lundi 23 février 2009

Septième dimanche du temps ordinaire

7ème dimanche du TO/B
22/02/09
Marc 2, 1-12 (p.865)
Après la guérison du lépreux et un bref temps au désert, voilà que Jésus revient en ville, à Capharnaüm, dans la maison de Simon. Saint Marc nous montre à nouveau ce succès du Christ au commencement de son ministère public : sa personne attire les foules. La maison de Pierre est un peu l’image de la maison Eglise dans laquelle nous écoutons ensemble la parole de Jésus. Le Fils de Dieu est venu principalement pour annoncer au peuple la Parole de Dieu, l’Evangile. A la différence des prophètes qui l’ont précédé, il est lui-même cette Parole vivante et agissante. Il est lui-même cet Evangile qu’il annonce avec tant d’autorité.
Marc nous dépeint ensuite une scène étonnante : des hommes présentent à Jésus un paralytique en le faisant passer par le toit ! Car il est impossible d’entrer dans la maison de Pierre par la porte. Précisons que les toits des maisons d’Israël n’avaient pas grand-chose à voir avec ceux de nos maisons européennes du XXIème siècle ! Ces personnes, les porteurs et le paralytique lui-même attendent du Seigneur une guérison. Ils ont foi en la puissance surnaturelle de cet homme qui vient soulager les maux physiques de son peuple. Et le cœur de Jésus est vraiment touché par leur foi. Notre foi nous donne un pouvoir extraordinaire, celui de toucher précisément le cœur du Fils de Dieu. Nous oublions peut-être cette force que représente notre foi dans notre vie. Même si nous la jugeons faible et petite, notre foi est capable de « déplacer les montagnes » pour reprendre l’image de l’Evangile.
« Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Ce paralytique espérait recouvrir l’usage de ses membres, et voilà qu’il reçoit de la part du Seigneur l’absolution de ses péchés ! Il ne s’était pas fait présenter à Jésus dans ce but… Ce pardon inconditionnel accordé par le Christ a de quoi surprendre. L’homme handicapé n’a pas demandé pardon, n’a pas regretté ses péchés, et il est tout de même pardonné ! Ce n’est même pas sa foi qui a touché le cœur du Christ, mais bien celle de ceux qui l’ont porté pour le présenter à lui ! Ce paralytique représente bien l’homme pécheur qui, sans aucun mérite personnel préalable, est réconcilié avec Dieu par la seule volonté du Sauveur. Et c’est dans la maison Eglise et par l’intercession de ses frères que cet homme reçoit le pardon. Cet épisode met aussi en lumière le but de l’incarnation, le « pourquoi » de la présence du Fils de Dieu parmi nous : réconcilier l’humanité avec Dieu.
La réaction intérieure des scribes est compréhensible : l’acte posé par Jésus, pardonner les péchés, est totalement nouveau. Il y avait bien dans le culte des sacrifices offerts par les prêtres pour le pardon des péchés… Mais Jésus n’est pas prêtre selon la loi de Moïse, il n’offre pas en sacrifice un animal, et surtout il donne le pardon non pas au peuple en général mais à une personne en particulier, par une simple parole. Dans la lumière du mystère pascal, les premiers chrétiens comprendront bien sûr le sacerdoce du Christ et son sacrifice sur le bois de la Croix. En donnant le pardon, Jésus anticipe son sacrifice pascal. Face à cette réaction des scribes et à l’accusation de blasphème, Jésus révèle son identité divine en lisant les pensées secrètes des cœurs. Il a ce pouvoir. Et les scribes auraient dû comprendre, s’ils avaient été de bonne foi, que cet homme était bien plus qu’un prophète, bien plus que le Messie lui-même… Et voilà que dans sa miséricorde le Seigneur va leur donner un signe supplémentaire, celui de la guérison physique du paralytique. Comme souvent dans les Evangiles la guérison des corps est le signe de la guérison des âmes. Ici le signe va encore plus loin : « pour que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre. » La finale que saint Matthieu donne à la guérison du paralytique nous ouvre à la dimension ecclésiale et sacramentelle de ce récit : « En voyant cela la foule fut saisi de crainte ; elle rendait gloire à Dieu pour avoir donné un tel pouvoir à des humains. » Dans la version de saint Matthieu le pouvoir de pardonner les péchés n’est pas vu seulement comme un pouvoir exclusif du Christ mais comme un pouvoir accordé désormais aux hommes. Et c’est bien ce pouvoir qui est transmis aux Apôtres par le Ressuscité en saint Jean : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous enlèverez les péchés, ils leur seront enlevés ; quand vous les maintiendrez, ils seront maintenus. » Les évêques et les prêtres reçoivent ce pouvoir merveilleux de pardonner les péchés au Nom de Dieu par le sacrement de l’Ordre, sacrement qui fait d’eux des ministres du Christ, seul et unique grand prêtre.
La guérison du paralytique nous invite donc à une double action de grâce : tout d’abord pour le don de la foi que nous avons reçu, ce don qui a le pouvoir de toucher le cœur de Dieu, et aussi pour le sacrement du pardon par lequel nous sommes réconciliés avec Dieu. Le temps du Carême, désormais tout proche, est pour nous l’occasion de redécouvrir avec joie la beauté du sacrement du pardon.

