lundi 19 avril 2010

3ème dimanche de Pâques

3ème dimanche de Pâques / C
18/04/2010
Jean 21, 1-19 (p. 546)
En ce dimanche du temps de Pâques nous méditons la fin de l’Evangile selon saint Jean. Marie-Madeleine avait annoncé la Bonne Nouvelle de la résurrection aux disciples. Jésus lui-même s’était manifesté aux apôtres et en particulier à Thomas (l’évangile de dimanche dernier). Le Ressuscité leur avait donné l’Esprit Saint et les avait envoyés en mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Et de manière étrange nous retrouvons le groupe des apôtres au bord du lac de Tibériade. Ils ont quitté Jérusalem pour rejoindre leur Galilée natale, au nord d’Israël. Ils semblent avoir repris leur activité habituelle de pêcheurs comme si rien ne s’était passé entre temps… Il est vrai que le Ressuscité avait demandé à ses disciples de l’attendre en Galilée. Mais cette finale de l’Evangile nous renvoie d’une manière déconcertante au commencement du même Evangile, à l’appel des disciples. D’ailleurs la dernière parole du Christ est bien celle de l’appel renouvelé à Pierre : « Suis-moi ! » Les spécialistes de la Bible nous expliquent que ce chapitre 21 aurait été ajouté en appendice à la fin de l’Evangile selon saint Jean, ce qui expliquerait en partie l’étrangeté de la situation.
Pour notre méditation retenons d’abord un premier point.
Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c'était lui.
Les disciples sont dans la même situation que les disciples d’Emmaüs en saint Luc. Le Seigneur se manifeste à eux mais ils ne le reconnaissent pas. Notons que le Ressuscité choisit de se manifester à eux dans ce qui constitue l’ordinaire de leur vie : leur travail de pêcheurs. Comme sur la route d’Emmaüs il s’était intéressé à la vie et aux sentiments des deux disciples. C’est un premier point spirituel important pour nous. Si le Christ est vraiment ressuscité, s’Il est le Vivant, où allons-nous trouver le signe de sa présence et de son passage ? Dans les sacrements bien sûr, dans la vie de prière. Mais aussi et peut-être même d’abord dans notre vie de tous les jours, dans les événements banals qui tissent le quotidien de nos existences. Simplement nous ressemblons bien souvent aux disciples au bord du lac, nous ne le savons pas, nous n’en prenons pas conscience, nous passons à côté de cette présence quotidienne du Ressuscité à nos côtés. Pourquoi ? Parce que nous ne regardons pas l’ordinaire de nos vies avec les yeux de la foi. Avec le regard de la foi, avec cette présence permanente du Ressuscité à nos côtés, l’ordinaire de nos vies n’est plus banal, mais devient précisément un lieu spirituel, un lieu de rencontre avec le salut apporté par le Christ.
Le deuxième point de notre méditation porte sur ce passage de l’aveuglement à la reconnaissance.
Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n'arrivaient pas à le ramener, tellement il y avait de poisson. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C'est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre l'entendit déclarer que c'était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n'avait rien sur lui, et il se jeta à l'eau.

Pour leur faire faire ce passage, Jésus va refaire un signe du passé : la pêche miraculeuse. Comme devant les disciples d’Emmaüs, il a en quelque sorte refait les gestes de la multiplication des pains. Cette pêche miraculeuse d’après Pâques est la manière qu’a le Christ de se faire reconnaître de ses disciples. Comme au matin de Pâques, c’est Jean qui est le plus rapide, Jean qui comprend le premier le message : « C’est le Seigneur ! » Dans l’ordre de l’amour Jean est le premier. Mais c’est Pierre qui sera confirmé dans sa mission de « premier » des apôtres dans l’Eglise. Jésus lui rappelant à trois reprises qu’il doit imiter Jean dans son amour pour lui. La hiérarchie de l’Eglise, le service du gouvernement pastoral, ne dépend pas d’abord des mérites personnels de celui qui est appelé, mais bien de la grâce de Dieu. Tout appel de Dieu est aussi un appel à correspondre à la grâce par l’amour, d’où la triple question du Christ au chef des apôtres. L’histoire de l’Eglise nous montre que les papes, les évêques et les prêtres ne sont pas forcément les plus saints dans le peuple de Dieu. Mais être pape, évêque ou prêtre, c’est toujours recevoir un appel à la sainteté de l’amour pour Dieu et pour tous les hommes : « Suis-moi ».
Jésus dit alors : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c'était le Seigneur.
A l’issue de ce pique-nique pascal, les disciples savent, leurs yeux se sont ouverts, grâce au signe de la pêche surabondante.
Pour ouvrir nos yeux, pour réveiller notre foi, le Christ nous conduit par les mêmes chemins encore aujourd’hui. A travers certains événements qui nous rappellent des moments de notre passé, des grâces reçues autrefois, il nous redit sa présence indéfectible à nos côtés. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de faire de temps en temps une relecture de notre vie à la lumière de tout ce que nous avons déjà vécu et reçu. Et alors d’un seul coup tout prend sens, tout s’illumine, même parfois telle épreuve qui nous révolte… D’où l’importance de vivre aussi une fois par an un temps de retraite spirituelle ou de récollection pour nous retrouver avec Jésus au bord du lac et accueillir dans nos cœurs ouverts la surabondance de son amour de Ressuscité !

dimanche 11 avril 2010

Dimanche de la miséricorde divine (dans l'octave de Pâques)

