lundi 25 mai 2009

7ème dimanche de Pâques

7ème dimanche de Pâques / B
24 mai 2009
Jean 17, 11b-19 (p. 734)
En méditant la Parole de Dieu de cette messe, je me suis dit que notre condition de chrétiens était bien inconfortable… Et en même temps je me suis dit qu’être chrétien aujourd’hui comme hier était une aventure passionnante et exaltante ! La liturgie de la Parole nous renvoie en effet à notre identité de chrétiens. Et pour ce faire elle nous indique deux relations fondamentales : celle avec Dieu et celle avec le monde.
A la source de tout, il y a, nous rappelle saint Jean, un Dieu qui se révèle comme le Dieu Amour. Un Dieu qui est communion parfaite entre trois personnes divines : le Dieu Trinité. En Dieu Trinité ne cessent de circuler la vie, la joie, la paix et bien sûr l’amour. Et dans la Trinité, c’est l’Esprit Saint qui est le lien de la charité. C’est l’Esprit Saint qui, en quelque sorte, personnifie cet éternel échange d’amour entre le Père et le Fils. L’Esprit Saint manifeste en tant que personne divine la surabondance et la fécondité de l’amour qui circule entre le Père et le Fils. Lorsque Jésus, à la veille de sa mort, demande au Père le don de l’unité pour ses disciples, donc pour nous, il prie ainsi : « Qu’ils soient un comme nous-mêmes. » Jésus veut que la communion qui existe entre Lui et son Père soit le modèle, la source de notre communion dans l’Eglise ! Et c’est bien parce qu’il veut pour nous une communion surnaturelle, qu’Il nous donne l’Esprit Saint, seul artisan possible d’une telle communion : « Nous reconnaissons que nous demeurons en Dieu, et lui en nous, à ce qu’il nous donne part à son Esprit. » D’un point de vue historique et extérieur, il semble bien que ce désir du Christ ait abouti à un échec : que de divisions non seulement entre chrétiens, mais entre catholiques ! Que de guerres de religion entre disciples d’un même Seigneur ! Mais l’Eglise catholique est toujours là, présente au sein de notre monde, avec ses faiblesses mais aussi avec tous ses trésors de sainteté et de charité. Finalement quand notre Seigneur prie le Père de nous faire le don de l’unité, il lui demande pour nous le don de la sainteté. Car nous ne pouvons vivre une communion parfaite entre nous que dans la mesure où nous nous laissons sanctifier par la grâce de Dieu. Ce qui nous ramène à un autre aspect important de cette prière du Christ pour la communion entre les membres de son Corps : le fait que nous soyons consacrés par la vérité. Tout chrétien est donc consacré, pas seulement les religieux et les religieuses. Et nous le sommes dans l’Esprit Saint par le baptême et la confirmation. C’est notre consécration à la suite du Christ qui va déterminer notre place dans le monde.
Il est très difficile pour nous de nous situer selon la volonté du Père dans le monde. C’est un équilibre toujours à reconquérir ou à retrouver. Comment en effet être dans le monde sans être du monde ? Et cette difficulté nous la retrouvons dans le vocabulaire même de saint Jean. Le 4ème évangéliste peut donner au mot « monde » un sens positif comme un sens négatif. Dans la deuxième lecture, il nous livre son témoignage : « Et nous qui avons vu, nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde. » Ce qui nous rappelle les paroles bouleversantes de Jésus à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » Notre monde est donc l’objet du regard bienveillant du Père. Et c’est bien dans ce monde que nous sommes envoyés à la suite du Christ. En même temps notre monde a besoin d’être sauvé parce qu’il est sous l’influence du prince de ce monde, Satan, l’esprit du mal. Ce titre de « Prince de ce monde » donné à Satan par Jean est impressionnant. Il souligne le pouvoir réel du diable à l’œuvre dans notre monde. Mais nous ne devons pas avoir peur, car, nous dit Jésus, « j’ai vaincu le monde » (Jean 16, 33), ce qui revient à dire que Satan est vaincu par la mort et la résurrection du Christ. Pour être sel de la terre et lumière du monde, nous ne devons pas lui appartenir en ce qu’il a de mauvais, d’opposé à Dieu. C’est encore saint Jean qui nous demande de ne pas aimer le monde pris en ce sens négatif : « Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui. Car tout ce qui est dans le monde, que ce soit le désir de la chair, ou l’avidité des yeux, ou l’arrogance des riches – cela n’a rien à voir avec le Père, mais avec le monde. Et le monde passe avec sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure pour toujours » (1 Jean 2, 15-17). En tant que chrétiens nous ne sommes pas naïfs face aux puissances des ténèbres à l’œuvre dans notre monde, face aux tentations qu’il ne cesse de nous présenter. Nous ne sommes pas pour autant des personnes aigries vivant dans la condamnation de notre monde et dans le jugement permanent… Le défi pour nous est d’éviter à la fois le repli sectaire et notre dissolution dans un monde qui ignore Dieu et bien souvent le refuse… Nous pourrons vivre cet équilibre délicat si nous vivons vraiment de l’amour de Dieu, si nous nous laissons sanctifier et consacrer par l’Esprit de vérité. Amen.