mardi 17 février 2009

Sixième dimanche du temps ordinaire

6ème dimanche du TO / B
15/02/09
Marc 1, 40-45 (p. 815)
C’est en 1873 que le norvégien Hansen découvre le bacille responsable de la lèpre. A l’époque de Jésus la médecine en était à ses balbutiements. Dans la religion juive traditionnelle on ne distinguait pas le mal physique (la maladie) du mal moral (le péché). Même si le livre de Job avait déjà remis en question la doctrine traditionnelle sur ce point. C’est Jésus qui opérera cette distinction. Nous pouvons nous référer par exemple au chapitre 9 de l’Evangile selon saint Jean : la guérison de l’aveugle de naissance. Les disciples posent au Maître la question suivante : « Qui a péché pour qu’il soit ainsi aveugle ? Est-ce lui ou ses parents ? » La réponse de Jésus est libératrice : « S’il est ainsi ce n’est pas à cause d’un péché, de lui ou de ses parents, mais pour qu’une œuvre de Dieu et très évidente, se fasse en lui. » Cela nous montre au passage que la doctrine biblique est une doctrine en évolution et non pas une doctrine fixée une fois pour toutes. La Bible corrige la Bible. La Bible est remise en question par la Bible. Le seul qui fixera de manière définitive la vraie doctrine, c’est Jésus lui-même parce qu’il est le Fils de Dieu.
C’est dans ce contexte de transition vers la plénitude de la vérité révélée, qu’il nous faut comprendre l’Evangile de ce dimanche. Saint Marc ne parle pas de la guérison du lépreux mais bien de sa purification. Nous sommes encore dans la conception de l’Ancien Testament qui lie la maladie au péché. La première lecture n’est qu’un bref passage des deux longs chapitres que le livre des Lévites consacre aux lépreux. C’est le prêtre, et non le médecin, qui est chargé dans la loi de Moïse de faire le diagnostic de la lèpre et de prendre les décisions qui s’imposent. Ne pensons pas trop vite être libérés de cette conception ancienne… L’expression populaire « qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter cela ? » témoigne de ce que bien souvent nous faisons le lien entre un malheur qui nous arrive, la maladie en est un exemple, et un péché que nous aurions commis. L’histoire des grands saints devrait suffire à confirmer la révolution opérée par Jésus dans ce domaine : la maladie n’est pas liée à notre péché. Même si l’on peut supposer qu’elle est une conséquence du péché originel… Pensons à sainte Thérèse de Lisieux, à Marthe Robin et à tant d’autres qui ont souffert physiquement sans être de grands pécheurs.
Contemplons maintenant l’attitude du lépreux et celle du Christ. Ce lépreux vient à la rencontre de Jésus. Luc, dans le passage parallèle, précise que cette rencontre a eu lieu dans une ville. Si c’est le cas, le lépreux a désobéi à la loi pour rencontrer le Seigneur. Et c’est là le signe de sa grande foi en Jésus. Cette foi qu’il exprime en actes et en paroles : Il se met à genoux devant le Seigneur. La foi du lépreux est marquée par une grande humilité. Il n’exige pas sa guérison, il supplie humblement, reconnaissant la souveraine liberté de Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Le lépreux sait au fond de lui que sa purification n’est pas un droit mais bien une grâce. L’attitude du Seigneur, quant à elle, est marquée par la compassion : « pris de pitié devant cet homme ». Le cœur de Jésus est le plus sensible de tous les cœurs humains, le moins indifférent de tous, car il est le cœur du Fils de Dieu. Dans le cœur de Jésus nous est pleinement révélé l’amour du Père à notre égard. Si notre péché est bien souvent la conséquence d’un endurcissement du cœur, la miséricorde du Seigneur est au contraire l’expression d’un cœur compatissant. A une époque où la lèpre était réputée extrêmement contagieuse, Jésus touche de sa main le lépreux. En fait la lèpre se transmet par les voies respiratoires ou, parfois, par contact cutané. Le geste de Jésus aura des suites dans l’histoire du christianisme : l’épisode bien connu de saint François embrassant le lépreux, le bienheureux Père Damien mort en 1889 dans une léproserie du Pacifique, Raoul Follereau et son action en faveur des lépreux etc. « Je le veux, sois purifié ». La volonté de Jésus, c’est notre salut. Et la guérison physique immédiate du lépreux est le signe de la purification du péché. Dans le sacrement du pardon, la parole du prêtre suffit à nous purifier immédiatement de notre péché. La fin du récit de saint Marc nous montre que Jésus vient prendre lui-même la place du lépreux : « Il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville. Il était obligé d’éviter les lieux habités. » C’est bien ce que la Loi de Moïse demandait aux lépreux : vivre isolés, dans la solitude, en dehors des villes. C’est aussi en dehors du camp de la communauté, que le prêtre emporte le taureau du sacrifice pour le pardon du péché. Et l’auteur de la lettre aux Hébreux souligne que Jésus « a souffert, lui aussi, hors des portes » de Jérusalem. La loi de Moïse excommuniait les lépreux. La loi de notre péché a fait de Jésus notre Sauveur un excommunié sur le bois de la Croix. Oui, c’est bien Lui, l’Agneau de Dieu qui a pris sur Lui nos péchés et les a consumés dans le feu de son amour hors des murs de Jérusalem. Amen.

