer ? La réponse du Seigneur au désir des Grecs a de quoi nous surprendre. Il leur parle de son heure désormais toute proche, celle de sa Passion et de sa mort sur le bois de la Croix. Il leur parle donc de sa disparition, de la fin de son parcours terrestre. Mais aussi de sa résurrection et de la gloire divine qui est la sienne. Que faire pour voir ce Jésus qui semble jouer à cache-cache avec nous, insaisissable comme l’est celui qu’il ne cesse de nommer son Père ? La réponse est claire : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ». On ne peut pas voir le Seigneur et encore moins le connaître et l’aimer si l’on n’est pas prêt à le suivre. La foi est toujours un chemin à prendre. Jésus lui-même se présente à nous comme ce Chemin. L’acte de foi est enraciné dans notre passé, vécu aujourd’hui. Mais il ne serait plus un acte de foi authentique s’il ne nous projetait pas vers l’avenir. Ce qui signifie que notre vie de foi est toujours en construction. La foi n’est pas une réalité statique mais vivante et dynamique qui embrasse toutes les dimensions de notre temps humain. Suivre Jésus c’est obligatoirement vivre en communion avec lui le mystère de l’incarnation et celui de Pâques. « Grain de blé tombé en terre », « élevé de terre » sur le bois de la Croix, le Seigneur nous attire à sa suite pour rendre nos vies belles et fécondes. Le suivre c’est accepter de vivre de nombreuses petites morts et petites résurrections jusqu’au jour où nous passerons de notre vie terrestre dans la Pâque éternelle : « Là où je suis, là aussi sera mon serviteur ».

dimanche 11 mars 2012

Troisième dimanche de Carême

Les partisans d’un christianisme « musclé » citent souvent l’épisode des marchands chassés du temple pour justifier leur prise de position. Dans les Evangiles il semblerait que ce soit l’unique épisode qui nous rapporte un acte du Seigneur marqué par une certaine violence et inspiré par une sainte colère. Jésus lui-même donne une double explication à son acte. S’adressant tout d’abord aux marchands il dit : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». D’autres traductions parlent de « maison de commerce ». Ce qui provoque la sainte colère du Seigneur c’est tout simplement une profanation du temple. La loi de Moïse prescrivait des sacrifices d’animaux. Nous sommes dans les jours qui précèdent la grande fête annuelle de Pâques. Donc les marchands et les changeurs devaient être particulièrement nombreux sous les portiques extérieurs du temple pour répondre à la demande des pèlerins affluant en masse à Jérusalem. Comme les monnaies païennes ne pouvaient pas servir dans le temple il fallait aussi des changeurs. Jésus ne semble pas remettre en question les sacrifices d’animaux mais l’organisation commerciale qui s’était créée dans l’enceinte de la maison de son Père. En 1517 lorsque le moine Martin Luther protestera contre la vente des indulgences au profit de la construction de la nouvelle basilique saint Pierre on retrouvera le même problème. Le rapport entre religion et argent n’est donc pas nouveau. Pour Jésus ces activités commerciales profanent la sainteté du lieu, d’où son geste. Le prophète Zacharie avait annoncé cette purification du temple : « En ce jour-là il n’y aura plus de marchands dans le temple du Seigneur Dieu ». Mais l’acte de Jésus va plus loin que cela, il a aussi un autre sens. Aux Juifs, choqués, qui lui demandent de s’expliquer, il répond : « Détruisez ce temple, et en trois jours, je le relèverai » ; et saint Jean de commenter : « Le temple dont il parlait, c’était son corps ». En chassant du temple les commerçants Jésus fait un acte prophétique, un acte qui annonce quelque chose de nouveau, quelque chose à venir. La violence toute relative de l’acte annonce une violence extrême, celle de sa mort sur la croix. La purification du temple est en fait une annonce du mystère de Pâques, mort et résurrection, mystère qui passe par la violence et la souffrance pour engendrer la gloire de la vie divine dans le corps humain de Jésus de Nazareth. Le temple véritable c’est donc Jésus lui-même, Fils du Père. C’est aussi son Eglise et chacun d’entre nous puisque le baptême et la confirmation font de nous des sanctuaires de Dieu. Même si cela n’est pas dit de manière explicite ce geste annonce la fin du culte ancien et l’instauration du nouveau culte. Et de fait le culte selon la loi de Moïse s’arrêtera définitivement en 70 lorsque les romains détruiront le dernier temple, celui d’Hérode. Mais du point de vue spirituel, et pas seulement historique, le passage du culte ancien au culte nouveau se fait au moment précis où Jésus meurt sur la croix. Matthieu, Marc et Luc signalent en effet que le voile du sanctuaire se déchira en deux de haut en bas alors que Jésus offrait sa vie sur le Golgotha. Le Saint des Saints, la partie la plus sacrée du temple dans laquelle seul le prêtre pouvait pénétrer en certaines occasions, était protégé par un voile. Le Saint des Saints était le lieu de la présence divine. Ce lieu devient le corps du Christ mort et ressuscité. Dans et par le Christ nous avons accès à Dieu notre Père sans avoir à offrir des sacrifices. Quelques pages plus loin dans le même Evangile Jésus s’exprime plus clairement en prophétisant à la Samaritaine : « L’heure vient où vous adorerez le Père. Et alors ce ne sera pas sur cette montagne ou à Jérusalem… L’heure vient, et elle est déjà là, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ». Nous devons comprendre que nos églises ne sont pas la reprise du temple de Jérusalem qui était unique. Dans notre foi chrétienne le plus important ce ne sont pas les bâtiments de pierre. Les églises-bâtiments n’ont de raison d’être que pour accueillir la prière des vrais adorateurs du Père. Ce qui est premier ce sont donc les baptisés. Nous sommes les pierres vivantes d’un édifice spirituel, le corps du Christ, l’Eglise de Dieu. La charité fraternelle au sein de la communauté est la condition du culte nouveau en esprit et en vérité.