jeudi 21 mai 2009

ASCENSION DU SEIGNEUR

Ascension du Seigneur / B
21/05/09
Marc 16, 15-20 (p. 707)
L’année liturgique nous fait célébrer les mystères du Seigneur les uns après les autres. En même temps le cycle liturgique insère ces mystères dans des temps particuliers. C’est une invitation pour nous à ne pas isoler le mystère de l’Ascension que nous fêtons aujourd’hui. La liturgie insère en effet la fête de l’Ascension dans le temps pascal, donc en lien très étroit avec Pâques et Pentecôte. A Pâques nous célébrons la victoire définitive du Christ sur la mort ainsi que sa manifestation glorieuse aux apôtres et aux disciples. A Pentecôte nous faisons mémoire du don de l’Esprit à la première Eglise. L’Ascension du Seigneur prend place dans le temps entre Pâques et Pentecôte, et c’est dans cette perspective du temps pascal que nous devons la comprendre. D’autant plus que le vocabulaire biblique est pour nous piégé comme celui de nos professions de foi… Dans le Credo, l’Ascension est résumée par une phrase : « Il monta au ciel ». Tout le vocabulaire de la Bible comme du Credo utilise de fait une image spatiale pour nous parler de ce mystère. Et dans le Credo « Il monta au ciel » correspond à : « Il descendit du ciel ». Donc non seulement le mystère de l’Ascension doit être perçu en lien avec Pâques et Pentecôte mais aussi avec l’Incarnation. Ces images nous montrent un double mouvement : Dieu en son Fils « descend du ciel », Il se fait proche de nous, Il adopte notre condition humaine, c’est Noël… A l’Ascension, dans un mouvement inverse, le Fils de Dieu quitte cette terre pour le ciel… Le risque est grand pour nous de confondre la réalité du mystère avec ces pauvres images humaines situées dans l’espace, avec en bas la terre, le domaine des hommes, et en haut, le ciel qui serait le domaine de Dieu. Il nous faut bien comprendre qu’à Noël le Fils ne quitte pas le Père en épousant notre condition humaine. Et qu’à l’Ascension Jésus ressuscité ne quitte ni son humanité ni notre humanité… L’Ascension consacre au contraire l’union intime entre la nature divine du Fils de Dieu et notre nature humaine. C’est bien avec son corps glorieux qu’il monte au ciel pour s’asseoir à la droite de son Père.