lundi 9 février 2009

Cinquième dimanche du temps ordinaire

5ème dimanche du TO / B
8/02/09
Marc 1, 29-39 (p. 556)
En continuant notre lecture du premier chapitre de l’Evangile selon saint Marc nous découvrons de plus en plus ce qu’était la vie de Notre Seigneur au commencement de son ministère public en Galilée.
Les premiers jours de sa prédication, après le baptême donné par Jean, sont des jours très remplis. Saint Marc nous montre le Seigneur guérissant les malades et délivrant les possédés « le soir venu, après le coucher du soleil »… Et c’est « bien avant l’aube » que le Seigneur se lève pour prier. Bref les nuits devaient être courtes. Pendant 30 ans, Jésus est resté avec Marie et Joseph à Nazareth pour y vivre sa vie cachée. Il a pris ce très long temps pour se préparer à sa mission de Sauveur dans l’humilité de la vie quotidienne. Cette période de la vie cachée provoque notre curiosité, à tel point que les Evangiles apocryphes ont essayé de remplir « ce trou » dans la chronologie de la vie du Christ. Mais il nous faut accepter ce choix du Seigneur qui, à nos yeux, pourrait passer pour du temps perdu… Avec notre mentalité souvent très proche de l’activisme… Et voilà que d’un seul coup le temps semble s’accélérer ! Jésus a des nuits bien courtes. Certainement parce que « les délais sont accomplis, le Règne de Dieu est là » et qu’il y a désormais une urgence à le proclamer. Ce contraste entre les jours de la vie cachée et le commencement de la vie publique est un enseignement pour nous, dans notre manière de vivre le temps qui nous est donné par Dieu. Dans ce contexte le livre de l’Ecclésiaste peut nous aider avec son magnifique poème sur le temps : « Il y a sous le soleil un moment pour tout, et un temps pour chaque entreprise : un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, un autre pour déraciner la plante etc. » Nous avons dans notre vie, avec l’aide de l’Esprit Saint, à discerner justement les signes des temps. Et à comprendre qu’à certains moments nous devons être plus actifs et à d’autres plus en retrait. En fonction de notre vocation et de notre devoir d’état, nous avons à rechercher cette intelligence du cœur qui nous permet de nous adapter au temps que Dieu nous donne aujourd’hui.
Comment sont remplies ces premières journées du ministère de Jésus ? L’évangéliste nous peint l’activité du Seigneur en un magnifique triptyque : Guérisons, Prière et Evangélisation. Je voudrais m’attarder en ce dimanche sur la prière de Jésus, car c’est la première fois que saint Marc nous le montre en prière. Nous constatons à quel point Jésus est comme mangé par les foules. Bien des apôtres et des missionnaires vivront après lui une situation identique. Pensons simplement au témoignage du grand évangélisateur de l’Asie, saint François-Xavier qui avait du mal à prier son bréviaire sans être dérangé… Et au saint curé d’Ars qui était comme emprisonné dans son confessionnal. Lorsqu’à la fin du premier chapitre, le Seigneur guérit un lépreux, sa renommée est tellement grande qu’il est obligé de fuir les lieux habités : « Jésus ne pouvait plus se montrer dans une ville ; il restait à l’écart dans des lieux déserts. Même ainsi on venait à lui de toutes parts. » N’oublions pas que le Seigneur est vraiment homme, et qu’à ce titre il connaît comme nous la fatigue et le besoin de se ressourcer dans la solitude et le silence. En tant que Fils de Dieu, il n’a pas besoin de prier. La vie trinitaire est en elle-même échange d’amour et de vie dans une parfaite égalité entre les personnes divines. En priant de nuit, Jésus, vrai homme et vrai Dieu, nous donne un enseignement sur l’importance vitale de la prière. Il répond à l’avance aux excuses que nous nous donnons : « je n’ai pas le temps de prier », par exemple. Les moines, à la suite de saint Benoît, ont honoré cette prière nocturne du Seigneur par le lever de nuit. Un fils de saint Benoît, Dom Romain Banquet, écrivait : « La nuit n’est pas principalement pour le sommeil, mais surtout pour favoriser les mystérieux rapports de Dieu avec les âmes, et des âmes avec Dieu. Ses ténèbres, son silence, un charme pur et secret qui vient d’En Haut, invitent l’âme et l’entraînent aux ascensions intérieures, lumineuses et sanctifiantes. » Nous ne sommes pas moines, et nous n’avons pas à les copier mais peut-être à nous inspirer de l’esprit de prière qui les anime. Dans la nuit, le sens de la vue comme celui de l’ouïe sont mis en retrait : pas de lumière, pas de bruit. Et c’est ce retrait de nos sens qui favorise en nous le sixième sens, le sens spirituel, celui qui nous relie à Dieu par la foi, l’espérance et la charité. Alors, même si nous ne prions pas de nuit, nous pouvons rechercher un cadre de prière qui nous évite les distractions des sens : dans le silence ou le calme, en fermant les yeux par exemple. Pour conclure je laisserai la parole à Maurice Zundel : « La prière est un don que Dieu fait à l’homme ; c’est l’homme qu’elle honore, parce qu’elle le met sur un pied d’égalité avec Dieu. En faisant pour une part dépendre notre destin de nous-mêmes, de notre prière, Dieu nous traite comme des égaux. La prière c’est le choix que nous faisons de Dieu. Nous nous approchons de Dieu à pas d’amour. C’est une conversation avec Dieu. »