dimanche 4 mars 2012

Deuxième dimanche de Carême

Après le désert de la tentation saint Marc nous emmène sur la montagne de la transfiguration. Si l’épreuve au désert a été longue, 40 jours, l’évènement de la transfiguration a dû correspondre à un instant fugitif dans le temps. Pour bien comprendre la signification de cet évènement il faut le contempler en ayant en mémoire l’Ancien Testament. L’évangéliste nous présente en effet Jésus comme le nouveau Moïse. Si nous comparons ce que Moïse a vécu sur le mont Sinaï avec ce que Jésus a vécu sur la montagne de la transfiguration nous trouvons des points communs mais aussi des différences. Sur le Sinaï Moïse était seul face à Dieu. Ici Jésus prend avec lui trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean, pour en faire des témoins privilégiés. Mais dans les deux cas la scène se passe sur une montagne. La mention de la nuée sur la montagne rappelle aussi l’Ancien Testament. Voici ce que Dieu avait dit à Moïse : « Je vais venir à toi dans l’épaisseur de la nuée, pour que le peuple entende quand je parlerai avec toi et qu’il ait confiance en toi aussi pour toujours ». En même temps il y a aussi une différence entre les deux récits car sur la montagne du Sinaï il y avait « des tonnerres, des éclairs et une épaisse nuée ». Ici les tonnerres et les éclairs ont disparu. La réaction de Pierre au merveilleux spectacle de la transfiguration est ambigüe : d’un côté il est comme ravi en extase, comblé d’une joie indicible et de l’autre rempli de frayeur. Lorsque Jésus laisse apparaître sa gloire divine, il ne le fait pas à la manière du Dieu qui se manifeste à Moïse. La preuve nous en est donnée par le simple fait que les apôtres peuvent contempler Jésus transfiguré sur la montagne sans mourir. Or dans le livre de l’Exode Dieu est très clair en insistant pour que seul Moïse monte sur la montagne à sa rencontre : « Celui qui touchera la montagne sera mis à mort ! Ne vous précipitez pas vers le Seigneur pour le voir, car beaucoup d’entre vous en mourraient ! Que les prêtres et le peuple ne cherchent pas à monter de force vers le Seigneur, car il les abattrait ». L’auteur de la lettre aux Hébreux a bien mis en valeur cette différence d’ambiance entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance : Quand vous êtes venus vers Dieu, il n'y avait rien de matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d'obscurité, de ténèbres, ni d'ouragan, pas de son de trompettes, pas de paroles prononcées par cette voix que les fils d'Israël demandèrent à ne plus entendre. Car ils ne supportaient pas cette interdiction : Qui touchera la montagne, même si c'est un animal, sera lapidé. Le spectacle était si terrifiant que Moïse dit : Je suis terrifié et tremblant. Mais vous êtes venus êtes venus vers Jésus, le médiateur d'une Alliance nouvelle, et vers son sang répandu sur les hommes, son sang qui parle plus fort que celui d'Abel. A la terreur suscitée par la manifestation de Dieu au Sinaï succède la douceur de la contemplation de Jésus transfiguré. Si d’un côté la transfiguration nous rappelle en partie le don de la Loi sur le Sinaï, l’événement nous fait aussi penser à la manifestation de Dieu au prophète Elie sur le mont Horeb : La parole du Seigneur lui fut adressée : « Sors dans la montagne et tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer. » A l'approche du Seigneur, il y eut un ouragan, si fort et si violent qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n'était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d'une brise légère. Pierre en voyant le corps de Jésus dans sa gloire divine fait l’expérience qui fut celle d’Elie, et c’est pour cela qu’il peut dire : « Il est heureux, ou encore il est bon ou beau, que nous soyons ici ». Pierre voudrait bien que cette vision dure une éternité ! Il n’est donc pas étonnant qu’Elie, le représentant des prophètes, et Moïse, le représentant de la Loi, se manifestent aux côtés du Fils de Dieu. Cela signifie que la Loi et les Prophètes ont préparé et annoncé la venue du Sauveur. La transfiguration n’est pas seulement une douce manifestation de la gloire divine, elle est aussi la preuve que l’homme peut être associé à la vie même de Dieu. Si Elie et Moïse se manifestent, c’est bien parce qu’ils sont vivants en Dieu. Au témoignage d’Elie et de Moïse s’ajoute le témoignage de Dieu lui-même : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ». Puis la vision s’arrête et « ils ne virent plus que Jésus seul avec eux ». Cette courte vision annonçait la béatitude éternelle en Dieu, mais sur cette terre nous ne voyons pas, nous croyons. Et croire c’est écouter la Parole de Dieu. La Loi que Dieu nous donne n’est plus écrite sur des tables de pierre, cette Loi c’est Jésus, son Fils. En Lui nous pouvons goûter la douceur de la loi évangélique. Par Lui nous nous préparons à la communion parfaite avec Dieu.