Alors comment traduire les pauvres mots de notre Credo, « Il monta au ciel » ? Comment dépasser l’image pour atteindre la réalité visée par la foi ? En comprenant qu’après les manifestations pascales du Ressuscité, l’Ascension marque une nouvelle étape dans la relation du Christ Vivant avec ses disciples. L’Ascension ouvre le temps de la foi, le temps de l’Eglise. Dans ce mystère, Notre Seigneur ne se transforme pas en superman montant au ciel, mais il disparaît à nos yeux de chair jusqu’au jour de son retour dans la gloire, à la fin des temps. A partir de l’Ascension, l’Eglise doit vivre la béatitude de la foi : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui croient. » Notez bien comment l’Ascension correspond à l’envoi en mission des disciples. C’est logique car désormais le Christ glorieux sera visible à travers son Corps mystique, l’Eglise, et donc à travers chaque baptisé. Membres du corps du Christ, nous sommes désormais son visage et sa présence pour notre monde. C’est une lourde et belle responsabilité que la notre. C’est surtout un appel à grandir dans la communion de l’amour et à entrer toujours plus pleinement dans la sainteté que le Christ nous offre et nous communique. Dans le mystère de l’Ascension Notre Seigneur s’efface en quelque sorte pour donner naissance à l’Eglise. Et l’Eglise ne peut naître sans le don de l’Esprit. Si le Ressuscité s’efface, il ne nous abandonne pas, il ne nous quitte pas. C’est seulement son mode de présence qui est nouveau. Il est fidèle à sa promesse : « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du temps. » Et c’est l’Esprit Saint qui nous permet justement de reconnaître dans nos vies et dans l’histoire de notre monde la nouvelle présence du Ressuscité. Présence tellement discrète, humble et cachée qu’elle s’apparente pour nous à une absence. Mais dans la foi nous expérimentons réellement cette présence du Christ à nos côtés et en nous, tout particulièrement dans la communion eucharistique et dans la prière. L’Esprit Saint nous rend capables de reconnaître les signes des temps : comment la puissance du Ressuscité est à l’œuvre dans l’histoire humaine et celle de l’Eglise, comment aussi la Providence nous guide et nous illumine par des signes souvent bien petits mais ô combien significatifs si nous savons les accueillir dans la foi !
En cette belle fête de l’Ascension comprenons enfin que le Ciel de Dieu où Jésus monte c’est chacun d’entre nous qui sommes les membres de son Corps, habités par l’Esprit. Le Ciel de Dieu, c’est notre cœur, symbole de notre intériorité, là où justement Dieu ne cesse de se donner à nous comme le Dieu d’amour, de paix et de joie. Rendons grâces à Dieu notre Père, qui « règne au-dessus de tous, par tous, et en tous. » Oui, Il règne en nous par le Christ dans l’Esprit. Alors ne restons pas là à fixer le ciel… Mais soyons pour Dieu notre Père ce ciel où il aime à demeurer avec le Fils et l’Esprit Saint ! Pour aller au Ciel, devenons le Ciel !