mardi 3 février 2009

Quatrième dimanche du temps ordinaire

4ème dimanche du TO / B
1er février 09
Marc 1, 21-28 (p. 502)
Nous poursuivons en ce dimanche notre lecture du premier chapitre de l’Evangile selon saint Marc. Nous savons déjà que Jésus a choisi de commencer son ministère public en Galilée, cette région frontalière au nord d’Israël. Et voilà qu’il s’installe pour un temps dans la maison de Simon à Capharnaüm, au nord-ouest du lac de Tibériade ou mer de Galilée. C’est dans la synagogue de cette ville, un jour de sabbat, que le Seigneur donne son premier enseignement. Contrairement à Luc, Marc ne nous donne pas le contenu de ce premier sermon du Seigneur. Le deuxième évangéliste souligne l’autorité avec laquelle Jésus a enseigné ce jour-là, et se contente de signaler la nouveauté de son enseignement. Cet homme-là n’enseigne pas comme les scribes… L’autorité qui émane du Seigneur vient d’abord de son identité profonde : Il est la Parole de Dieu faite chair. Il ne se contente pas de la commenter, il la manifeste, il la révèle par sa seule personne. Il ne prêche pas seulement la Bonne Nouvelle de Dieu : Il est cette Bonne Nouvelle. Les auditeurs de Jésus dans la synagogue ne peuvent pas deviner ce mystère divin qui se cache en la personne de celui qui leur adresse la parole avec autorité. Mais ils pressentent bien que cet homme, venu de Nazareth, est très différent de leurs scribes. Il n’est pas un professionnel de la religion parmi d’autres. Il est bien plus qu’un bon spécialiste des Ecritures… Pour bien comprendre la nouveauté de la prédication du Seigneur, nous pouvons nous référer à un passage de saint Matthieu, passage dans lequel Jésus lui-même met en lumière les limites des maîtres de la Loi et des Pharisiens qui « se sont faits les interprètes de Moïse. Faites et observez tout ce qu’ils vous disent, mais ne faites pas comme ils font, car ils disent et ne font pas. Ils préparent de lourdes charges, et ils vous les mettent sur les épaules ; mais eux-mêmes ne bougeraient pas un doigt pour les remuer. Tout ce qu’ils font, ils le font pour être vus des hommes : voyez ces larges citations de l’Ecriture fixées à leur front, et ces longues franges à leurs manteaux ! Ils aiment les premières places dans les repas, les premiers fauteuils à la synagogue et les salutations sur la place ; ils aiment que les gens les appellent Maître » (23, 2-7). Ce sont la simplicité et l’humilité de Jésus qui ont dû marquer profondément ses auditeurs dans la synagogue de Capharnaüm, et c’est à travers son attitude intérieure et extérieure qu’ils ont reconnu en lui une autorité venant de Dieu et non des hommes ou d’une simple fonction religieuse.