2ème dimanche de Pâques / C
11 avril 2010
Jean 20, 19-31 (p. 494)
Le dimanche de l’octave de Pâques est une célébration de la miséricorde divine. Dans l’Evangile de cette liturgie, il y a une référence à cette miséricorde :
Jésus répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »
Le premier fruit du mystère pascal, c’est le don de l’Esprit Saint aux apôtres, et à travers eux à toute l’Eglise. Et ce don de l’Esprit de Dieu est en vue de la manifestation de sa miséricorde envers tous les hommes, en vue du pardon des péchés par le ministère de l’Église. Tout cela est cohérent. Dans la Sainte Trinité l’Esprit est la Personne Amour, Il est le lien d’amour entre le Père et le Fils. Et c’est bien parce que Dieu est Amour qu’il est aussi celui qui fait miséricorde, celui qui pardonne. Le Coran souligne de très nombreuses fois que Dieu est miséricordieux, mais il ne signale pas la source de cette miséricorde : Dieu aime ses créatures. Célébrer la miséricorde de Dieu qui nous parvient par le mystère du Christ et dans l’Esprit Saint, c’est revenir à l’essentiel de la révélation chrétienne, un essentiel condensé en trois mots lumineux de simplicité par l’apôtre saint Jean : « Dieu est Amour ». En effet l’être le plus profond de Dieu Trinité est relation d’Amour puis communication de ce même Amour à sa création. En disant que Dieu est Bon, nous disons de lui l’essentiel. Tout le reste n’est que la conséquence de cette vérité première. Tout le reste est secondaire, tout le reste doit être compris à la lumière de cette affirmation fondamentale. Comme quand nous disons de Dieu, par exemple, qu’Il est juste. C’est parce que Dieu est Bon, qu’en Lui la miséricorde et la justice ne s’opposent pas, mais au contraire sont des qualités inséparables. Nous comprenons ainsi que la miséricorde n’est pas une qualité ajoutée en Dieu, comme si Dieu pouvait choisir de ne pas être miséricordieux… Non, la miséricorde fait partie de l’être même de Dieu puisqu’en Lui il n’y aucune place pour le mal, pour la rancune ou la vengeance, puisque le cœur de Dieu n’est que pure bonté.
Le don que le Christ Ressuscité fait à ses apôtres en vue de la réconciliation du genre humain avec le Père se situe dans une ambiance de peur. Après Pâques les apôtres sont enfermés par peur des Juifs. La miséricorde de Dieu, en tant que manifestation de son amour patient, va faire passer les apôtres de la peur à l’audace de la foi. Pâques pour eux comme pour tout chrétien sera la résurrection de la foi et de la confiance, le passage justement, non seulement de la mort à la vie, mais de la peur et du doute à la foi et à la confiance. Dans notre première lecture, lorsque le Ressuscité se manifeste à Jean dans une vision, il reprend le message pascal adressé aux saintes femmes venues visiter le tombeau :

Quand je le vis, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant : j'étais mort, mais me voici vivant pour les siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort et du séjour des morts.

C’est ce message pascal du Ressuscité que Jean-Paul II avait choisi en 1978 pour inaugurer son pontificat, et il n’a pas cessé jusqu’à sa mort de le répéter à tous : « N’ayez pas peur ! » Nous, catholiques de France, nous pourrions être tentés par la peur, et sa conséquence : le repli identitaire, le ghetto catholique voire l’intégrisme. Nous savons bien que la France n’est plus un pays réellement chrétien. Il subsiste un vernis de christianisme, mais pour combien de temps encore ? Certains prennent peur en constatant la baisse du nombre des prêtres, le manque de renouvellement du clergé. Mais nous devrions surtout comprendre que s’il y a moins de prêtres qu’avant, c’est parce qu’il y a aussi moins de croyants. Notre problème n’est donc pas le manque de prêtres, mais le manque de foi. Seule une foi vivante nous permet d’échapper à cette tentation inspirée par la peur devant des statistiques en baisse. Seule une foi vivante nous pousse à témoigner de la joie d’être chrétiens dans une société qui semble se désintéresser de plus en plus de la religion catholique. Le défi pour nous consiste à rattacher la pratique de notre religion à une vraie spiritualité. Car nos contemporains, même s’ils rejettent les religions, ont un grand besoin de spiritualité. A nous de montrer par notre vie et par nos actes que nous trouvons ce supplément d’âme dans l’Evangile du Christ. A nous de témoigner que la foi catholique n’est pas d’abord un fardeau, un ensemble d’obligations et de rites, mais une relation vivante avec Celui qui est le Vivant. A nous de témoigner que la foi est une force merveilleuse capable de transporter les montagnes, que la foi est ce trésor par lequel nous entrons en relation avec le Dieu Trinité. Ce témoignage, nous pourrons le donner à la suite des apôtres, si nous faisons vraiment l’expérience de la prière communautaire et personnelle. A nous de témoigner que la prière est la respiration de notre vie, le soleil de nos journées ! Tout simplement parce que la prière est une rencontre avec le Dieu Amour, une ouverture de tout notre être à sa Vie qui a vaincu la mort et le mal. Notre témoignage n’est pas d’abord la défense d’une religion, d’une institution, l’Eglise, mais la profonde conviction que sans la Vie du Christ Ressuscité en nous notre vie perd son sens, sa saveur et son goût. Témoigner en vérité, n’est-ce pas donner à ceux que nous fréquentons la faim et la soif de la rencontre avec le Dieu Vivant ? Nous sommes peu nombreux, mais est-ce une raison pour avoir peur ? Ecoutons la parole de Jésus :
Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.