dimanche 10 mai 2009

5ème dimanche de Pâques

5ème dimanche de Pâques / B
10 mai 09
Jean 15, 1-8 (p. 635)
Après l’image du Bon Berger, Jésus utilise ce dimanche une autre image, celle de la vraie vigne. Comme pour le berger, l’image de la vigne est ancienne. Jésus ne l’invente pas, il la trouve dans l’Ancien Testament en lui donnant une nouvelle dimension. Dans ce commencement du chapitre 15 de saint Jean un verbe revient souvent : « demeurer ».
« Demeurez en moi, comme moi en vous » ; « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit. » Le Seigneur nous demande vraiment de demeurer en lui et de nous ouvrir de plus en plus à sa présence de Ressuscité. Il n’a qu’un désir c’est qu’en demeurant en lui nous donnions beaucoup de fruit. Voilà un magnifique résumé de ce que devrait être toute notre vie chrétienne, une définition synthétique de la condition de disciples.
Voyons dans un premier temps ce que signifie pour nous ce verbe « demeurer » en lien avec le Christ. L’image de la vigne suggère bien sûr une communion, une union étroite entre les sarments que nous sommes et Jésus, la vraie vigne. Mais comment se réalise concrètement cette union dans notre vie ? Comment demeurons-nous dans le Christ ? Dans l’Eglise, dont la vigne est aussi une image, nous avons des moyens objectifs qui nous sont donnés pour atteindre ce but : ce sont les sacrements. C’est bien par le baptême, la confirmation et l’eucharistie que Dieu demeure en nous et nous en lui. Toutefois l’expérience nous montre que cela ne suffit pas pour être de véritables disciples de Jésus. Combien de baptisés vivent en païens ? Un nombre bien trop grand malheureusement. Parce que dans le domaine spirituel rien n’est automatique. Un baptisé ne peut pas se reposer sur ses lauriers en disant : j’ai tout fait, baptême, première communion, eucharistie. Parce que dans le domaine spirituel tout ne dépend pas des rites ou des sacrements. La spiritualité, la sève qui court dans la vigne, est d’abord la vie de l’âme dans la communion d’amour avec Dieu Trinité. Et cette vie requiert de l’âme la volonté, la liberté, le désir. Il nous faut donc unir aux moyens objectifs que sont les sacrements, les moyens « subjectifs » ou personnels. Et en premier lieu rappeler ici l’importance de la vie de prière personnelle. C’est cette vie qui nous permet vraiment de demeurer jour après jour dans le Christ. La maladie qui guette notre vie spirituelle, surtout si nous sommes de « vieux chrétiens », c’est de croire que les choses sont acquises une fois pour toutes dans le domaine de notre vie spirituelle. Nous pouvons être dans l’illusion de « posséder » Dieu. Or pour demeurer dans le Christ, nous devons sans cesse nous mettre à sa recherche. La recherche de Dieu, le désir de Dieu, voilà l’unique remède pour contrer cette maladie. Vous allez me dire, depuis le temps que je connais Dieu, pourquoi le chercher encore ? Parce que Dieu est une expérience de communion à vivre chaque jour de manière nouvelle. Parce que l’amour de Dieu est inépuisable comme son mystère trinitaire… Même les moines et les moniales vous diront qu’ils sont entrés au monastère pour y chercher Dieu. Et c’est là le principal témoignage de la vie religieuse contemplative : que Dieu ne peut demeurer en nous que dans la mesure où nous le cherchons et le désirons avec amour, persévérance et humilité. La deuxième lecture nous donne enfin un autre moyen de demeurer en Dieu : « Celui qui est fidèle à ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné son Esprit. » La vie spirituelle authentique débouche sur la vie morale, la vie en conformité avec les commandements du Seigneur. Il s’agit pour nous d’aimer par des actes et en vérité. Et c’est dans la mesure où nous nous engageons sur ce chemin d’union étroite avec le Christ que nous porterons beaucoup de fruits pour la gloire de Dieu notre Père. Porter ou donner du fruit, cela signifie pour nous rayonner autour de nous cette vie divine qui anime toute notre vie humaine et la transfigure. Pas tellement par des paroles, mais par notre manière d’être et d’entrer en relation avec les autres, qu’ils nous soient proches par la foi ou au contraire éloignés de ce point de vue. Demeurer dans le Christ, c’est donc automatiquement témoigner de lui. Car alors notre présence n’est plus seulement la notre mais la sienne en nous et par nous. C’est bien le Christ qui, par nous, peut alors donner sa paix, sa joie, son réconfort à ceux que nous rencontrons et avec lesquels nous partageons l’aventure exaltante de l’existence humaine : dans le couple, en famille, à l’école, dans les associations, en paroisse etc. Beaucoup d’entre nous ont probablement fait cette expérience : une personne avec laquelle nous avons tout simplement partagé un moment vient nous dire quelques temps après tout ce que ce partage lui a apporté. Et pourtant nous n’avons pas forcément à ce moment là parlé de Dieu, fait le catéchisme ou la morale. Nous avons été simplement ce que nous sommes : de faibles disciples du Christ qui demeurons dans son amour. Cela suffit à ranimer bien souvent l’espérance et la lumière dans les cœurs !