Vient ensuite dans le récit de Marc la scène de l’exorcisme. Et voilà que le démon, à travers cet homme, confesse la vérité de foi que tous ignorent encore : Jésus de Nazareth est le Saint, le Saint de Dieu. Le Seigneur fait taire le démon et libère l’homme possédé. Nous rencontrons ici pour la première fois un thème constant dans l’Evangile selon saint Marc, celui du secret messianique. Jésus ne veut pas que son identité profonde soit dévoilée avant le moment favorable. Ses paroles et ses gestes doivent amener peu à peu les personnes à reconnaître en lui bien plus qu’un prophète. Jésus vient ouvrir un chemin de foi, une expérience de communion avec lui pour ceux qui l’écoutent et l’accueillent. Il ne vient pas donner un catéchisme. Car les Juifs ont une idée trop humaine, trop politique du Messie. Affirmer sa messianité d’emblée, ce serait donc prendre un grand risque pour lui. Le risque de transformer la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux en une simple propagande pour un royaume d’Israël restauré et triomphant. Quand Jésus sera sur la Croix, au Golgotha, deux ou trois ans plus tard, alors il se révèlera comme le Messie humilié. Là il n’y aura plus de méprise possible sur sa mission… Et c’est par la Résurrection de son Fils au matin de Pâques que Dieu révélera pleinement la divinité de Jésus de Nazareth. Donc nous avons d’un côté un esprit mauvais qui révèle tout de suite l’identité de Jésus, et de l’autre la pédagogie du Père qui prévoit de révéler progressivement son Fils. Quelques versets plus loin Marc note que Jésus « ne laissait pas parler les démons, car ils l’avaient reconnu ». Et quand, à la fin du chapitre premier, le Seigneur guérit un lépreux il lui demande aussi le silence : « Surtout, n’en parle à personne ». Notre humanité ne peut pas accepter la vérité sur l’incarnation en un instant. Cette vérité de foi est tellement inouïe qu’elle provoque un séisme dans nos conceptions traditionnelles de Dieu, d’autant plus qu’elle révèle en même temps le mystère de la Sainte Trinité. Souvenons-nous qu’il aura fallu 4 siècles à l’Eglise naissante pour pouvoir affirmer, avec le Concile de Nicée, d’une manière définitive la divinité de Jésus de Nazareth. L’arianisme, qui faisait de Jésus un super homme mais niait sa filiation divine, a bien failli triompher dans les esprits… Saint Jacques, dans sa lettre, interpelle les chrétiens : « Tu crois qu’il n’y a qu’un seul Dieu ? Très bien. Mais les démons aussi croient, et ils tremblent » (2, 19). Il ne suffit donc pas pour nous de croire en Jésus, Fils de Dieu, et de reconnaître son autorité. Par la charité nous devons l’imiter, c’est-à-dire devenir nous-mêmes Evangile de Dieu pour tous les hommes.